Courgettes, tomates, épinards, persil, blettes, aubergines et droit de l'urbanisme (dimanche, 25 avril 2021)

Cet arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille concerne la possibilité pour un agriculteur de construire à proximité de son lieu d'exploitation une maison d'habitation, dès lors que la nécessité de démontrer qu'il doit, pour la sécurité et le bon fonctionnement de l'exploitation, demeurer à proximité de l'exploitation.

La cour considère que la preuve n'est pas rapportée de cette nécessité.

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"Procédure contentieuse antérieure :


Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles L. 554-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 6 mai 2020 par laquelle le maire de la commune de Châteaurenard a accordé à M. A... un permis de construire n° 013 027 20 00016.
Par une ordonnance n° 2009846 du 5 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prononcé la suspension de l'exécution du permis de construire du 6 mai 2020 délivré par le maire de Châteaurenard à M. A... pour réaliser un hangar agricole, un abri pour matériel agricole et un logement pour un exploitant agricole.

Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 19 janvier 2021 et 11 mars 2021 sous le n° 21MA00278, M. A..., représenté par Me D..., demande au juge des référés de la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 5 janvier 2021 ;
2°) de rejeter la demande du préfet présentée en première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le déféré du préfet des Bouches-du-Rhône est irrecevable car tardif ;
- la construction d'un logement et la présence d'un exploitant est nécessaire aux besoins et au fonctionnement de son exploitation agricole dès lors qu'il doit gérer les systèmes de chauffage et d'arrosage et qu'il est victime de vols sur ses cultures.
Par un mémoire enregistré le 12 mars 2021, la commune de Châteaurenard, représentée par Me C..., demande à la Cour d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 5 janvier 2021 et à ce qu'une somme de 1 500 euros lui soit versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été informées par courrier du 4 mars 2021, notifié le même jour par l'application Télérecours que l'instruction sera close au 15 mars 2021 à 12 h 00 et qu'il serait statué sans audience sur cette affaire, en application des dispositions de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif.

La présidente de la Cour a désigné M. Poujade, président de la 1ère chambre, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :


1. Le 4 février 2020, M. A... a déposé une demande de permis de construire enregistrée sous le n° 0130272000016 pour la réalisation d'un hangar agricole, d'un abri pour matériel agricole et d'un logement pour un exploitant agricole sur une parcelle cadastrée section BO n° 22 et 23, situé chemin de Fontanel sur le territoire de la commune de Châteaurenard. Le 6 mai 2020, le maire de Châteaurenard a délivré un permis de construire à M. A.... Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre l'exécution de ce permis. Par une ordonnance n° 2009846 du 5 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de ce permis de construire. M. A... relève appel de cette ordonnance.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales (...) ". Aux termes de cet article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. / (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. (...) ".

3. Il résulte des articles L. 2131-1, L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales que le préfet peut déférer les actes des collectivités territoriales qui lui sont transmis, parmi lesquels figurent les permis de construire, dans un délai de deux mois à compter de leur transmission.

4. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire, délivré à M. A..., a été transmis en sous-préfecture d'Arles le 9 juin 2020. Le recours gracieux en date du 29 juillet 2020 a été notifié à la commune de Châteaurenard le 1er août 2020, dans le délai de deux mois dont disposait le préfet. Par une lettre du 13 octobre 2020, notifiée le 19 octobre 2020, le maire de Châteaurenard a rejeté ce recours gracieux. La demande d'annulation du préfet a été enregistrée au greffe du tribunal le 16 décembre 2020, dans le délai de recours contentieux. Dès lors, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par M. A..., tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance :

5. Pour suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux du 6 mai 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Châteaurenard était de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité.

6. Aux termes de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Châteaurenard, applicable en zone agricole : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article A2 à l'exception des affouillements et exhaussements lorsqu'ils sont rendus nécessaires par les constructions ou modes d'utilisation autorisées à l'article A2 ". Il ressort également des termes de l'article A2 de ce même règlement que " dans l'intérêt de l'exploitation agricole, les occupations et utilisations du sol suivant : les constructions à usage d'habitation strictement liées et rendues nécessaires à l'exercice ou au maintien de l'exploitation indispensables au logement de l'exploitant et des employés, dans une limite de 200 m² de surface de plancher. ". Pour l'application de ces dispositions restrictives et l'appréciation de la nécessité de la présence d'une habitation dans cette zone et du lien avec l'activité agricole du pétitionnaire, il y a lieu le cas échéant de prendre en compte à la fois les caractéristiques et les exigences de son activité et les modalités d'organisation de son exploitation.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est chef d'une exploitation agricole de 2,59 hectares, dont 1,49 hectare en cultures spécialisées, affectée à la culture de courgettes, tomates, épinards, persil, blettes et aubergines. Alors même que M. A... soutient résider temporairement à une trentaine de kilomètres du lieu d'exploitation, il ne ressort pas des pièces du dossier que les contraintes liées aux systèmes de chauffage des serres et d'irrigation d'une part, et les aléas météorologiques, d'autre part, nécessiteraient sa présence permanente sur site. Si l'intéressé invoque des raisons tenant à la sécurité du matériel agricole et des récoles, du fait de vols, il n'établit ni la réalité de ces faits, ni que seule la construction de son logement sur son lieu d'exploitation serait de nature à assurer la sécurité et le bon fonctionnement de l'exploitation. Dans ces conditions, M. A... ne justifie pas que la construction envisagée d'une habitation sur place est liée et nécessaire à l'exploitation agricole. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaît les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Chateaurenard paraît, en l'état de l'instruction, sérieux.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par l'ordonnance contestée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de la décision du 6 mai 2020 par laquelle le maire de la commune de Châteaurenard a accordé à M. A... un permis de construire n° 013 027 20 00016. Il y a donc lieu de rejeter la requête de M. A..., ainsi que ses conclusions et celles de la commune de Chateaurenard présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


O R D O N N E :


Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à la commune de Châteaurenard et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône."