Le locataire doit payer les réparations locatives (lundi, 25 janvier 2021)

Cet arrêt juge que l’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations qui affectent le bien loué et qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est subordonnée ni à l’exécution des réparations par le bailleur, ni à l’engagement effectif de dépenses, ni à la justification d’une perte de valeur locative.

Les nouvelles règles du Code civil en matière de paiement - Le Journal du  Recouvrement

"Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2019), la société […], propriétaire de locaux à usage commercial et de bureaux donnés à bail à la société l’Union Travaux, l’a assignée, après la restitution des lieux, en paiement d’un arriéré de loyers, de réparations locatives et d’une indemnité pour perte de loyers.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société […] fait grief à l’arrêt de rejeter partiellement sa demande, alors « que l’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations affectant les locaux loués qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est pas subordonnée à l’exécution des réparations par le bailleur ni à l’engagement effectif de dépenses ; qu’en l’espèce, en retenant pour exclure toute indemnisation à la charge de la société l’Union travaux au titre des dégradations ayant résulté de ce qu’elle n’avait pas procédé à l’entretien des locaux loués et à ce qu’elle les avait abandonnés sans surveillance, que les travaux opérés par la SCI […] à la demande de son nouveau locataire ne portaient pas sur ces dégradations et que la franchise de loyers consentie à ce nouveau locataire ainsi que la diminution du montant de ses loyers étaient sans lien avec ces dégradations, la cour d’appel, qui n’a ce faisant nullement exclu l’existence d’un préjudice tenant à la baisse de valeur des locaux loués, a violé les articles 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 et 1732 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1732 du code civil :

3. Aux termes de ce texte, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

4. Pour limiter à une certaine somme le montant de l’indemnité accordée à la société […], l’arrêt retient que, s’agissant des autres réparations locatives réclamées par le bailleur en raison du défaut d’entretien et de restitution des lieux en bon état, il y a lieu d’observer qu’il a immédiatement reloué les locaux sans procéder à leur remise en état, si bien qu’il ne peut solliciter que la réparation du dommage qu’il a subi de ce chef et que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle, ce qui suppose que le bailleur, soit a réparé les désordres constatés dans l’état des lieux de sortie ou les a pris à sa charge soit a reloué à des conditions plus défavorables.

5. En statuant ainsi, alors que l’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations qui affectent le bien loué et qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est subordonnée ni à l’exécution de réparations par le bailleur, ni à l’engagement effectif de dépenses, ni à la justification d’une perte de valeur locative, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société l’Union Travaux aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société l’Union Travaux et la condamne à payer à la société […] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société […].

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué, D’AVOIR, infirmant le jugement en ce qui concerne le quantum des réparations locatives mises à la charge de la société L’union travaux, condamné cette dernière à payer à la SCI […] la seule somme de 12 950 euros au titre de la nonexécution des travaux mis à sa charge par l’avenant de 2011, et D’AVOIR débouté la SCI […] du surplus de ses demandes en paiement ;

AUX MOTIFS QUE « lors du renouvellement de ce bail en 2011, les parties sont convenues de mettre à la charge de la société L’UNION TRAVAUX la réalisation des travaux suivants (cf. article 5 du bail du 1er avril 2011) : – travaux de remise aux normes, électricité, suivant le dernier rapport APAVE en date 25 mars 2010. Suivant tableau de répartition joint en annexe ; – Remise en état des bardages Atelier côté Pavillon ; – Clôture fond de cour suite manoeuvre véhicule ; – Puisard bouché, sortie bureau vestiaire rez de jardin ; – revêtement bitume fond de cour à droite, derrière station lavage, et zone située en face des quais d’expédition ;- Entretien cour, gouttières ; que la consistance de ces travaux a été précisée par les parties à l’occasion de l’établissement de l’état des lieux contradictoire signé le 23 mai 2011: 'L’Union Travaux reconnaît que les locaux sont en bon état général ; (
) Que certains travaux imputables à la précédente occupation Union Travaux demeurent à leur charge. En particulier ceux qui sont indiqués à l’article 5 du nouveau bail, et complétés par les observations établies ce jour ; En ce qui concerne les reprises d’enrobés et l’entretien de la cour, cela s’entend pour toutes les surfaces endommagées par les engins de chantier, les matériels et matériaux entreposés, les trottoirs périphériques intérieurs de la propriété. Les écoulements et plaques d’égouts de la propriété. En ce qui concerne les clôtures accidentées, cela concerne celles du fond de cour côté Mr C… , les clôtures mitoyennes côté pavillon et parking VL en face des garages’ ; qu’il résulte de ces stipulations, d’une part, que la société L’UNION TRAVAUX a reconnu qu’elle avait dégradé certaines parties des lieux loués du fait de son activité (enrobés, cour, trottoirs, plaques d’égout, clôtures, bardages, puisard) à l’issue du premier bail, d’autre part, qu’elle s’est engagée à réparer ces dégradations pendant le cours du bail dont s’agit ; qu’il ressort du procès-verbal de pré-état des lieux du 17 mars 2014, qu’illustrent de très nombreuses photographies, que les locaux présentaient à cette date diverses dégradations ; qu’à la suite de ce pré-état des lieux, la société locataire s’est engagée à effectuer dans les lieux loués certains travaux avant son départ des lieux en avril 2014 ; qu’il résulte des documents produits qu’elle y a procédé, mais que ceux-ci ont été estimés insuffisants par le bailleur ; que dans un document en date du 8 avril 2014, une estimation chiffrée des travaux de reprise après réalisation des travaux par le locataire sortant, était établie à la demande du bailleur pour une somme totale de 66.550 euros HT, à parfaire, dont 12.500 euros HT au titre des charges administratives diverses ; qu’il résulte du devis de la société LPP en date du 19 mai 2014, d’un montant total HT de 67.730 euros, produit par la bailleresse que celui-ci a été établi après le départ des lieux de la locataire 'suivant l’état des lieux réalisés par Me R…, des travaux qu’a réalisés partiellement UNION TRAVAUX, des travaux qu’elle n’a pas effectués et des travaux non conformes à reprendre’ ; que contrairement à ce qu’ont décidé les premiers juges, il n’existe pas une corrélation totale entre la liste des travaux que la société locataire s’était engagée à réaliser en 2011, les dégradations décrites dans le constat d’huissier et le devis de la société LPP en date du 19 mai 2014, d’un montant total HT de 67.730 euros ; que seuls les travaux de reprise de l’enrobé sur 25m² (3.750 euros HT), ceux de réparation de la clôture (1750 + 750 euros HT), à la démolition d’un regard, recherches de l’obstruction et nettoyage de canalisation (450 euros HT) et la reprise complémentaire d’enrobé dans la cour (6250 euros HT) figurant au devis descriptif, correspondent à la fois aux travaux contractuellement prévus en 2011 et aux constatations de l’état des lieux par l’huissier en 2014 ; que le bailleur peut demander le paiement de ces sommes au preneur compte tenu du non-respect par celui-ci de son obligation particulière d’effectuer ces travaux à ses frais exclusifs, stipulés à l’avenant de 2011 ; qu’en revanche, s’agissant des autres réparations réclamées par le bailleur à la société locataire, qui auraient été rendus nécessaires selon lui, par la faute commise par le preneur qui n’aurait pas satisfait à son obligation d’entretien et de restitution des lieux en bon état, la cour relève qu’il y a lieu d’observer que le bailleur a immédiatement reloué les locaux litigieux suivant un acte sous seing privé en date du 3 avril 2014 à effet du 1er avril 2014, sans faire procéder aux réparations de remises en état des lieux à la suite des dégradations qu’il impute au preneur, si bien qu’il ne peut solliciter que la réparation du dommage qu’il a subi de ce chef ; que cependant ces dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle, ce qui suppose que le bailleur, soit a réparé les désordres constatés dans l’état des lieux de sortie ou les a pris à sa charge soit a reloué à des conditions plus défavorables : qu’en l’espèce, il ressort du bail consenti au nouveau locataire que la franchise de loyers de 60.000 euros HT lui a été consentie 'en contrepartie de travaux réalisés par le preneur tel que décrits dans la clause ci-après intitulée 'autorisation de travaux’ ; que cette clause est rédigée ainsi qu’il suit : 'travaux à la charge du preneur et autorisés par le bailleur : aménagement des locaux sociaux, vestiaire et douche pour environ 300 personnes ; aménagement des bureaux, entrepôts et remise aux normes électricité ; aménagement de pistes de lavage ; création d’une alvéole pour la réception du verre de 1000 m² ; création d’une station carburants GNV. Les devis et plans de ces différents travaux seront joints au bail (
)' ; que ces travaux ne concernent pas les dégradations reprochées à la société L’UNION TRAVAUX ; que par ailleurs, aucun élément du dossier n’établit que la diminution de loyer consentie au nouvel occupant est en lien avec l’état des locaux délaissés ; que par ailleurs, c’est à juste titre et pour des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont débouté la société bailleresse de ses demandes relatives aux travaux dont elle a supporté le coût à la demande de son nouveau locataire relatifs au curage des réseaux d’évacuation dont il n’est pas établi que la nécessité d’y procéder est due à une faute de la société locataire et à la remise en état des WC des locaux sociaux ; que dans ces conditions le bailleur n’établit pas de lien de causalité entre la franchise et la diminution de loyers consenties ou les travaux qu’elle a supportés à la demande de son nouveau locataire et la faute commise par le preneur sortant, en conséquence, il convient de débouter la SCI […] du surplus de ses demandes formées au titre des réparations locatives et des dommages-intérêts » ;

ALORS QUE l’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations affectant les locaux loués qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est pas subordonnée à l’exécution des réparations par le bailleur ni à l’engagement effectif de dépenses ; qu’en l’espèce, en retenant pour exclure toute indemnisation à la charge de la société L’union travaux au titre des dégradations ayant résulté de ce qu’elle n’avait pas procédé à l’entretien des locaux loués et à ce qu’elle les avait abandonnés sans surveillance, que les travaux opérés par la SCI […] à la demande de son nouveau locataire ne portaient pas sur ces dégradations et que la franchise de loyers consentie à ce nouveau locataire ainsi que la diminution du montant de ses loyers étaient sans lien avec ces dégradations, la cour d’appel, qui n’a ce faisant nullement exclu l’existence d’un préjudice tenant à la baisse de valeur des locaux loués, a violé les articles 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 et 1732 du code civil. »