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Exemple de dol numéro 6 : la fenêtre qui doit être obstruée

Le vendeur et l'agent immobilier n'avaient pas informé l'acheteur des conséquences juridiques de l'existence d'une fenêtre.

 

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 3 avril 1997), qu'ayant acquis de M. D... une maison comportant une fenêtre ouvrant sur le jardin des époux Desvilles, et invités par ces derniers à obstruer cette vue qu'ils prétendaient irrégulière, les époux X..., estimant que le vendeur, ainsi que la société Poujaud immobilier, laquelle avait établi la promesse de vente, et la société civile professionnelle (SCP) Bonnet-Beaufranc, notaire, ayant reçu l'acte de vente, avaient commis un dol en leur dissimulant cette difficulté connue d'eux, les ont assignés tous trois en nullité de la vente et en dommages-intérêts ;


Attendu que M. D..., la société Poujaud immobilier et la SCP Bonnet-Beaufranc font grief à l'arrêt de juger que le fonds vendu ne bénéficiait pas d'une servitude de vue et d'accueillir la demande des acheteurs, alors, selon le moyen, "1 ) qu'il y a destination du père de famille lorsque les fonds divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude ; que la condition relative au propriétaire commun des deux fonds est réalisée lorsque les deux fonds ont appartenu à une même famille et que c'est le propriétaire du fonds grevé qui a lui-même instauré la servitude litigieuse ; que dans ses conclusions d'appel, la société Poujaud immobilier faisait valoir que les deux fonds en cause avaient appartenu aux membres d'une même famille et que la servitude avait été instaurée par M. A... lui-même au profit du fonds voisin qui avait appartenu à ses beaux-parents puis à son épouse ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2 ) que l'état de choses maintenu par le propriétaire est au même titre que l'état de choses par lui créé une destination du père de famille ; que la création d'une servitude par destination du père de famille ne suppose pas nécessairement que l'aménagement ait été effectué lorsque les fonds avaient un propriétaire commun et peut résulter du maintien par ce dernier de l'aménagement créé avant la réunion des fonds ; qu'en l'espèce, et ainsi que le faisait valoir M. D... dans ses écritures, Mme A... a été propriétaire de la maison vendue aux époux X... de janvier à août 1976 suite au décès de ses parents et était dès lors propriétaire à la fois des deux fonds concernés par le litige ; que Mme A... n'a pas remis en cause la servitude de vue créée par elle-même et son époux en 1973 et a admis son maintien ; que lorsque son frère a acquis le bien par licitation, la servitude a été acquise par destination du père de famille ; qu'en refusant d'admettre que la servitude de vue créée par Mme A... et maintenue par elle lorsque les fonds servant et dominant étaient sa propriété, était une servitude par destination du père de famille, la cour d'appel a violé l'article 693 du Code civil ; 3 ) que la destination du père de famille est fondée sur la supposition qu'au moment de la séparation des fonds une convention tacite a été passée entre les parties afin que l'état de fait établi par le père de famille soit maintenu après la division des fonds ; que c'est en ce sens que M. D... faisait état d'un accord tacite entre les époux A... et lui-même lors de la licitation lui ayant attribué la propriété de l'immeuble vendu ; qu'en refusant de faire produire effet à l'accord entre les propriétaires des fonds originairement divisés qui démontrait leur volonté de maintenir la destination du père de famille, la cour d'appel a violé les articles 692 et 693 du Code civil" ;


Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les époux Adrien D... avaient fait ouvrir au cours de l'été 1973 dans la façade de leur maison une fenêtre donnant sur le jardin, limitrophe, de leur fille et gendre, les époux A..., que M. A... avait lui-même procédé aux travaux, qu'après le décès des époux D... au début de l'année 1976, leur maison figurant dans l'indivision successorale avait été attribuée par licitation à leur fils Georges D... le 11 août 1976, lequel l'avait vendue aux époux X..., la cour d 'appel, qui n'a pas constaté que le fonds des époux A... et celui provenant des époux Adrien D... eussent été réunis à aucun moment, dans les mains d'un même propriétaire, a retenu, à bon droit, répondant aux conclusions, que les conditions d'établissement d'une servitude de vue par destination de père de famille n'étaient pas remplies ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le premier moyen du pourvoi incident n° U 97-16.160 de la SCP Bonnet-Beaufranc :


