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  • Déchéance ou prescription quadriennale de l'action en indemnisation du bénéficiaire d'un permis de construire illégal

    Un arrêt sur cette question et le délai pour agir en indemnisation contre la commune du propriétaire dont la construction a été démolie parce que son permis de construire était illégal :


    "Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 5 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Alain B, demeurant ... et pour le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Vallée, dont le siège est situé lieudit Les Coins à Saint-Mathurin-sur-Loire (49250) ; M. et Mme B et le GAEC de la Vallée demandent au Conseil d'Etat :

    1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT01929 du 23 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n°s 06-4487 et 06-4540 du tribunal administratif de Nantes du 6 mai 2008 et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire et de l'Etat à leur verser les sommes de 2 287 euros au titre de leur préjudice matériel lié à la désaffectation de leur stabulation et à sa mise en conformité, de 50 000 euros au titre des frais et condamnations dont ils ont fait l'objet et de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

    2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête d'appel ;

    3°) de mettre à la charge de la commune et de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu le code de l'urbanisme ;

    Vu la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

    Vu le code de justice administrative ;


    Après avoir entendu en séance publique :

    - le rapport de M. Philippe Josse, Conseiller d'Etat, 

    - les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du GAEC de la Vallée et de M. et Mme B et de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire,

    - les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

    La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du GAEC de la Vallée et de M. et Mme B et à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire ;



    1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 24 octobre 1987, le maire de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire a délivré à M. et Mme B un permis de construire une stabulation destinée à accueillir soixante bovins au lieudit " Les Coins " ; que le Conseil d'Etat a confirmé l'annulation de ce permis, sur appel d'un jugement du tribunal administratif de Nantes, par une décision du 31 juillet 1996 ; que, par un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 17 avril 2001, signifié le 3 juillet 2001, M. et Mme B ont été condamnés, sur demande de M. C, voisin de la stabulation, à indemniser les troubles de voisinage qu'elle lui causait et, sous astreinte, à la démolir dans un délai de six mois ; qu'un nouveau permis de construire a été délivré à M. Patrice B, fils de M. et Mme B, par un arrêté du 8 décembre 2001, l'autorisant à étendre et transformer la stabulation litigieuse en un bâtiment affecté au stockage de matériel et de fourrage ; que, par un nouvel arrêt rendu le 1er mars 2004, la cour d'appel d'Angers a confirmé l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution à l'encontre de M. et Mme B pour inexécution de son arrêt du 17 avril 2001 ; que le permis du 8 décembre 2001 a lui-même été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2005 ; que M. et Mme B, ainsi que le GAEC de la Vallée, ont présenté, tant auprès de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire que de l'Etat, des demandes d'indemnisation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait de l'illégalité des permis qui leur avaient été délivrés les 24 octobre 1987 et 8 décembre 2001 ; que, par un jugement du 6 mai 2008, le tribunal administratif de Nantes a accueilli l'exception de prescription opposée à ces demandes par la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire et par l'Etat ; que M. et Mme B et le GAEC de la Vallée se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 23 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du tribunal administratif et rejeté leur demande indemnitaire tendant en appel à l'octroi d'une somme de 2 287 euros au titre de leur préjudice matériel, correspondant aux frais engagés pour la transformation de la stabulation, d'une somme de 50 000 euros, destinée à couvrir tant les condamnations dont ils ont fait l'objet que les frais exposés lors des différentes instances juridictionnelles, et d'une somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

    Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les préjudices invoqués par M. et Mme B au titre des frais de désaffectation de la stabulation et du préjudice moral lié à l'illégalité du permis de construire délivré le 24 octobre 1987 :

    2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; que l'article 2 du même texte dispose que : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ; qu'aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, par cinq ans après l'achèvement des travaux " ; qu'il résulte de ces dispositions que la créance détenue, le cas échéant, par le titulaire d'un permis de construire jugé illégal par la juridiction administrative, au titre du préjudice lié à la condamnation, par une juridiction judiciaire, à démolir le bâtiment litigieux ou à indemniser les préjudices qu'il a causés, se prescrit à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision de la juridiction judiciaire est passée en force de chose jugée ;

    3. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour a jugé que M. et Mme B avaient eu connaissance des préjudices dont ils se prévalaient au plus tard lors de la notification de la décision du 31 juillet 1996 par laquelle le Conseil d'Etat avait confirmé l'annulation du permis de construire le bâtiment litigieux et que leur éventuelle créance indemnitaire se trouvait ainsi prescrite le 31 décembre 2000 ; qu'en statuant ainsi, alors que, ainsi qu'il a été dit, la créance que les époux B estimaient détenir à raison des frais de désaffectation de la stabulation et du préjudice moral lié à l'illégalité du permis de construire délivré le 27 avril 1987 n'avait acquis un caractère certain que du fait de la décision rendue par le juge judiciaire en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et qu'elle ne se prescrivait qu'à compter de l'année suivant celle au cours de laquelle cette décision du juge judiciaire était passée en force de chose jugée, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que celui-ci doit, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, être annulé en tant qu'il statue sur ces chefs de préjudice ;

    Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le préjudice lié aux frais de la procédure ayant conduit à l'annulation par le juge administratif du permis de construire délivré le 24 octobre 1987 :

    4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire a signé, conjointement avec l'avocat de la commune, le mémoire en défense, enregistré au greffe du tribunal administratif de Nantes le 4 janvier 2007, par lequel la commune a soulevé l'exception de prescription quadriennale de la créance dont se prévalaient M. et Mme B ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la prescription avait été régulièrement opposée ;

    5. Considérant, d'autre part, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que M. et Mme B avaient eu connaissance du préjudice résultant des frais de la procédure ayant conduit à l'annulation du permis de construire délivré le 24 octobre 1987 au plus tard lors de la notification de la décision du 31 juillet 1996 par laquelle le Conseil d'Etat a confirmé l'annulation de ce permis et qu'ainsi, la prescription quadriennale ayant couru à compter du 1er janvier 1997, elle se trouvait acquise à la date du 8 juin 2006 à laquelle M. et Mme B avaient présenté leur demande d'indemnisation ;

    Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les préjudices liés à la condamnation à indemniser le voisin de M. et Mme B et aux frais de justice exposés devant les juridictions judiciaires :

    6. Considérant qu'en jugeant que le préjudice lié à la condamnation à verser des dommages et intérêts à leur voisin prononcée par la cour d'appel d'Angers trouvait son origine dans le comportement fautif de M. et Mme B, qui avaient continué à exploiter leur stabulation en méconnaissance des prescriptions sanitaires de l'arrêté préfectoral du 17 septembre 1987 accordant une dérogation aux règles de distance prescrites par le règlement sanitaire départemental, la cour n'a pas dénaturé l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 17 avril 2001 ;

    7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant seulement qu'il statue sur les préjudices invoqués par M. et Mme B au titre des frais de désaffectation de la stabulation et au titre du préjudice moral lié à l'illégalité du permis de construire délivré le 24 octobre 1987 ;

    8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

    9. Considérant, d'une part, que M. et Mme B demandent réparation du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi du fait des frais engagés pour la transformation de leur stabulation en bâtiment de stockage ainsi que du préjudice moral qui résulterait de l'illégalité du permis de construire délivré le 24 octobre 1987 ; que si le fait générateur de la créance qu'ils sont susceptibles de détenir à ce titre trouve sa source dans l'illégalité du permis de construire, cette créance, à la supposer établie, ne peut avoir acquis un caractère certain que du fait de l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, signifié le 3 juillet 2001, leur ordonnant de détruire la stabulation litigieuse, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'en l'espèce, les époux B ont pu, en définitive, se borner à transformer la stabulation litigieuse ; que la prescription a couru à compter du 1er janvier 2002 et non, comme le soutiennent les requérants en se prévalant de la date à laquelle l'astreinte prononcée par la cour d'appel a commencé à courir, à compter du 1er janvier 2003 ; qu'elle était ainsi acquise, en application de la loi du 31 décembre 1968 précitée, le 8 juin 2006, date de la demande d'indemnisation de M. et Mme B ;

    10. Considérant, d'autre part, que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la commune a régulièrement opposé la prescription quadriennale à la demande d'indemnisation formée par M. et Mme B, avant que la juridiction saisie du litige au premier degré ne se soit prononcée sur le fond ;

    11. Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande de réparation des préjudices invoqués au titre des frais de désaffectation de la stabulation et du préjudice moral lié à l'illégalité du permis de construire délivré le 24 octobre 1987 ;

    12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, à ce titre, par la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire ;



    D E C I D E :


    Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 23 avril 2009 est annulé en tant qu'il statue sur les préjudices invoqués par M. et Mme B au titre des frais de désaffectation de la stabulation et du préjudice moral lié à l'illégalité du permis de construire délivré le 24 octobre 1987.
    Article 2 : Les conclusions de la requête d'appel présentée par M. et Mme B et par le GAEC de la Vallée relatives aux préjudices mentionnés à l'article 1er sont rejetées.
    Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme B et du GAEC de la Vallée est rejeté.
    Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire sont rejetées.
    Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Alain B, au GAEC de la Vallée et à la commune de Saint-Mathurin-sur-Loire.
    Copie en sera transmise pour information à la ministre de l'égalité des territoires et du logement."

  • Éoliennes et loi littoral

    Un arrêt du Conseil d'Etat sur cette question, qui juge que la loi littoral est applicable à un parc d'éoliennes et que cela constitue en l'espèce une extension de l'urbanisation hors continuité avec les agglomérations et villages existants :


    "Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 20 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Neo Plouvien, dont le siège est au 40, avenue des terroirs de France à Paris (75611 Cedex 12) ; la société Neo Plouvien demande au Conseil d'Etat :

    1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT01037 du 28 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0501812, 0501917 du 28 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 29 octobre 2004 par lequel le préfet du Finistère lui a accordé un permis de construire huit éoliennes sur le territoire de la commune de Plouvien, d'autre part, au rejet des demandes de l'association Les Abers et de M. et Mme Jean-Jacques A et autres présentées devant le tribunal administratif de Rennes ;

    2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

    3°) de mettre à la charge de M. Mickaël E, de M. et Mme Bernard B, de M. et Mme Claude D et de M. et Mme Jean-Jacques A, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




    Vu les autres pièces du dossier ;

    Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 octobre 2012, présentée pour la société Neo Plouvien ;

    Vu le code de l'environnement ;

    Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

    Vu le code de l'urbanisme ;

    Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;

    Vu le décret-loi du 21 février 1852 relatif à la fixation des limites de l'inscription maritime dans les fleuves et rivières affluant à la mer et sur le domaine public maritime ;

    Vu le décret du 21 mars 1930 ;

    Vu le décret n° 2004-309 du 29 mars 2004 ;

    Vu le décret n° 2004-311 du 29 mars 2004 ;

    Vu le code de justice administrative ;

    Après avoir entendu en séance publique :

    - le rapport de M. Raphaël Chambon, Maître des Requêtes, 

    - les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Société Neo Plouvien, et de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. Bernard B, de M. Claude D et de M. Mikaël E,

    - les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

    La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Société Neo Plouvien et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. Bernard B, de M. Claude D et de M. Mikaël E ;




    1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par un arrêté du 29 octobre 2004, le préfet du Finistère a accordé à la société Neo Plouvien un permis de construire huit éoliennes sur le territoire de la commune de Plouvien ; que, par un jugement du 28 février 2008, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté en se fondant sur l'insuffisance de l'étude d'impact s'agissant de l'évaluation de l'impact sonore du fonctionnement des éoliennes ; que, saisie en appel par la société Neo Plouvien, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 28 janvier 2011, a censuré le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif puis, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, a rejeté l'appel de la société en retenant un autre motif d'annulation du permis de construire, tiré de ce que, la commune de Plouvien devant être regardée, pour l'intégralité de son territoire, comme une " commune riveraine des mers et des océans " au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, le permis litigieux méconnaissait les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme prohibant l'extension de l'urbanisation hors continuité avec les agglomérations et villages existants ; que la société Neo Plouvien se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

    Sur l'intervention de l'association France Energie Eolienne :

    2. Considérant que l'association France Energie Eolienne a intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

    Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

    3. Considérant que la circonstance qu'à l'issue de l'audience publique qui s'est tenue le 3 novembre 2009, l'affaire ait été rayée du rôle dans l'attente, d'après les indications données par le greffe de la cour, de la solution apportée par le Conseil d'Etat dans une affaire posant des questions similaires, n'est pas de nature à révéler un quelconque pré-jugement de l'affaire ; que la circonstance que l'une des parties seulement ait été informée, à sa demande, du motif de ce renvoi par courrier, lequel ne comportait d'ailleurs aucune précision sur l'affaire pendante au Conseil d'Etat, ne peut être regardée comme une atteinte au principe de l'égalité des armes ou au principe du contradictoire, la cour administrative d'appel n'ayant communiqué aucune information susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ;

    Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

    4. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / - dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (...) " ; que l'article 2 de la loi du 3 janvier 1986, désormais codifié à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, dispose que : " Sont considérées comme communes littorales, au sens du présent chapitre, les communes de métropole et des départements d'outre-mer : / 1° Riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; / 2° Riveraines des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d'Etat, après consultation des conseils municipaux intéressés " ; que le décret du 29 mars 2004, désormais codifié à l'article R. 321-1 du code de l'environnement, a établi la liste des communes riveraines d'un estuaire ou d'un delta considérées comme communes littorales au sens du 2° de l'article L. 321-2 ; que la commune de Plouvien ne figure pas sur cette liste ;

    5. Considérant que, s'il résulte du 2° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement que les communes riveraines des estuaires ne peuvent être classées comme communes littorales par décret en Conseil d'Etat que si elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux, ni ces dispositions ni aucun autre texte ne définissent la limite en aval de laquelle les communes doivent être considérées comme " littorales " en application du 1° du même article ; que cette dernière limite doit être regardée comme correspondant à la limite transversale de la mer, déterminée, en application de l'article 9 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure applicable à la date des faits, conformément aux dispositions du décret du 29 mars 2004 et, avant l'entrée en vigueur de ce décret, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 21 février 1852, aujourd'hui codifiées aux articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques, qui marque la frontière de la mer à l'embouchure des fleuves et des rivières ; qu'en vertu des dispositions du décret du 29 mars 2004, la délimitation de la limite transversale de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières est, le cas échéant, constatée par arrêté préfectoral pris après enquête publique et par décret en Conseil d'Etat si l'avis du commissaire enquêteur est défavorable ; 

    6. Considérant, par suite, qu'en énonçant que, si la loi ne définit pas la limite aval d'un estuaire, il y a lieu de se référer, pour déterminer cette limite, aux décrets fixant la limite transversale de la mer, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'après avoir, en relevant que la limite transversale de la mer a été fixée, s'agissant de l'estuaire de l'Aber Benoît, par un décret du 21 mars 1930, que la limite de salure des eaux coïncide, en l'espèce, avec la limite transversale de la mer et qu'une partie du territoire de la commune de Plouvien se situe en deçà de ces limites, souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas inexactement qualifié ces faits en estimant que la commune de Plouvien n'était pas une commune riveraine d'un estuaire mais devait être regardée comme une commune riveraine des mers et océans, pour l'intégralité de son territoire, au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, et que, par suite, les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme s'appliquaient sur l'ensemble de son territoire ;

    7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l'accord du préfet après avis de la commission départementale des sites, perspectives et paysages. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages " ; que l'article L. 146-1 du même code dispose que les articles L. 146-1 à L. 146-9 de ce code sont applicables " à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, pour l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais. Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement " ;

    8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu interdire toute construction isolée dans les communes littorales et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle ; qu'en estimant que la construction d'éoliennes devait être regardée comme une extension de l'urbanisation au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme et en jugeant, après avoir relevé, au terme d'une appréciation souveraine des faits, que les éoliennes dont l'implantation a été autorisée par le permis de construire contesté ne se situaient pas en continuité d'une agglomération ou d'un village existant, et que le préfet du Finistère avait méconnu ces dispositions en accordant ce permis de construire, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas commis d'erreur de droit ; 

    9. Considérant, enfin, que les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, aux termes desquelles il peut être dérogé à l'interdiction des constructions ou installations en dehors des espaces urbanisés pour les constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, ne sont applicables que dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en écartant implicitement mais nécessairement comme inopérant le moyen tiré de ce que la construction des éoliennes autorisée par le permis litigieux, dont il ressort des pièces soumises aux juges du fond qu'elle est prévue en dehors de la bande littorale de 100 mètres, devait bénéficier de la dérogation prévue par le deuxième alinéa du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

    10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Neo Plouvien n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme globale de 3 000 euros à verser à M. E, à M. et Mme B et à M. et Mme D, au titre de ces dispositions ;



    D E C I D E :


    Article 1er : L'intervention de l'association France Energie Eolienne est admise.

    Article 2 : Le pourvoi de la société Neo Plouvien est rejeté.

    Article 3 : La société Neo Plouvien versera à M. E, à M. et Mme B et à M. et Mme D une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

    Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Neo Plouvien, à M. Mikaël E, et à l'association France Energie Eolienne. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Didier et Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
    Copie en sera adressée pour information à l'association Les Abers, à M. et Mme Jean-Jacques A, à M. Jean-Louis F, à M. et Mme Alain G, à M. et Mme Lucien H, à M. et Mme George I, à Mme Annie J, à Mme Bernadette K et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie."