Vefa : la clause n’était pas abusive ! (samedi, 29 juin 2019)

Il est jugé que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive.


"Vu l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 janvier 2018), que la société civile immobilière de construction vente Marseille 9e boulevard de la Fabrique (la SCCV) a vendu en l'état futur d'achèvement à M. et Mme N... un appartement et deux boxes ; que la livraison, prévue au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, est intervenue le 26 janvier 2010 ; que M. et Mme N... ont, après expertise, assigné la SCCV en indemnisation des préjudices résultant du retard de livraison ;

Attendu que, pour déclarer abusive et, en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV et M. et Mme N..., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et, en conséquence, condamner la SCCV à payer à M. et Mme N... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison, l'arrêt retient que la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser, permettant ainsi au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente, et qu'elle constitue donc une clause abusive en ce qu'elle permet un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés et, à ce titre, doit être réputée non écrite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare abusive et en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV et M. et Mme N..., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et, en ce qu'il condamne la SCCV à payer à M. et Mme N... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. et Mme N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société civile de construction vente SCI Marseille 9e boulevard de la Fabrique.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré abusive et en conséquence, nulle et de nul effet la clause figurant pages 14 et 15 de l'acte de vente du 28 décembre 2006 conclu entre la SCCV SCI Marseille 9ème boulevard de la Fabrique et M... N... et G... J... épouse N..., sous le titre « causes légitimes de suspension du délai de livraison », en ce qu'il y était stipulé qu'en cas de survenance des événements relatés, « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier » et d'AVOIR en conséquence condamné la SCCV SCI Marseille à payer aux époux N... la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de livraison ;

Aux motifs que, sur la responsabilité du vendeur en l'état futur d'achèvement, la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur, résultant des articles 1147 et suivants du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, peut être engagée pour des fautes contractuelles ne conditionnant pas la qualité de l'ouvrage lui-même, comme le dépassement du délai ou du prix convenu ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté les dommages immatériels invoqués, qu'ils résultent du retard de livraison ou de troubles de jouissance, ressortent de sa responsabilité contractuelle de droit commun ; que, sur le retard de livraison et son indemnisation, en vertu de l'acte de vente du 28 décembre 2006, le vendeur s'obligeait à livrer le bien immobilier acheté en état futur d'achèvement au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de « causes légitimes de suspension » définies au contrat ; qu'il était précisé que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leurs répercussion sur l'organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'oeuvre » (pages 14 et 15 de l'acte) ; que les époux N... demandent de déclarer abusive cette clause au terme de laquelle la société venderesse serait en droit de bénéficier d'un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, alors que la SCCV SCI Marseille estime au contraire que cette clause est valide ; qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur a moment de la signature du contrat, texte qui est d'ordre public : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; que le sixième alinéa de ce texte précise que : « Les clauses abusives sont réputées non écrites » ; qu'en l'espèce, les époux N... sont des particuliers et doivent donc être considérés comme étant des consommateurs vis-à-vis de leur vendeur, professionnel de l'immobilier ; que la clause ayant pour objet de doubler la durée des jours de retard non indemnisés par le vendeur s'analyse en une clause réduisant de façon importante l'indemnisation due aux acquéreurs, contredisant la portée d'une obligation essentielle du vendeur d'immeuble en l'état futur d'achèvement de livrer le bien acheté à la date convenue, et, en cas de retard non justifié contractuellement, de devoir l'indemniser, permettant ainsi au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente ; qu'elle constitue donc une clause abusive en ce qu'elle permet un doublement de la durée des jours de retard non indemnisés, et, à ce titre, doit être réputée non écrite ; qu'en l'espèce, alors que le délai initial de livraison expirait au 30 juin 2009, la livraison est intervenue le 26 janvier 2010, soit un retard de livraison de 6 mois et 26 jours, correspondant à un total de 210 jours ; que selon attestation du maître d'oeuvre du 26 octobre 2010, dite « d'intempéries », le total des jours ouvrés justifiant d'un arrêt du chantier est de 70 jours, ce qui correspond à 14 semaines de 5 jours ouvrés ; qu'il convient d'y ajouter 2 jours non ouvrés par semaine, soit 2 jours x 14 semaines = 28 jours, et un total de 98 jours ; que le retard de livraison dont les acquéreurs peuvent se prévaloir est donc de 210 jours – 98 jours = 112 jours ; qu'en raison du retard de livraison, les acquéreurs justifient avoir exposé : pour la période allant du 15 septembre 2009 au 31 janvier 2010, des frais de location d'un logement de 650 euros par mois, du 21 septembre 2009 au 31 janvier 2010, des frais de garde-meubles de 220 euros par mois ; que, compte tenu du bien acquis (un appartement de type 4 avec deux box de garage), de son emplacement, de l'importance du retard de livraison, des fonds mobilisés par l'acquéreur pour cette opération immobilière (achat d'un bien au prix de 590 000 euros), des désagréments de toute nature subis en raison de ce retard, de l'obligation qu'ont ainsi eue les acquéreurs de devoir, en raison du retard de livraison de leur bien immobilier, exposer divers frais (loyers, frais de garde-meubles, dépenses engagées pour déménager dans un logement provisoire), ils justifient de la réalité du préjudice financier qu'ils invoquent, qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros ; que compte tenu des demandes des appelants, en application de l'article 1153-1 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 octobre 2012, date de délivrance de l'assignation au fond ; que la décision déférée doit donc ici être réformée ;

1° Alors que la clause d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu'en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'ouvrage, la livraison du bien vendu sera retardée d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier n'a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n'est pas abusive ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation.

2° Alors que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en se bornant à relever que l'objet de la clause étant de doubler la durée des jours de retard non indemnisables par le vendeur, cette clause permettait « au vendeur de limiter les conséquences d'un retard de livraison et de réduire très sensiblement l'indemnisation accordée à l'acquéreur, créant ainsi au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de vente » (arrêt, p. 7), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (dernières conclusions de la SCCV SCI Marseille, p. 6), si cette clause n'avait pas par ailleurs pour objet de compenser les répercussions de cette cause légitime sur l'organisation générale du chantier (ainsi que le précisait l'acte de vente, p. 15), ce qui contribuait à équilibrer les droits et obligations des parties, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation."