Tout savoir sur la servitude non aedificandi (lundi, 28 octobre 2024)
La servitude non aedificandi : analyse juridique et implications pratiques.
I. Les fondements juridiques et les caractéristiques de la servitude non aedificandi
A. Définition et nature juridique de la servitude non aedificandi
La servitude non aedificandi, qui est issue du droit romain, constitue une restriction remarquable du droit de propriété.
Elle s'inscrit dans la catégorie des servitudes de droit privé, définies par l'article 637 du Code civil comme "une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire".
Elle est caractérisée par l'interdiction ou la limitation du droit de construire sur un fonds, appelé fonds servant, au profit d'un autre fonds, appelé fonds dominant.
B. Cadre légal et réglementaire
Le fondement juridique de la servitude non aedificandi repose principalement sur l'article 686 du Code civil, qui dispose :
Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public.
mais il convient de noter que cette servitude s'inscrit dans un cadre juridique plus large, incluant le droit de l'urbanisme et le droit de l'environnement.
C. Typologie des servitudes non aedificandi
On distingue généralement deux catégories de servitudes non aedificandi :
1. Les servitudes conventionnelles : qui procèdent d'un accord de volonté entre propriétaires et sont établies par acte notarié. Leur régime juridique est essentiellement régi par le droit des contrats et le droit des biens.
2. Les servitudes légales ou réglementaires : qui sont imposées par la loi ou les règlements d'urbanisme, notamment le Plan Local d'Urbanisme (PLU). Leur régime juridique relève principalement du droit public, en particulier du droit de l'urbanisme.
D. Finalités et objectifs
La servitude non aedificandi peut poursuivre divers objectifs, parmi lesquels on rencontre :
- La préservation d'un paysage ou d'une vue
- La garantie de l'ensoleillement d'une propriété
- Le maintien d'une zone de tranquillité
- La protection de l'environnement ou d'espaces naturels
- La sécurité publique
Ces finalités s'inscrivent dans une logique de conciliation entre les intérêts privés des propriétaires et l'intérêt général, spécialement en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
E. Modalités d'établissement
L'établissement d'une servitude non aedificandi conventionnelle requiert un formalisme rigoureux. Elle doit être constituée par acte notarié et publiée au service de la publicité foncière pour être opposable aux tiers. L'acte constitutif doit préciser l'étendue de l'interdiction de construire, sa durée et les éventuelles conditions de son extinction.
Les servitudes réglementaires, quant à elles, sont généralement inscrites dans les documents d'urbanisme de la commune, notamment le PLU. Leur opposabilité découle de la publication de ces documents.
F. Effets juridiques
La servitude non aedificandi engendre une obligation de ne pas faire à la charge du propriétaire du fonds servant. Cette obligation se traduit par l'interdiction de construire sur la zone grevée par la servitude. Ainsi le propriétaire du fonds dominant bénéficie d'un droit réel lui permettant de s'opposer à toute construction contraire à la servitude.
Il est important de souligner que la servitude non aedificandi, en tant que droit réel, suit le bien immobilier à l'occasion des changements de propriété. Cette caractéristique implique une obligation d'information lors des transactions immobilières, conformément à l'article 1638 du Code civil qui dispose :
Si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.
II. Mise en œuvre, contentieux et évolution de la servitude non aedificandi
A. Application et respect de la servitude
Le respect de la servitude non aedificandi incombe principalement au propriétaire du fonds servant. Cette obligation négative implique une abstention de toute construction dans la zone concernée. En cas d'incertitude concernant l'étendue précise de la servitude, il est recommandé de recourir à l'expertise d'un géomètre-expert ou à l'avis d'un juriste spécialisé.
Le propriétaire du fonds dominant dispose d'un droit de contrôle sur le respect de la servitude. Ce droit s'accompagne de la faculté d'agir en justice pour faire cesser toute atteinte à la servitude.
B. Contentieux et sanctions
La violation d'une servitude non aedificandi peut donner lieu à un contentieux judiciaire. Les tribunaux disposent d'un éventail de sanctions pour faire respecter la servitude :
1. La démolition des constructions illégales : Cette sanction, considérée comme la plus adéquate par la jurisprudence, a été réaffirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
2. L'allocation de dommages et intérêts : Cette sanction monétaire peut être prononcée en complément de la démolition pour réparer le préjudice subi par le propriétaire du fonds dominant.
3. L'astreinte : Le juge peut assortir l'ordre de démolition d'une astreinte, conformément à l'article L. 131-1 du Code des procédures civiles d'exécution.
Il convient de noter que l'action en justice du propriétaire du fonds dominant est soumise à la prescription trentenaire, conformément à l'article 2227 du Code civil.
C. Modification et extinction de la servitude
La servitude non aedificandi n'est pas nécessairement perpétuelle. Son régime juridique prévoit plusieurs modalités de modification ou d'extinction :
1. L'accord des parties : Les propriétaires des fonds dominant et servant peuvent convenir de modifier ou de supprimer la servitude, sous réserve du respect du formalisme notarié et de la publicité foncière.
2. La confusion : L'article 705 du Code civil prévoit l'extinction de la servitude lorsque les fonds dominant et servant se retrouvent entre les mains d'un même propriétaire.
3. Le non-usage trentenaire : L'article 706 du Code civil dispose que la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.
4. L'impossibilité d'usage : Conformément à l'article 703 du Code civil, la servitude peut s'éteindre lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user.
5. L'expropriation : L'expropriation du fonds servant pour cause d'utilité publique peut entraîner l'extinction de la servitude, sous réserve d'une juste et préalable indemnité.