Comment être indemnisé du préjudice d'ensoleillement et d'intimité ? (samedi, 10 mai 2025)
La densification urbaine et l'augmentation des constructions entraînent fréquemment des situations dans lesquelles un nouveau bâtiment peut causer un préjudice significatif aux propriétés voisines, notamment en matière d'ensoleillement et d'intimité.
Ces atteintes, bien que souvent négligées lors de la conception des projets, représentent des préjudices réels affectant tant la qualité de vie des occupants que la valeur des biens immobiliers. Les tribunaux reconnaissent ces préjudices et développent une jurisprudence sur le préjudice d'ensoleillement et d'intimité.
Par le nouvel article 1253 du Code civil le 17 avril 2024, le législateur a consacré légalement la théorie des troubles anormaux de voisinage, apportant un cadre juridique renouvelé à ces litiges et à cette réparation du préjudice d'ensoleillement et d'intimité.
Cadre juridique de l'indemnisation du préjudice d'ensoleillement et d'intimité
Les servitudes de vue et la protection de l'intimité dans le Code civil
Le Code civil, par ses articles 675 à 680, établit des règles précises concernant les vues sur la propriété de son voisin.
L'article 675 dispose expressément que "l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit".
Cette disposition vise notamment à protéger l'intimité de chaque propriétaire.
L’article 678 dispose : On ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions.
L’article 679 : On ne peut, sous la même réserve, avoir des vues par côté ou obliques sur le même héritage, s'il n'y a six décimètres de distance.
La réglementation distingue donc deux types de vues : les vues droites, qui permettent une vision directe sans avoir à se pencher ni à tourner la tête, et les vues obliques, pour lesquelles il faut tourner la tête pour obtenir une vision. Ces distinctions déterminent les distances légales à respecter : pour les vues droites, une distance minimale de 1,90 mètres entre l'ouverture et la limite séparative est exigée, tandis que pour les vues obliques, cette distance est réduite à 0,60 mètre.
C’est le respect de cette disposition légale qui doit en premier lieu être vérifié, relativement à la réparation du préjudice d'ensoleillement et d'intimité.
Ensuite doit être examinée l’application de l’article 1253 du même code.
La consécration légale de la théorie des troubles anormaux de voisinage par l'article 1253 du Code civil
La notion de trouble anormal de voisinage, longtemps création jurisprudentielle, a été récemment consacrée par le législateur.
La loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels a introduit un nouvel article 1253 dans le Code civil, entré en vigueur le 17 avril 2024. Cet article dispose que "le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte".
Cette codification marque une évolution significative puisqu'elle consacre un régime de responsabilité de plein droit, par opposition aux régimes de responsabilité pour faute.
Avant cette loi, le principe selon lequel "nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage" était uniquement d'origine jurisprudentielle, établi par un arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 1986.
L'article 1253 du code civil prévoit toutefois des limites à ce principe en exonérant la personne de toute responsabilité si l'activité en cause répond à trois conditions cumulatives : elle est antérieure à l'installation de la personne qui s'en plaint, elle est conforme aux lois et règlements en vigueur, et elle s'est poursuivie dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal.
Caractérisation et évaluation des préjudices d'ensoleillement et d'intimité
Le préjudice d'ensoleillement : définition et méthodes d'évaluation
La perte d'ensoleillement se définit comme la diminution significative de la luminosité naturelle reçue par une propriété suite à une construction voisine. Ce préjudice peut affecter tant les espaces intérieurs (pièces à vivre) que les espaces extérieurs (terrasse, jardin, piscine). La jurisprudence considère généralement qu'une perte d'ensoleillement constitue un trouble anormal lorsqu'elle est substantielle et affecte significativement la qualité de vie des occupants.
Une réduction significative de l'ensoleillement peut constituer un trouble anormal de voisinage, notamment lorsqu'elle affecte des espaces de vie importants. La privation ou l'altération d'ensoleillement figure d'ailleurs parmi les troubles anormaux de voisinage expressément reconnus par la jurisprudence, aux côtés du bruit, des odeurs, des fumées et poussières, ou des vibrations.
Pour être indemnisable, la perte d'ensoleillement doit généralement être significative. L’évaluation de ce préjudice nécessite habituellement une expertise technique.
Le préjudice d'intimité : atteinte à la vie privée
La perte d'intimité survient quand une nouvelle construction crée des vues plongeantes sur une propriété voisine, permettant une observation directe d'espaces privés tels que terrasses, piscines ou intérieurs de logement. Ce préjudice est particulièrement sensible, car il touche au droit fondamental à la vie privée, protégé tant par le Code civil que par la Convention européenne des droits de l'homme.