Attendu que la SCP Bonnet-Beaufranc fait grief à l'arrêt d'annuler la vente par M. D... de son immeuble aux époux X..., alors, selon le moyen, "que la servitude de vue s'acquiert par titre conventionnel ; que le fait pour un propriétaire d'aménager lui-même une servitude de vue sur son fonds propre et au profit du fonds voisin constitue un titre au bénéfice du propriétaire du fonds dominant ; que, dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse, la société Poujaud avait fait valoir que la servitude de vue litigieuse avait été constituée par M. A..., lui-même au profit du fonds des auteurs de M. D... ; qu'un tel moyen était péremptoire puisqu'il attestait que M. D... avait un titre fondant sa servitude ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;


Mais attendu que la société Poujaud immobilier s'étant bornée à faire état de ce que, dans le courant de l'été 1973, M. A..., qui séjournant chez ses beaux-parents, avait ouvert lui-même sur la façade arrière de leur maison une fenêtre donnant sur le jardin dont il était propriétaire avec son épouse, ce dont elle avait déduit qu'il avait ainsi institué une servitude grevant son fonds, la cour d'appel a retenu que la servitude ne reposait sur aucun titre et a répondu aux conclusions ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° U 97-16.160, et les premier et troisième moyens du pourvoi principal n° J 97-16.450, réunis :


Attendu que M. D... et la société Poujaud immobilier font grief à l'arrêt d'annuler pour réticence dolosive la vente et de condamner le vendeur et l'agent immobilier à des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, "1 ) que le dol doit avoir été commis par l'une des parties au contrat ; qu'en annulant la vente de l'immeuble litigieux, motif pris de ce que l'agent immobilier n'aurait pas informé complètement les acquéreurs de la situation de l'immeuble, alors que l'agent immobilier était un tiers au contrat de vente, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil ; 2 ) que le dol n'est caractérisé que si des éléments de fait ont été dissimulés à la partie qui se prétend victime ; qu'en l'espèce, les époux X... ont visité l'immeuble en cause et ont donc constaté que la fenêtre de la cuisine s'ouvrait sur le fonds voisin ; que la cour d'appel relève que le compromis de vente précisait que "le terrain du voisin vient sous les fenêtres de la cuisine" ; qu'en annulant la vente litigieuse pour dol alors que les acquéreurs ne pouvaient ignorer le fait prétendument dissimulé et qu'ils ne pouvaient davantage en ignorer les conséquences, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil ; 3 ) que le dol n'est constitué que si la volonté de dissimuler un fait déterminant pour le consentement est caractérisée à l'encontre d'une partie ; qu'en se bornant à retenir le dol sans caractériser l'intention qu'aurait eue M. D... de dissimuler l'ouverture de la cuisine sur le fonds voisin, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du Code civil ; 4 ) que la charge de prouver le dol incombe à celui qui l'a invoqué ; qu'en déclarant que la SCP Poujaud immobilier et le vendeur ne prouvaient pas avoir complètement informé les acquéreurs pour retenir le dol, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant les articles 1116 et 1315 du Code civil ; 5 ) que dans ses conclusions d'appel, la société Poujaud immobilier faisait valoir qu'elle avait informé les acquéreurs des problèmes pouvant naître de l'ouverture de la fenêtre sur le fonds voisin ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, puisqu'il attestait que la société Poujaud immobilier avait acquitté son devoir de conseil, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 6 ) que l'agent immobilier n'a pas à informer l'acquéreur d'un état de fait manifeste que ce dernier constate lorsqu'il visite l'immeuble qu'il envisage d'acquérir ; qu'en l'espèce, l'ouverture de la cuisine sur le fonds voisin existait au jour de la vente et les acquéreurs ne pouvaient ignorer cet état de la visite de l'immeuble ; qu'en considérant que la société Poujaud immobilier avait à informer les acquéreurs d'un fait que ces derniers ne pouvaient ignorer, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 7 ) que c'est à l'acquéreur d'un bien qu'il incombe de prouver que l'agent immobilier n'a pas rempli son devoir d'information ; qu'en énonçant que c'était à la société Poujaud immobilier qu'il appartenait de prouver qu'elle avait complètement informé les acquéreurs, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant les articles 1147 et 1315 du Code civil ; 8 ) que c'est à celui qui invoque un dol de rapporter la preuve de ce que la vérité lui aurait été cachée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé que la preuve d'un fait négatif ne pouvait être mise à la charge de l'acquéreur et qu'il convenait donc de dire que le vendeur et l'agent immobilier ne pouvaient prétendre en l'état de leurs affirmations avoir complètement informé les acquéreurs de la situation ; qu'ainsi la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1116 et 1315 du Code civil" ;


