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Le jugement qui annule le permis de construire de la Fondation d'entreprise Louis Vuitton

Voici ce jugement du Tribunal Administratif de Paris :

 

"Vu la requête, enregistrée le 11 février 2008, présentée pour la COORDINATION POUR LA SAUVEGARDE DU BOIS DE BOULOGNE, dont le siège est 83 avenue Mozart à Paris (75016), par Me Musso ; la COORDINATION POUR LA SAUVEGARDE DU BOIS DE BOULOGNE demande au tribunal :


- d’annuler l’arrêté en date du 8 août 2007 par lequel le maire de Paris a accordé à la fondation d’entreprise Louis Vuitton, un permis de construire pour la réalisation d’un bâtiment à usage de musée d’art moderne dans le bois de Boulogne, ensemble la décision implicite par laquelle le maire de Paris a rejeté son recours gracieux en date du 11 octobre 2007 ;


- de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 000 € au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision attaquée et le recours gracieux reçu le 12 octobre 2007 ;
 
Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2008, présenté pour la fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création, par Me Guillini, qui conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la requérante la somme de 5 000 € par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2008, présenté pour la ville de Paris, par Me Foussard, qui conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la requérante une somme de 2 500 € par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
Vu l'arrêté du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 18 mars 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2010


- le rapport de M. Le Coq ;
- les conclusions de M. Chazan, rapporteur public ;
- et les observations de Me Catherine Musso et de Me Pouilhe pour l’association requérante, de Me Laymond pour la ville de Paris, de Me Guillini et de Me Robert-Vedie pour la Fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la création ;


Sur les fins de non recevoir opposées par la ville de Paris et la fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la création :


Considérant que l’association requérante demande l’annulation du permis de construire que le maire de Paris a délivré le 8 août 2007 à la fondation d’entreprise Louis Vuitton, pour la réalisation d’un bâtiment à usage de musée d’art moderne dans le bois de Boulogne, ensemble la décision implicite par laquelle le maire de Paris a rejeté son recours gracieux en date du 11 octobre 2007 ; qu’aux termes de l’article 2 de ses statuts, l’association « a pour objet la sauvegarde du bois de Boulogne et de ses abords, entendus au sens large, en oeuvrant au respect de sa destination initiale de promenade et de loisirs (…) », « entend s’attacher à obtenir que le bois de Boulogne soit confirmé dans cette destination, par réaffectation des espaces non-conformes à celle-ci et ne soit à l’avenir amputé de quelque manière que ce soit au profit de nouvelles emprises ou installations (…) » et « exerce son action par tous moyens, sans limitation d’aucune sorte, notamment par voie de recours en justice, pour faire respecter l’objet des concessions actuellement accordées et s’opposer à des permis de construire (…). » ; qu’eu égard à son objet statutaire, l’association requérante justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la décision contestée autorisant la construction d’un bâtiment de 11.799 m² de surface hors oeuvre nette (SHON) à usage de musée dans le bois de Boulogne ;


Considérant que les défendeurs soutiennent que le président de l’association ne pouvait, sauf urgence, décider d’introduire la présente requête ; qu'en l'absence, dans les statuts d'une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que, par suite, le président de l’association requérante, qui détient de l’article 9 des statuts le pouvoir de la représenter en justice, pouvait régulièrement engager le présent recours pour excès de pouvoir au nom de l’association requérante ; qu’au demeurant, par une délibération en date du 14 janvier 2008, le conseil d’administration de l’association, qui détient de l’article 7 des statuts les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l’association, a décidé également d’intenter un recours contre le permis de construire contesté en mandatant Me Musso pour représenter l’association en justice ; que, par suite, la fin de non recevoir ainsi soulevée ne peut qu’être écartée ;
Considérant que le président d’une association n’a pas à justifier d’un quelconque mandat pour exercer un recours administratif ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut d’habilitation du président à cet effet ne peut qu’être écartée ;


Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article R. 412-1 du code de justice administrative : « La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. » ;
Considérant que l’association requérante a régularisé sa requête en produisant le permis de construire contesté en cours d’instance, conformément aux prescriptions de l’article R. 412-1 précité ;


Sur les conclusions à fin d’annulation :


Considérant que, par une décision du 18 juin 2010, le Conseil d’Etat a annulé les articles N 6 et N 7 du règlement du plan local d’urbanisme de Paris (PLU) relatifs à l’implantation des constructions par rapport aux voies et aux limites séparatives, applicables à la zone N dans laquelle se situe le projet ; que cette annulation partielle a pour effet de remettre en vigueur les dispositions correspondantes des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d’occupation des sols (POS) immédiatement antérieur, dès lors que ces dispositions ne sont pas incompatibles avec celles du règlement du PLU qui restent en vigueur ;
Considérant qu’aux termes de l’article ND 6 du règlement du POS relatif à l’«implantation des constructions par rapport aux voies publiques et privées » : « L’implantation doit être suffisamment en retrait d’une voie pour permettre la réalisation d’une isolation paysagère du bâtiment, sauf si l’environnement justifie une implantation en bordure de rue. » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté comporte une structure en béton à R+1+mezzanines couverte par une structure transparente, en forme de voiles plus ou moins imbriquées ; que ces voiles de verre, à usage de paroi et de toiture, font partie intégrante de la construction projetée ; que la construction est implantée, au nord, soit en limite, soit en surplomb de l’allée Alphand ; que l’allée Alphand, asphaltée, d’une largeur minimale d’environ 5 mètres, permet la circulation du public entre le jardin d’acclimatation, le musée projeté et le reste du bois de Boulogne ; que, compte tenu de ses caractéristiques et de son affectation, cette allée ne constitue pas un simple aménagement interne au jardin d’acclimatation mais une voie au sens des dispositions précitées de l’article ND 6 ; que ni le statut de cette voie au regard de réglementations distinctes, ni l’existence d’horaires d’ouverture ne sont de nature à retirer à l’allée Alphand son caractère de voie pour l’application des dispositions précitées ; qu'eu égard à ce qui vient d’être dit, l’espace situé entre les voiles de verre et la structure en béton ne peut être regardé comme une marge de retrait permettant l’isolation paysagère du projet au sens des dispositions précitées du règlement du POS ; que la construction projetée, nonobstant sa qualité architecturale, ne respecte donc pas la règle de retrait par rapport à la voie prévue par l’article ND 6 ; que l’environnement végétal du terrain d’assiette du projet ne permet pas de justifier « une implantation en bordure de rue » par exception aux exigences de retrait prévues par les dispositions précitées ; que, dès lors, l’association requérante est fondée à soutenir que le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l’article ND 6 du règlement du POS et à demander, pour ce motif, l’annulation des décisions contestées ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : « Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. » ;
Considérant que, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens de la requête ne sont pas, en l’état du dossier, susceptibles de fonder l’annulation des décisions attaquées ;


Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :


Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la requérante, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la ville de Paris et la fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la création et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l’association requérante et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :


Article 1er : Le permis de construire en date du 8 août 2007 par lequel le maire de Paris a autorisé la fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la création, à édifier un bâtiment à usage de musée d’art moderne dans le bois de Boulogne, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de la COORDINATION POUR LA SAUVEGARDE DU BOIS DE BOULOGNE, sont annulés.
Article 2 : La ville de Paris versera la somme de 1 000 euros à la COORDINATION POUR LA SAUVEGARDE DU BOIS DE BOULOGNE par application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par la ville de Paris et la fondation d’entreprise Louis Vuitton pour la création sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la COORDINATION POUR LA SAUVEGARDE DU BOIS DE BOULOGNE, à la Ville de Paris et à la fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création."

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