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La vue imprenable et le calme de la route départementale à moins de trois cents mètres et destinée au passage de milliers de véhicules par an ...

Voici un arrêt qui serait presque un cas d'école.

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"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er mars 2018), que, par acte authentique du 9 avril 2008, dressé par Mme U..., notaire, M. X... a vendu à la SCI Y... (la SCI), par l'intermédiaire de M. B..., exerçant sous l'enseigne « Agence AAMI », un mas moyennant le prix de 485 000 euros ; qu'ayant découvert, postérieurement à la vente, qu'un projet de déviation était susceptible de faire passer une route départementale à proximité de leur propriété, M. et Mme Y... et la SCI ont assigné M. X... en nullité de la vente sur le fondement du dol et le notaire et l'agent immobilier pour manquement à leur obligation de conseil ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la vente et de le condamner à payer diverses sommes ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu, sans violer le principe de la contradiction, que M. X... avait décidé de mettre en vente la propriété parce qu'il avait eu connaissance du projet de déviation après la manifestation de septembre 2007, qu'il avait accepté que son mandataire la présentât comme étant un mas offrant une vue imprenable et une tranquillité assurée, qu'il avait fait le choix de se taire au lieu d'en informer loyalement les acquéreurs et que son silence était constitutif d'une réticence dolosive qui avait vicié leur consentement puisqu'ils avaient été séduits par la vue imprenable et le calme dont lui et son mandataire faisaient leurs arguments de vente et contracté en considération de ces qualités et qu'ils ne l'auraient pas acquise s'ils avaient été informés de l'existence du projet de déviation et du risque, qui s'était finalement réalisé, de voir passer une route départementale à moins de trois cents mètres et destinée au passage de milliers de véhicules par an, dont de nombreux poids lourds, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, par ces seuls motifs, en déduire que M. X... avait commis un dol ayant vicié le consentement des acquéreurs et que la vente devait être annulée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme Y... et la SCI Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X... a commis un dol à l'égard de la SCI Y... ayant vicié son consentement, d'avoir annulé la vente conclue entre la SCI Y... et M. X..., d'avoir condamné M. X... à restituer à la SCI Y... le prix reçu de 485 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2011 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil, d'avoir condamné M. X... à payer à la SCI Y... la somme de 97 414,38 euros en réparation de ses préjudices financiers, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et d'avoir condamné M. X... à payer à la SCI Y... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Le dol, pour être caractérisé, suppose que soit rapportée la preuve de manoeuvres, de mensonges ou d'omissions volontaires dans le but de tromper le cocontractant. L... X... qui soutient dans ses conclusions avoir résidé à [...] entre juin 2006 et avril 2008 a pourtant déclaré demeurer au Mas de [...] à [...] lors de la signature de la promesse de vente avec la SCI Y... le 2 novembre 2007 (promesse qu'il a paraphée sur toutes ses pages). Ce Mas était équipé pour l'habitation puisqu'il a été vendu à la SCI avec une partie de ses meubles pour une valeur de 25 000 euros (piano de cuisine, billot, hotte, réfrigérateur, éléments de cuisine et hotte, éléments d'évier et climatisation réversible). Entre la date d'achat de ce Mas en juin 2006 et la date de vente à la SCI en avril 2008, L... X... a eu le temps : - d'entamer des pourparlers avec l'un de ses voisins, exploitant agricole, pour l'achat de vignes jouxtant sa propriété au cours de l'été 2007 avant de se rétracter (attestation de H... V...), - de discuter occasionnellement avec un autre de ses voisins (attestation de O... P...), - de chercher et visiter sur place une autre propriété qu'il a finalement acquise le 15 mai 2008 ([...] ). Il s'évince de ces éléments que L... X... a occupé le Mas de [...] avant de le vendre à la SCI puisqu'il a déclaré cette adresse comme étant son domicile, entamé des discussions avec deux de ses voisins de l'époque, soumis à l'un d'eux une proposition d'achat de terres cultivables et trouvé une autre propriété sur la même commune ; il ne s'est donc pas limité à y passer « trois nuits » en 18 mois ainsi qu'il le conclut. Au cours de l'été 2007, L... X... a insisté auprès de l'un de ses voisins, H... V..., pour lui acheter une vigne située au-dessus du Mas de [...], ce qui démontre qu'à cette époque, son intention était de conserver et d'étendre sa propriété. En septembre 2007, une importante manifestation a rassemblé les habitants de la commune de [...] et leur maire pour réactiver le projet de déviation de la départementale 613 qui était à l'étude depuis des années sans aucune avancée significative. Dans les jours qui ont suivi cette importante manifestation locale, L... X... a fait savoir à H... V... qu'il ne souhaitait plus acquérir sa vigne et qu'il allait même vendre le Mas de [...] en faisant valoir que sa fiancée le trouvait trop isolé (attestation de H... V... du 23 février 2011). Or, ce motif n'est pas fondé puisque L... X... et son épouse ont acquis en mai 2008 et novembre 2009 un domaine de même nature, encore plus étendu que le précédent, et situé sur la même commune. Mieux, O... P..., qui exerce la profession d'électricien et qui est sans relation avec les parties, atteste le 28 janvier 2011 qu'il lui est arrivé de « discuter avec M. L... X..., mon ex-voisin. Il était parfaitement informé du projet de déviation de la départementale 613 ». Le même témoin écrit le 22 janvier 2012 avoir été menacé d'une plainte en justice pour faux et usage de faux par L... X... après que celui-ci a été informé du contenu de l'attestation précédente. L'appelant ne justifie cependant pas d'une plainte déposée contre O... P... à ce jour. Ce témoin poursuit en indiquant que, « paradoxalement, il m'a ensuite dit que de toutes façons tout le monde savait que la déviation allait passer par ce tracé
». Et, en effet, la volonté des habitants et du maire de [...] de voir ce projet de déviation aboutir pour éradiquer du centre du village le passage de 10 à 15 000 véhicules par an dont 3 000 poids-lourds et convois exceptionnels a eu un retentissement très important au plan local puisque la presse régionale s'en est fait l'écho et que tous les habitants du village étaient au courant, ainsi que cela résulte des autres attestations et articles de journaux versés aux débats. Même si le tracé de cette déviation était encore incertain en septembre 2007, quatre variantes étant toujours à l'étude, il n'en reste pas moins vrai que l'un de ces tracés prévoyait de passer à moins de 300 mètres du Mas de [...]. Il résulte de l'ensemble des éléments précités que, contrairement à ce qu'il soutient, L... X... a eu vent de ce projet de déviation susceptible de nuire à la tranquillité du Mas de [...] et à sa valeur vénale après la manifestation de septembre 2007. C'est parce qu'il a été informé de ce projet que L... X... a décidé soudainement de ne plus acquérir la vigne qu'il convoitait quelques semaines plus tôt et qu'il a décidé de mettre en vente sa propriété en signant un mandat de vente auprès de l'agence AAMI dès le 29 octobre 2007. La SCI démontre suffisamment que L... X... connaissait l'existence du projet de déviation avant la vente. Or, au lieu d'en informer loyalement son acquéreur en lui signalant l'existence du projet et le risque de voir apparaître une route départementale à moins de 300 mètres du mas, L... X... a fait le choix de se taire. Son silence est constitutif d'une réticence dolosive car il savait, quand il a mis en vente son bien, que le charme et la tranquillité de la propriété et de ses environs immédiats seraient des arguments de vente déterminants, la maison elle-même ne faisant que 130 m2 habitables. C'est d'ailleurs conscient du charge et de la situation exceptionnelle de son bien que L... X... a désigné celui-ci comme étant un « superbe mas » dans le mandat sans exclusivité confié à l'agence AAMI en octobre 2007 et qu'il a accepté que son mandataire le présente à la vente comme étant un mas offrant « une vue imprenable » et une « tranquillité assurée ». La réticence dolosive de L... X... a donc vicié le consentement de la SCI puisque ses gérants retraités nés en [...] et [...] et domiciliés précédemment en Charente, ainsi qu'ils l'ont signalé sur la promesse de vente, ont été séduits par la vue imprenable et la calme dont le vendeur et son mandataire faisaient leurs arguments et que c'est en considération de ces qualités qu'ils ont accepté de verser en 2008 la somme non négligeable de 535 218 euros pour une maison de 130 m2habitables perdue dans la compagne héraultaise. Il ne fait donc aucun doute que si L... X... avait informé la SCI de l'existence du projet de déviation et du risque, qui s'est finalement réalisé, de voir passer une route départementale à moins de 300 mètres de la propriété, visible depuis la fenêtre du salon et depuis la terrasse (constat d'huissier de 2017) et destinée au passage de 10 000 à 15 000 véhicules par an dont de nombreux poids lourds, elle n'aurait pas acquis le Mas de [...]. La vente doit être annulée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la SCI de cette demande » ;

1°) ALORS QUE, tenu de respecter lui-même le principe du contradictoire, le juge ne peut soulever d'office un moyen de fait sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il était expressément admis par M. et Mme Y... et la SCI Y... que M. X..., entre son acquisition en avril 2006 et la vente litigieuse en avril 2008, demeurait à [...] et ne venait à [...] qu'afin de surveiller les travaux qu'il faisait réaliser au Mas de [...] lequel ne constituait qu'une résidence secondaire non encore occupée ; qu'en soulevant d'office le moyen pris de ce que M. X... demeurait au Mas de [...], ainsi qu'en auraient attesté les mentions de la promesse de vente du 2 novembre 2007, le Mas étant par ailleurs, en moment de sa revente, équipé pour l'habitation, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur cette circonstance de fait déterminante ayant trait à la prétendue connaissance du projet de déviation, la cour a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, tenu de motiver sa décision, le juge doit répondre aux moyens qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, M. X... exposait qu'il avait décidé de mettre en vente le Mas de [...], d'une superficie de 66 ares, en raison de son désir de disposer d'une propriété plus vaste ; qu'il précisait ainsi qu'ayant dans un premier temps cherché à acquérir auprès de M. V..., un terrain attenant au Mas de [...], afin de procéder à une extension, il avait finalement décidé d'acquérir, sur la même commune, une propriété, le Domaine de [...], nettement plus étendue - 3 hectares - ; qu'il précisait que, le 15 mai 2008, il avait fait l'acquisition de la partie essentielle du domaine de [...], d'une surface de 2 hectares 77 ares 69, centiares au prix de 540 000 euros, que, le 29 juillet 2008, il avait vendu sa maison principale de [...] au prix de 300 000 euros et que, le 12 novembre 2009, il avait complété son acquisition du Domaine de [...] en acquérant un nouveau lot d'une superficie de 23 ares 26 centiares moyennant le prix de 200 000 euros ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant comme excluant tout lien entre la mise en vente et le projet d'une déviation, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS de même QUE M. X... exposait que le Domaine de [...], acquis en raison de sa surface nettement supérieure à celle du Mas de [...], se situait lui-même à 60 mètres d'une route départementale, de sorte qu'il était exclu de soutenir que la perspective de nuisances sonores avait justifié la mise en vente du bien litigieux ; qu'en laissant ce moyen déterminant sans réponse, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le demandeur en nullité pour dol doit prouver l'importance du fait dissimulé et, partant, l'erreur déterminante par lui commise ; que la preuve par présomption du fait de l'homme ne peut jamais être administrée à partir des propres et seules déclarations de celui qui est tenu de prouver ; qu'en tenant pour acquis le fait que le calme et l'isolement constituaient pour M. et Mme Y... une qualité déterminante, par cela seul que ceux-ci, retraités habitant précédemment en Charente, ont répondu favorablement à une annonce évoquant, entre autres qualités, la tranquillité du bien et ont accepté de verser la somme de 535 218 euros pour un bien isolé, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'erreur prétendument commise et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1315 du code civil dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°) ALORS QUE le caractère intentionnel du silence, condition nécessaire de la réticence dolosive, implique que le défendeur ait connu l'importance du fait dissimulé pour l'autre partie ; qu'en se bornant à relever que M. X... savait que le charme et la tranquillité de la propriété et de ses environs immédiats seraient des arguments de vente déterminants, que M. X... et son mandataire, dans l'annonce destinée aux candidats à l'acquisition, avaient présenté le bien comme offrant une tranquillité assurée et que les époux Y... avaient été séduits par le calme dont il était ainsi fait argument et avaient accepté de s'engager en considération de cette qualité, sans constater que M. X... savait que ces acquéreurs, en particulier, faisaient du calme une condition déterminante de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016."

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