Préemption et caducité du compromis de vente (samedi, 16 mars 2013)

La décision d'exercer le droit de préemption n'a pas pour effet de rendre irrecevable l'action de l'acquéreur évincé même si cette préemption entraîne la caducité du compromisles :


"Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er septembre 1994, présentée pour M. et Mme X..., demeurant "Le Bourg", 14250, Ducy-Sainte-Marguerite, par Me Z..., avocat au barreau de Caen ;

M. et Mme X... demandent à la Cour :

1 ) d'annuler le jugement n 93-1267 du 8 juin 1994, par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 1er septembre 1993 du conseil municipal de la commune d'Anguerny décidant d'exercer son droit de préemption sur un ensemble immobilier situé rue du Bout Maçon à Anguerny, et à leur verser 6 000 F au titre des frais irrépétibles ;

2 ) d'annuler la délibération susvisée et de condamner la commune d'Anguerny à leur verser la somme de 11 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 1997 :

- le rapport de M. CADENAT, conseiller,

- et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;



Sur l'intérêt pour agir de M. et Mme X... :

Considérant que M. et Mme X... avaient signé, le 17 juin 1993, avec les consorts Y..., un compromis de vente concernant un immeuble appartenant à ces derniers et qui a fait, par la suite, l'objet d'une décision de préemption de la commune d'Anguerny du 1er septembre 1993 ; que la circonstance qu'ils aient demandé aux consorts Y... et obtenu, antérieurement à la date d'introduction de leur requête d'appel devant la Cour, l'annulation de ce compromis de vente est sans incidence sur l'intérêt qu'ils conservent, en leur qualité d'acquéreurs évincés, à contester la légalité de la décision de préemption prise par la commune d'Anguerny ;

Sur la légalité de la décision de préemption et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L.210-1 du code de l'urbanisme : "Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L.300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels ... Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé" ; qu'aux termes de l'article L.300-1 du même code : "Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en uvre une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels" ;

Considérant que la délibération du 1er septembre 1993 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Anguerny a décidé la préemption de l'immeuble appartenant aux consorts Y... et dont M. et Mme X... s'étaient portés acquéreurs, est fondée, en premier lieu, sur la valeur patrimoniale des bâtiments concernés et l'intérêt qu'il y a, pour la population de pouvoir accéder à cet ensemble de qualité, et en bénéficier ; que cette délibération se fonde, en deuxième lieu, sur l'opportunité d'aménager des salles de réunion ou autres pour les habitants à l'intérieur des bâtiments ; qu'elle fait, enfin, état de la nécessité que soit poursuivie la pratique actuelle de stationnement libre à l'intérieur de cet ensemble immobilier ainsi que celle de remiser le bus de ramassage scolaire et les matériels des services techniques municipaux  ; que, toutefois, la commune ne justifie pas avoir établi, à la date de la délibération attaquée, un projet de réalisation d'équipements collectifs ; qu'ainsi, l'exercice du droit de préemption par le conseil municipal ne satisfait pas aux conditions posées par les dispositions précitées des articles L.210-1 et L.300-1 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :



Considérant que la commune d'Anguerny succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que M. et Mme X... soient condamnés à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, être rejetée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de la condamner à verser à M. et Mme X... la somme de 6 000 F ;

Article 1er  : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 juin 1994 et la délibération du conseil municipal de la commune d'Anguerny du 1er septembre 1993 sont annulés.

Article 2 : La commune d'Anguerny versera à M. et Mme X... une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Anguerny, ensemble le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X..., à la commune d'Anguerny et au ministre de l'équipement, des transports et du logement."