Mais attendu qu'ayant constaté -l'agent immobilier, mandataire du vendeur, n'étant pas un tiers au contrat de vente- que Mme A... avait, par lettres des 15 juillet et 14 décembre 1991, soit antérieurement à la signature de la promesse et de l'acte de vente, en date respectivement des 30 juillet et 6 novembre 1992, avisé M. D... et la société Poujaud immobilier de son intention de demander l'obstruction de la fenêtre litigieuse et relevé, appréciant les éléments de preuve soumis à son examen, que pour démontrer qu'ils avaient averti les acheteurs de la situation, le vendeur et l'agent immobilier invoquaient le témoignage du notaire instrumentaire, lequel ne confirmait pas leur thèse, et l'attestation d'un voisin contredite par un document émanant de l'agent immobilier, la cour d'appel, répondant aux conclusions, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à la charge de la preuve du dol, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement que la connaissance qu'avaient M. D... et la société Poujaud immobilier au sujet de la fenêtre en cause, rapprochée du caractère ambigu de la clause de la promesse de vente se bornant à signaler l'existence d'une fenêtre ouvrant sur la propriété voisine sans fournir de précisions quant aux droits des parties, caractérisaient les manoeuvres dolosives imputées au vendeur et à l'agent immobilier et que, compte tenu des dimensions de la fenêtre et de la vue procurée sur un jardin, les époux X... auraient été dissuadés d'acquérir s'ils avaient été informés de l'obligation d'obstruer cette ouverture ;


Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° U 97-16.160 :


Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de ne mettre à la charge de la société Poujaud immobilier que la moitié des dommages-intérêts alloués aux époux X... et de le débouter de son action en responsabilité contractuelle contre cette société, alors, selon le moyen, "que l'agent immobilier est débiteur d'une obligation de conseil tant à l'égard du vendeur que de l'acheteur ; que l'agent immobilier est tenu d'apporter toutes les précisions sur les caractéristiques du bien mis en vente et prendre soin de souligner avec suffisamment de précision auprès de l'acheteur l'existence d'un élément défavorable ; qu'il doit rendre compte au vendeur de l'exécution de cette obligation et, à cette fin, préciser notamment dans le compromis de vente que toutes les caractéristiques du bien et notamment les éléments défavorables ont été portés à la connaissance de l'acheteur ; que l'exécution de ces obligations rend impossible par la suite la moindre contestation de la part de l'acheteur ; qu'en n'exécutant pas parfaitement son obligation de conseil à l'égard de l'acheteur, l'agent immobilier a, par sa faute, causé un préjudice au vendeur exposé à une action en nullité de la vente et en réparation du préjudice causé à l'acquéreur ; qu'à ce titre, l'agent immobilier devait garantir M. D... pour l'intégralité des conséquences pécuniaires de l'annulation de la vente dont il était l'unique responsable et l'indemniser du préjudice subi du fait de cette annulation et de la perte d'une chance de vendre le bien ; qu'en ne mettant à la charge de l'agent immobilier que la moitié des dommages-intérêts alloués aux Epoux X... et en rejetant a fortiori l'action en responsabilité intentée par M. D..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. D... et la société Poujaud immobilier s'étaient rendus coupables d'un dol envers l'acheteur, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la proportion dans laquelle chacun des coobligés in solidum devait contribuer à la réparation, a retenu, à bon droit, que M. D... ne pouvait prétendre à des dommages-intérêts ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal n° U 97-16.160 de M. D... et le pourvoi provoqué n° U 97-16.160 des époux X... :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour écarter la responsabilité du notaire, l'arrêt, qui a constaté, par motifs adoptés, que la clause rappelant l'existence d'une fenêtre donnant sur le fonds des époux A... figurait à la rubrique "servitudes" de l'acte de vente, retient que cette clause se borne à mentionner une situation de fait indiquée par le vendeur et n'oblige pas le notaire instrumentaire à faire des recherches sur les conséquences de cette particularité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il rédige et d'éclairer les parties sur l'étendue de leurs droits, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE les pourvois incident n° U 97-16.160 de la société Poujaud immobilier, et provoqué n° J 97-16.450 des époux X... C... ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause la SCP Bonnet-Beaufranc, l'arrêt rendu le 3 avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens, à l'exception de ceux exposés par les époux X... qui seront à la charge de la SCP Bonnet et Beaufranc ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCP Bonnet-Beaufranc à payer aux époux X... la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la SCP Bonnet et Beaufranc, de la société Poujaud immobilier et de M. D... ;"

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