Un référé contre le garage enterré du voisin ? (lundi, 06 septembre 2021)

Le premier juge avait rejeté le référé suspension contre le permis de construire un garage enterré du voisin, au motif que les nuisances à venir n'étaient pas établies. Le Conseil d'Etat juge que le recours est bien recevable.

La rampe du garage

"Vu la procédure suivante :

Mme C... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution du permis de construire accordé le 25 septembre 2019 à M. E... D... par le maire de Vaux-sur-Mer (Charente-Maritime), ensemble la décision rejetant son recours gracieux, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions.

Par une ordonnance n°2000394 du 6 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de Mme A... et mis à sa charge la somme de 1 200 euros à verser respectivement à la commune de Vaux-sur-Mer et à M. D....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 et 31 mars 2020 et 20 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de M. D... et de la commune de Vaux-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... F..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Mme C... A..., à Me Haas, avocat de la commune de Vaux-sur-Mer et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. E... D... ;


- Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2021, présentée par M. D... ;

- Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2021, présentée par Mme A... ;

 


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de construction. Le juge des référés ne peut ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si le recours en annulation de ce permis est recevable.

3. Pour rejeter la demande tendant à la suspension de l'exécution du permis de construire délivré le 25 septembre 2019 par le maire de Vaux-sur-Mer pour la construction d'un garage enterré sur un terrain situé au 3, avenue des Arbousiers, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de Mme A... pour demander l'annulation de ce permis. Or, il ressort du dossier soumis au juge des référés, d'une part, que Mme A... établissait être propriétaire d'une maison à usage d'habitation située sur une parcelle contigüe au terrain d'assiette du projet et, d'autre part, qu'elle produisait à l'appui de sa demande plusieurs photographies, plans de masse, documents d'insertion graphique, avis techniques et rapports relatifs à l'incidence de ce projet sur les conditions de jouissance de son bien. En opposant des considérations relatives au caractère insuffisamment certain des nuisances invoquées alors que Mme A... en sa qualité de voisine immédiate du projet, faisait état d'éléments relatifs, d'une part, à la nature et à l'importance du projet, qui porte sur la construction d'un garage enterré mais aussi l'aménagement d'une rampe d'accès de plus de vingt mètres sur quatre, d'un portail électrique d'accès à cette rampe et d'une zone de manoeuvre à l'entrée du garage, et, d'autre part, à la localisation du projet, situé en bordure de parcelle à moins d'un mètre de celle sur laquelle la maison de Mme A... est édifiée, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a inexactement qualifié les faits ressortant des pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge de M. D... et de la commune de Vaux-sur-Mer la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

 

D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 6 mars 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers.
Article 3 : M. D... et la commune de Vaux-sur-Mer verseront chacun la somme de 1 500 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... et par la commune de Vaux-sur-Mer sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A..., à M. E... D... et à la commune de Vaux-sur-Mer."