Les difficultés des bailleurs face aux locataires (dimanche, 08 mai 2022)

Une question d'un parlementaire sur le déséquilibre apparent des droits des bailleurs et ceux des locataires.l'assemblée-nationale-paris-hotel-d'orsay-esprit-de-france

 

Question :

"M. Paul Molac attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les difficultés de certains propriétaires face aux irrégularités de paiement ou aux dégradations d'un bien immobilier émanant de leurs locataires. Loyers impayés, détériorations importantes jusqu'à rendre le logement insalubre, expulsions difficiles voire impossibles, squats, prestations sociales insaisissables.

Un certain nombre de propriétaires, confrontés aux comportements indélicats voire malhonnêtes de leurs locataires, se retrouvent juridiquement démunis. Si les textes en vigueur disposent que le locataire se doit de payer son loyer à la date fixée dans le contrat de bail, de s'acquitter des réparations locatives, de veiller à l'entretien du logement ou encore de subvenir à toutes les réparations ou pertes survenues dans le logement au cours de la période de location, il s'avère que dans les faits, il est très difficile pour un propriétaire d'expulser un locataire et, dans le cadre de dégradations, d'obtenir des réparations matérielles ou financières. En effet, hormis la période justifiée qu'est la « trêve hivernale », les locataires, dans le but d'échapper à leurs obligations et devoirs auprès des propriétaires, prennent l'initiative de se cacher derrière diverses procédures administratives, tel qu'un diagnostic indécence, leur permettant ainsi de bloquer toute procédure d'expulsion et, paradoxe ultime, d'obliger les propriétaires à entreprendre et assumer les travaux de rénovation nécessaires même si les locataires en sont à l'origine.

 

Aussi, afin de responsabiliser les locataires indélicats et encourager les propriétaires à proposer à la location des logements vacants, il semblerait opportun de faire évoluer la législation et la rendre plus équitable entre propriétaires et locataires. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend prendre des mesures visant à rééquilibrer le rapport de force entre les propriétaires et les locataires.

Réponse

La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 définit, en matière de baux d'habitation, un équilibre entre les droits et obligations incombant au bailleur et au locataire.
 
En particulier, l'article 7 de cette loi impose au locataire de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux à usage d'habitation dont il a la jouissance. Le locataire qui cause des dommages au logement est tenu de remettre en état le logement, à ses frais. Afin de garantir l'exécution de ses obligations par le locataire, le contrat de location peut prévoir la remise d'un dépôt de garantie, en application de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 précitée. Aussi, lorsque des dommages sont constatés lors de l'état des lieux de sortie, le bailleur peut retenir sur ce montant celui de la réparation des dégradations locatives constatées, sous réserve d'être justifiées.
 
Si le dépôt de garantie ne couvre pas le montant des travaux à entreprendre visant à remettre le logement en état et lorsque le locataire ne prend pas en charge financièrement ces travaux mais dispose d'un cautionnement, le bailleur peut demander à la caution de répondre des sommes dont le locataire est débiteur. Les assurances proposent également aux bailleurs certaines garanties à cet égard. En cas de difficulté et pour faire valoir ses droits, le bailleur a la possibilité de saisir la commission départementale de conciliation prévue à l'article 20 de la loi du 6 juillet 1989 précitée en vue d'obtenir une conciliation amiable avec le locataire indélicat. Enfin, il dispose toujours de la faculté de saisir le juge judiciaire pour contraindre le locataire à répondre des obligations qui lui incombent, nées du contrat de location, particulièrement s'il s'agit de constater que l'état du logement est le fait d'un mauvais entretien du locataire. En revanche, les dispositifs liés à la protection des locataires contre l'indécence du logement ne peuvent être vus comme étant des outils de contournement des obligations pesant sur le locataire. La caractérisation d'une telle situation répond à des critères objectifs soumis à l'appréciation du juge. Le renforcement des critères de décence d'un logement, en dernier lieu par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, souligne l'importance qui s'attache à ce que le logement satisfasse à ces exigences, nonobstant les conditions dans lesquelles il est entretenu par le locataire, qui demeure seul responsable de ses propres dégradations. En tout état de cause, le locataire ne peut se prévaloir de l'indécence du logement lorsque celle-ci résulte de son propre comportement, comme l'a estimé par exemple la cour d'appel d'Amiens par un arrêt du 9 octobre 2007 (n° 05/04537). Dès lors qu'il existe déjà un ensemble de règles qui régissent les rapports locatifs et permettent d'établir la responsabilité de la partie fautive au regard des obligations qui pèsent sur elle, il ne paraît pas opportun d'en modifier la teneur."