Les tentes et plantations luxuriantes cachaient la vue sur la mer (jeudi, 13 juin 2024)

Une application de la théorie des troubles anormaux du voisinage récemment mise à jour par l'article 1273 du Code civil qui dispose :

Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.

Sous réserve de l'article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal.

 

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"Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que se plaignant de ce que l'hôtel-restaurant exploité par la société La Réserve gestion lui cachait la vue sur mer par l'implantation de tentes et par une plantation luxuriante, La SCI Bakantzak, propriétaire d'une villa acquise en 1997, séparée de l'hôtel-restaurant par une avenue, a saisi le tribunal de grande instance sur le fondement du trouble anormal de voisinage afin qu'il soit interdit à la société Réserve gestion de dresser des tentes et qu'il lui soit enjoint de procéder à la taille des haies tous les ans ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les trois premières branches du moyen qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

Attendu que pour débouter la SCI Bakantzak de sa demande, l'arrêt retient que tant la configuration des lieux que le fait que la SCI Bakantzak a acquis son immeuble alors que la société exploitait déjà son hôtel-restaurant et que les haies étaient plantées, exclut tout trouble anormal de voisinage ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, alors qu'elle y était expressément invitée, si la société Réserve gestion n'avait pas, par l'implantation d'un chapiteau durant l'été et l'accroissement des haies non taillées, aggravé les troubles antérieurs à l'acquisition de son immeuble par la SCI Bakantzak, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe précité ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société La Réserve gestion aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société La Réserve gestion ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille sept."