La commune et le dol par réticence (mardi, 02 janvier 2024)

Dans cette affaire, la commune avait dissimulé au vendeur que le terrain qu'elle achetait devait faire l'objet d'une modification du PLU ayant pour effet d'en augmenter la valeur : elle avait commis un dol par réticence.

 

 

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"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 juin 2011), que par acte du 6 février 2006, valable un an, M. X... s'est engagé à vendre au prix de 60 000 euros à la commune du Teich une parcelle, située sur le territoire de celle-ci, classée en zone UB, frappée d'un emplacement réservé n° 1 et d'un espace boisé à conserver ; qu'un plan local d'urbanisme (PLU), adopté par la commune le 11 juillet 2006, a modifié le classement de la parcelle ; que le vendeur ayant refusé de signer l'acte authentique, la commune l'a assigné en réitération de la vente ;

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la promesse de vente, alors, selon le moyen, que le silence ne peut suffire à caractériser un dol par réticence propre à entraîner l'annulation du contrat si ne s'y ajoute la constatation de l'intention de tromper de son auteur ; qu'en se bornant à énoncer, pour prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente, que la commune du Teich avait omis d'informer le promettant de l'existence d'un projet d'adoption d'un plan local d'urbanisme, sans relever si le silence conservé par la commune était motivé par l'intention de tromper son cocontractant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1116 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la commune, qui indiquait que l'espace boisé à conserver n'avait été supprimé qu'à l'issue d'une longue procédure publique d'élaboration du PLU, ne pouvait ignorer que les discussions présidant à son élaboration étaient en cours au moment de la promesse et qu'il aurait une incidence directe sur la valeur du terrain, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que, par sa réticence à informer M. X... de l'existence de ce projet de suppression de l'espace boisé à conserver, la commune avait manqué à la bonne foi a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune du Teich aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune du Teich à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune du Teich ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la commune du Teich.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR prononcé la nullité du contrat de promesse unilatérale de vente conclu le 6 février 2006 entre la commune du TEICH et Monsieur Christian X...

AUX MOTIFS QUE « l'article 1116 du code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il est constant que, lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente signée par la commune du TEICH, la parcelle vendue était classée en zone UB et se trouvait frappée d'un emplacement réservé n° 1, ainsi que d'un espace boisé à conserver, alors qu'après adoption le 11 juillet 2006 d'un plan local d'urbanisme (PLU), cette même parcelle a été classée en zone UA et frappée d'un emplacement réservé n° 3, l'espace boisé à conserver ayant, en revanche été supprimé. Si le classement du terrain en zone UA ou UB correspond dans les deux cas à des zones denses du centre urbain et ne comporte donc pas de modification sur son caractère constructible, le terrain litigieux ne s'est plus trouvé grevé que d'un seul emplacement réservé n° 3 à partir de l'adoption du PLU. La commune du TEICH admet elle-même dans ses conclusions que les terrains grevés d'un seul emplacement réservé doivent être évalués sans tenir compte de cet emplacement réservé, ce dont il résulte que le terrain litigieux pouvait être évalué au prix du terrain à bâtir. Il n'est pas contesté que lors des négociations qui ont précédé l'émission de l'offre litigieuse, la commune du TEICH avait offert à Monsieur Christian X... d'échanger son terrain contre un terrain à bâtir de 900 m² évalué à 72.000 €, soit 80 € le m². L'évaluation du terrain à ce tarif du terrain de 3.264 m² appartenant à Monsieur Christian X... aurait conduit la commune du TEICH à lui proposer la somme de 261.120 €. Or, la commune ne pouvait ignorer, à la date à laquelle elle a signé la promesse litigieuse, soit moins de six mois avant l'adoption du PLU, que les discussions présidant à l'élaboration du nouveau plan incluaient le projet de suppression de l'espace boisé à conserver. Elle ne pouvait donc ignorer que cette modification aurait une incidence directe sur la valeur du terrain vendu. Au demeurant, la commune du TEICH indique elle-même dans ses conclusions que l'espace boisé à conserver n'a été supprimé qu'à l'issue d'une longue procédure publique d'élaboration du PLU, ce dont il résulte que la suppression de cette contrainte était bien pour le moins en discussion au moment de la promesse émise le 6 février 2006, soit moins de 6 mois avant l'adoption du PLU, le 11 juillet 2006. Dès lors, par sa réticence à informer Monsieur Christian X... de l'existence de ce projet de suppression de l'espace boisé à conserver qui était de nature à conférer une plus-value au terrain mis en vente, la commune du TEICH a manqué à la bonne foi. Il est évident que si Monsieur Christian X... avait été informé de ce projet et de son incidence sur la valeur de son terrain, il n'aurait pas émis son offre à l'égard de la commune du TEICH dans de telles conditions et en particulier à ce prix. Dès lors, la réticence dolosive de la commune du TEICH est une cause de nullité de la convention. Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la convention dite promesse de vente du 6 février 2006 et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la commune du TEICH de toutes ses demandes » ;

ALORS QUE le silence ne peut suffire à caractériser un dol par réticence propre à entraîner l'annulation du contrat si ne s'y ajoute la constatation de l'intention de tromper de son auteur ; qu'en se bornant à énoncer, pour prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente, que la commune du TEICH avait omis d'informer le promettant de l'existence d'un projet d'adoption d'un plan local d'urbanisme, sans relever si le silence conservé par la commune du TEICH était motivé par l'intention de tromper son cocontractant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1116 du Code civil."