Le trouble pour perte d'intimité peut exister même lorsque les distances légales des servitudes de vue sont respectées, si l'implantation ou la hauteur de la construction génère un vis-à-vis excessif. Parmi les troubles pouvant résulter d'une construction, on trouve notamment ceux qui provoquent des troubles aux immeubles contigus ou encore ceux résultant de la présence même de l'ouvrage qui, par exemple, vient obstruer la vue du fonds voisin.
Impact de l'article 1253 sur les procédures de recours et mécanismes d'indemnisation des préjudices d'ensoleillement et d'intimité
Les voies de recours disponibles à la lumière du nouvel article
Face à un préjudice d'ensoleillement ou d'intimité, deux types de recours restent possibles, mais l'article 1253 modifie sensiblement le cadre juridique du recours civil :
Le recours administratif consiste à contester le permis de construire devant le juge administratif. Cette voie n'est pertinente que si le projet contrevient aux règles d'urbanisme.
Le recours civil, désormais fondé sur l'article 1253 du Code civil, s'exerce devant le tribunal judiciaire. Cette action demeure indépendante de la légalité du permis de construire : le respect des règles d'urbanisme ne garantit pas l'absence de trouble anormal de voisinage. La victime doit démontrer l'existence d'un préjudice excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Une nouveauté importante apportée par l'article 1253 concerne la limitation apparente des personnes pouvant être tenues responsables. Alors que la jurisprudence antérieure avait étendu la notion de voisin en permettant d'engager la responsabilité des constructeurs du fait des nuisances occasionnées par un chantier (considérés comme des "voisins occasionnels"), le nouvel article dresse une liste précise des auteurs potentiels de troubles de voisinage : propriétaire, locataire, occupant sans titre, bénéficiaire d'un titre d'occupation ou d'exploitation, maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs.
Cette limitation pourrait avoir un impact significatif sur les contentieux dans le domaine de la construction. Toutefois, il restera toujours possible pour le maître d'ouvrage ou un tiers d'engager la responsabilité pour faute de l'entreprise à l'occasion de son intervention sur le chantier. De plus, la liste des personnes responsables établie par l'article 1253 n'est peut-être pas exhaustive, et il appartiendra donc désormais au juge de trancher la question..
Critères d'indemnisation et types de réparation
Les tribunaux peuvent ordonner différentes formes de réparation en fonction de la gravité du préjudice et des circonstances spécifiques de chaque affaire :
Les dommages et intérêts constituent la forme la plus courante de réparation. Le montant de l'indemnisation est calculé en fonction du préjudice subi, qui comprend généralement la dépréciation du bien immobilier et le préjudice de jouissance.
Des mesures de remise en état peuvent également être ordonnées, comme la modification partielle de la construction pour atténuer le trouble (réduction de hauteur, suppression d'ouvertures). Dans les cas les plus graves, les tribunaux peuvent aller jusqu'à ordonner la démolition partielle ou totale de l'ouvrage.
La reconnaissance juridique des préjudices d'ensoleillement et d'intimité représente une évolution importante du droit immobilier français, désormais renforcée par la consécration légale de la théorie des troubles anormaux de voisinage dans le Code civil. L'article 1253, entré en vigueur le 17 avril 2024, apporte une base légale solide à ce qui n'était auparavant qu'une création jurisprudentielle.
Cette codification, tout en consacrant le principe de responsabilité de plein droit, introduit des limitations importantes, notamment concernant les personnes pouvant être tenues responsables et les cas d'exonération liés à l'antériorité de l'activité. Ces nouvelles dispositions visent à limiter les conflits de voisinage, particulièrement en milieu rural, mais leur interprétation par les tribunaux sera déterminante pour en préciser les contours et la portée.
Pour les propriétaires victimes de troubles anormaux de voisinage, le recours à une expertise technique rigoureuse demeure essentiel pour objectiver le préjudice et en obtenir la juste réparation. Pour les constructeurs et maîtres d'ouvrage, la prise en compte préventive de ces aspects dans la conception des projets devient une nécessité, d'autant plus que l'article 1253 les désigne expressément comme potentiellement responsables des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage.
Exemples de décisions rendues au sujet des préjudices d'ensoleillement et d'intimité :
Première décision :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 septembre 2015), que, se plaignant d'une perte d'ensoleillement consécutive à la construction d'un immeuble collectif sur le fonds voisin de leur propriété comprenant une maison, une cour et un jardin, M. et Mme X... ont assigné la société Dutles Invest en indemnisation de leur préjudice sur le fondement des troubles anormaux du voisinage ;
Attendu que la SELARL Erwan Flatres, qui a repris l'instance engagée par la société Dutles Invest en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. et Mme X... des dommages-intérêts pour perte de la valeur de leur immeuble et pour préjudice permanent de jouissance ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, compte tenu de la configuration en longueur et de faible largeur de la parcelle, la propriété de M. et Mme X... avait subi une perte d'ensoleillement significative, tant dans la cour intérieure qu'au niveau des ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage, à la suite de la construction, sur la parcelle contiguë, d'un immeuble d'une hauteur supérieure à seize mètres et bien plus importante que celle du bâtiment préexistant et exactement retenu que le fait que l'immeuble, objet de la perte d'ensoleillement, fût implanté en milieu urbanisé n'excluait pas par principe toute indemnisation au titre des troubles anormaux du voisinage, la cour d'appel en a souverainement déduit que la demande de M. et Mme X... devait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SELARL Erwan Flatres, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dutles Invest, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SELARL Erwan Flatres, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dutles Invest, et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la SELARL Erwan Flatres, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Dutles Invest
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Dutles Invest à verser à M. et Mme X... les sommes de 30 000 € pour la perte de valeur de l'immeuble et 3 000 € pour le préjudice permanent de jouissance ;
AUX MOTIFS QU'il appartient aux époux X... de rapporter la preuve du caractère anormal du trouble de voisinage qu'ils invoquent en raison d'une construction contiguë à la leur ; qu'ils s'appuient à la fois sur les conclusions du rapport de l'expertise amiable et du rapport d'expertise judiciaire, qui font état d'une perte d'ensoleillement significative de leur immeuble et plus particulièrement de sa partie arrière donnant sur cour, ainsi que sur des photographies communiquées aux débats ; que compte tenu de la configuration en longueur de la parcelle cadastrée section BZ n° 46 et de son bâti existant avant les travaux de construction de l'immeuble voisin, la propriété de M. et Mme X... en raison de la construction sur la parcelle contiguë, au sud-ouest, d'un immeuble dont la partie la plus haute culmine au niveau du faîte du toit à 16, 44 mètres, alors que le garage préexistant avait une hauteur maximale de 3, 60 mètres, a indéniablement subi une perte d'ensoleillement significative dans la cour intérieure, mais aussi dans la maison elle-même au niveau des ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage ; qu'en effet, la largeur de la cour sur laquelle donnent les ouvertures arrières de la maison X... est de 2, 60 mètres ; qu'aussi, la construction d'un immeuble dont la partie habitée est située au droit de la limite sud-ouest de cette parcelle, côté par nature ensoleillé l'après-midi et l'été en fin de soirée, d'une hauteur bien plus importante que celui préexistant, a considérablement amplifié pour les époux X... les conséquences de l'exiguïté de leur parcelle sur la partie inférieure de celle-ci ; que les constatations de l'expertise amiable apportent l'essentiel des données recueillies pour déterminer cette perte d'ensoleillement en tenant compte de deux points S et T situés l'un à une hauteur de 8, 92 mètres et l'autre de 12, 50 mètres ; que l'ensoleillement passant par ces deux points a diminué respectivement en moyenne de et 46 % dans l'immeuble X... avec un pic de 61 %, depuis la construction de l'immeuble de la société Dutles Invest ; que le rapport judiciaire a confirmé ces mesures et ne sont pas pour autant inopérantes comme le soutient la société Dutles Invest puisqu'il s'agit d'investigations contradictoires venant conforter une expertise qui ne l'était pas ; que le fait que l'expert ne se soit pas, comme le demandait la société Dutles Invest dans son dire du 3 septembre 2104, livré à une description de l'environnement du quartier et des caractéristiques du développement du tissu urbain ne sauraient pour autant ôter toute valeur aux données techniques retenues, la mission de l'expert étant de déterminer la perte d'ensoleillement de l'immeuble X... en raison de la construction de l'immeuble voisin ; que la question du lieu d'implantation de l'immeuble objet de la perte d'ensoleillement en milieu urbanisé soumis à des contraintes d'urbanisme différentes de celles qui existaient dans une zone d'habitat diffus ne doit intervenir que dans la détermination du préjudice, celui-ci étant atténué dans le cas d'un immeuble situé en zone de densité d'urbanisme forte ; qu'en revanche, l'importance de la perte d'ensoleillement subie par une partie importante de la propriété des époux X..., résulte de la configuration particulière de cette propriété implantée sur une parcelle de faible largeur, qui subit ainsi plus fortement la construction voisine plus haute ; que, sur le préjudice des époux X..., ils invoquent deux sources de préjudice, liés directement à la perte d'ensoleillement de leur immeuble : une perte de valeur vénale de 60 000 € et un préjudice