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Les marais salants et l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme

Un arrêt sur ce sujet :

 

"Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre 2002 et 5 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Lucien X, domiciliée ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

 

1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement en date du 5 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé le permis de construire qui lui a été délivré le 16 mai 1997 par le maire de la commune de Guérande ;

 

2°) de rejeter la demande présentée par l'Association Bretagne vivante S.E.P.N.B. et M. Y devant ce tribunal ;

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu le code de l'urbanisme ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,

 

- les observations de Me Odent, avocat de Mme X,

 

- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

 

 

 


Considérant que Mme X demande l'annulation de l'arrêt en date du 28 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation du jugement en date du 5 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé le permis de construire qui lui a été délivré le 16 mai 1997 par le maire de la commune de Guérande ;

 

Sur la recevabilité de la demande de M. Y et de l'intervention du préfet de Loire-Atlantique devant le tribunal administratif :

 

Considérant qu'en admettant la recevabilité de la demande de M. Y, qui réside à quelques centaines de mètres de l'opération litigieuse, et la recevabilité de l'intervention du préfet de la Loire-Atlantique, lequel avait en tant qu'autorité chargée du contrôle de légalité, intérêt à l'annulation du permis litigieux, devant le tribunal administratif de Nantes, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit ;

 

Sur le fond :

 

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

 

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ; que, pour juger que le terrain support des constructions autorisées par le permis de construire délivré à Mme X était situé sur un espace proche du rivage, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé que il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces jointes au permis de construire, que les terrains où les constructions projetées ont été autorisées par l'arrêté contesté sont situés à une distance d'environ 800 mètres du rivage de la mer ; que, dès lors, en jugeant que ces terrains devaient être regardés comme des espaces proches du rivage au sens des dispositions de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme, alors même qu'ils ne sont pas visibles du rivage et qu'ils en sont séparés par un secteur urbanisé longeant le front de mer, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que si, pour estimer que le terrain assiette du projet autorisé par le permis de construire délivré par le maire de Guérande constituait, au sens de l'article L. 146-4-II du code de l'urbanisme un espace proche du rivage, la cour a mentionné les trois critères sur lesquels devait reposer son appréciation, il ressort des termes mêmes de son arrêt qu'elle s'est fondée exclusivement sur la distance séparant ce terrain du rivage de la mer, sans s'interroger sur les conséquences à tirer de l'existence ou de l'absence d'une co-visibilité entre le terrain et la mer ni sur les caractéristiques des espaces l'en séparant ; que la cour administrative d'appel de Nantes a ainsi commis une erreur de droit ; que Mme X est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, la cour a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Nantes ;

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les terrains sur lesquels les constructions projetées ont été autorisées par l'arrêté contesté sont situés dans le prolongement immédiat d'une zone entièrement urbanisée, qui les sépare du rivage de la mer, distant d'environ 800 mètres, et interdit toute covisibilité entre ces terrains et la mer ; que, dans ces conditions, ces terrains ne peuvent être regardés comme constituant un espace proche du rivage au sens des dispositions sus-rappelées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce moyen pour, après avoir relevé que le projet ne constituait pas, au regard de ces dispositions, une extension limitée de l'urbanisation, annuler le permis de construire contesté ;

 

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par l'Association Bretagne vivante S.E.P.N.B. et M. Y devant le tribunal administratif de Nantes ;

 

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

 

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé... si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrage à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ;

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de construction objet du permis de construire accordé à Mme X consiste, sur des terrains jouxtant immédiatement les marais salants de Guérande, en la réalisation de 240 logements, répartis en 34 bâtiments ; que, compte tenu, d'une part des caractéristiques architecturales de cet ensemble de bâtiments et, notamment, des matériaux choisis qui ne sont pas en harmonie avec l'habitat avoisinant, et, d'autre part, de la réalisation envisagée d'un front bâti regroupant les immeubles ayant la plus grande hauteur en limite immédiate des marais, la construction autorisée est de nature à porter atteinte aux caractères du site avoisinant et, en particulier, au site particulièrement sensible et exceptionnel que constituent les marais salants ; que la commission départementale des sites de Loire-Atlantique a d'ailleurs émis, pour ce motif, un avis défavorable sur le projet de permis le 11 mars 1997 ; qu'il suit de là qu'en prenant l'arrêté attaqué, le maire de la commune de Guérande a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

 

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 5 octobre 1999, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté en date du 16 mai 1997 par lequel le maire de la commune de Guérande a accordé à Mme X le permis de construire contesté ;

 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Association Bretagne vivante S.E.P.N.B. et M. Y et de condamner Mme X et la commune de Guérande à leur payer solidairement à chacun la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme X devant la cour administrative d'appel de Nantes et de condamner l'Association Bretagne vivante S.E.P.N.B. et M. Y, qui ne sont pas dans la présente affaire la partie perdante, à lui payer la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens."

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