de jouissance permanent de 20 000 € ; que la perte de valeur vénale de 60 000 € est celle proposée par l'expert judiciaire ; que cependant, comme il a été dit plus haut, le fait que l'immeuble soit implanté en zone fortement urbanisée, en centre-ville, atténue la perte de valeur dont les époux X... font état ; qu'en effet, l'emplacement d'un immeuble demeure un élément déterminant particulièrement fort lorsqu'il s'agit d'une maison individuelle du centre-ville pour fixer sa valeur vénale ; qu'aussi, il ne peut être considéré que la perte d'ensoleillement aussi préjudiciable soit-elle, ait entraîné une perte de valeur de 20 % sur 300 000 €, mais de 10 %, le préjudice des époux X... s'élevant ainsi de ce fait à 30 000 € ; quant au préjudice de jouissance, il est plus faible que celui invoqué par les époux X..., qui certes, voient leur cour intérieure devenir plus sombre ainsi que les pièces de leur maison, mais qui continuent de bénéficier à l'arrière de celle-ci d'un jardin dont il n'est pas soutenu qu'il serait lui aussi atteint par une perte d'ensoleillement et même bien au contraire puisque le mur séparatif, en fond de propriété, est inférieur à celui de l'ancien garage, qui s'élevait à 3, 60 mètres et qu'en outre, les nuisances liées à une activité d'atelier de réparation, sonores pour l'essentiel, ont aujourd'hui disparu en raison de l'affectation à l'habitation de l'immeuble voisin, qu'ainsi, le préjudice de jouissance des époux X... lié à la perte d'ensoleillement sera limité à 3 000 € ;
ALORS QUE nul n'est assuré de conserver son environnement qu'un plan d'urbanisme peut toujours remettre en question ; qu'en indemnisant la perte de valeur et la perte d'ensoleillement causées au fonds voisin par la construction d'un immeuble de plusieurs étages, tout en constatant que la construction nouvelle respectait le plan local d'urbanisme dans un centre-ville densément construit, la cour d'appel a violé par fausse application le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage.."
Deuxième décision (démolition) :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 juin 2015 ), que Mme X..., propriétaire d'un terrain sur lequel est implantée sa maison d'habitation, a fait construire, à l'arrière de son pavillon, un second immeuble situé en limite de la propriété voisine appartenant à Mme Y... ; que celle-ci, se plaignant d'une perte importante d'ensoleillement et de luminosité lui causant un trouble anormal de voisinage, a assigné Mme X... en démolition de cet immeuble ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;
Mais attendu que, Mme X... s'étant bornée à soutenir dans ses conclusions d'appel que la démolition de sa maison entraînerait pour elle des conséquences extrêmement lourdes voire dramatiques, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Thouin-Palat et Boucard ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la démolition de la construction et d'avoir dit que Mme Sarah X... devra faire procéder aux travaux de démolition de la nouvelle construction dans les six mois de la signification de l'arrêt, sous astreinte provisoire, passé ce délai, de 50 € par jour de retard pendant trois mois à l'issue desquels il pourra à nouveau être statué par le juge du premier degré ;
AUX MOTIFS QUE « eu égard à l'importance du trouble causé au fonds de Mme Y... et à la dépréciation qui l'affecte, le jugement mérite aussi d'être confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition du pavillon érigé par Mme X... et condamné celle-ci au paiement d'une somme de 4.000 € à titre de dommages –intérêts en réparation du préjudice subi et à subir jusqu'à ce que la démolition devienne effective. Par ailleurs, si le tribunal a assorti à bon droit d'une astreinte l'obligation de démolir la construction à l'origine du trouble, il y a lieu toutefois de limiter dans le temps cette astreinte et d'en fixer les nouvelles modalités dans le dispositif » ;
ALORS 1°) QUE la démolition d'une construction ne peut être ordonnée sur le fondement du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage que si cette démolition constitue une sanction proportionnée ; qu' en se bornant à considérer, pour ordonner la démolition du pavillon de Mme X..., l'importance prétendue du trouble causé au fonds de Mme Y... et la dépréciation qui aurait affecté ce fonds, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la démolition du pavillon, habitation personnelle de Mme X..., était proportionnée eu égard à ses conséquences pour Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS 2°) subsidiairement QUE la démolition d'une construction ne peut être ordonnée sur le fondement du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage que si cette démolition constitue une sanction proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsque le demandeur à l'action n'occupe pas le fonds subissant prétendument un trouble anormal du voisinage ; qu'en ordonnant la démolition du pavillon, habitation personnelle de Mme X..., sans vérifier que Mme Y..., demanderesse à l'action, serait occupante du fonds subissant prétendument un trouble du voisinage, la cour d'appel n'a pas vérifié le caractère proportionné de la sanction de démolition et a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS subsidiairement 3°) QUE la démolition d'une construction ne peut être ordonnée sur le fondement du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage que si cette démolition constitue une sanction proportionnée ; que tel n'est pas le cas lorsque la construction litigieuse respecte les règles d'urbanisme ; qu'en ordonnant la démolition du pavillon, domicile de Mme X..., quand il résulte de ses propres constatations que ce pavillon avait été construit dans le respect des règles d'urbanisme, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales."