Les lingots d'or doivent être restitués aux vendeurs du jardin ... (lundi, 23 juillet 2018)

C'est ce que juge cet arrêt : les vendeurs ont pu prouver que les lingots leur appartiennent.

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"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 janvier 2017), qu'en 2009 et 2013, M. et Mme Y... ont découvert plusieurs lingots d'or enfouis dans le sol du jardin du bien immobilier dont ils avaient fait l'acquisition auprès de Paul A..., suivant acte du 24 mai 2002 ; que, revendiquant la propriété de ces lingots, les héritiers de Paul A..., décédé le [...] (les consorts A...), les ont assignés, par acte du 8 juillet 2014, en restitution et indemnisation ;

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en revendication, de dire, d'une part, que les lingots d'or retrouvés sont la propriété des consorts A..., d'autre part, qu'ils ne peuvent prétendre à aucun droit sur lesdits lingots et les sommes provenant de leur vente, et, en conséquence, de les condamner à restituer aux consorts A... le produit de la vente d'une partie des lingots et à leur remettre le surplus des lingots litigieux, ainsi qu'à leur verser une certaine somme au titre des frais de transport de ces biens, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de trois ans imparti pour agir en revendication en cas de perte ou de vol d'un bien mobilier est un délai préfix, donc insusceptible de suspension ou d'interruption ; qu'il est constant que M. et Mme Y... ont découvert une partie des lingots en 2009, de sorte qu'en ce qui les concerne à tout le moins, l'action en revendication des consorts A... était prescrite lors de l'introduction de l'action le 8 juillet 2014 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2276, alinéa 2, du code civil ;

2°/ que la règle « en fait de meubles, la possession vaut titre » s'oppose à ce qu'un revendiquant soit admis à prouver son droit de propriété à l'encontre du possesseur de bonne foi, dont les conditions s'apprécient à la date effective d'entrée en possession ; qu'au cas d'espèce, M. et Mme Y... se prévalaient de cette règle pour faire obstacle à ce que les consorts A... fassent la preuve d'un droit de propriété sur les lingots litigieux en expliquant qu'ils étaient entrés en possession desdits lingots en toute bonne foi lors de leur découverte en 2009 puis en 2013, soit respectivement sept puis onze ans après l'acquisition de l'immeuble ; qu'ils ajoutaient avoir possédé de façon paisible, non équivoque et publique, puisqu'ils avaient fait connaître leur découverte aux services de police, à la mairie ainsi qu'à la Banque de France, de sorte qu'ils remplissaient bien les conditions pour se prévaloir de l'effet acquisitif de propriété de la possession mobilière ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme Y... tendant à faire obstacle à ce que les consorts A... fassent la preuve d'un droit de propriété sur les lingots litigieux et en rejetant leur demande tendant à ce qu'il soit jugé qu'ils sont propriétaires desdits lingots comme étant entrés en possession de ceux-ci en toute bonne foi, sans rechercher, comme le soutenaient M. et Mme Y... dans le passage précité de leurs conclusions, s'ils ne réunissaient pas, lors de l'entrée effective en possession des lingots d'or, les conditions d'une possession paisible, publique et non équivoque, si bien que cette possession valait titre et leur conférait donc la qualité de propriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2276 du code civil et de l'article 122 du code de procédure civile ;

Mais attendu que celui qui découvre, par le pur effet du hasard, une chose cachée ou enfouie a nécessairement conscience, au moment de la découverte, qu'il n'est pas le propriétaire de cette chose, et ne peut être considéré comme un possesseur de bonne foi ; que, par suite, il ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil pour faire échec à l'action en revendication d'une chose ainsi découverte, dont il prétend qu'elle constitue un trésor au sens de l'article 716, alinéa 2, du même code ; que, conformément à l'article 2227 de ce code, une telle action n'est pas susceptible de prescription ; que, dès lors, après avoir relevé que M. et Mme Y... avaient découvert par le pur effet du hasard les lingots litigieux, enfouis dans le sol du jardin de leur propriété, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que les dispositions de l'article 2276 précité ne pouvaient recevoir application, de sorte que, d'une part, l'action en revendication exercée par les consorts A... n'était pas prescrite et que, d'autre part, ces derniers pouvaient librement rapporter la preuve qu'ils étaient propriétaires des biens trouvés ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la fin de non-recevoir soulevée par les époux Y... tirée de la prescription de l'action en revendication des consorts A...,

AUX MOTIFS QUE

L'application de l'article 2276 du code civil suppose que la chose ait été perdue ou volée et soit revendiquée par le possesseur de bonne foi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de la découverte fortuite d'un trésor par M. et Mme Y... d'un ensemble de lingots d'or découverts par le pur effet du hasard enfouis dans le sol du jardin de la propriété de feux Françoise F... et Paul A... dont la possession n'a été révélée qu'à partir de l'audition de M. Y... le 26 juillet 2013, dans le cadre de la procédure d'enquête engagée sur un signalement Tracfin. L'action des consorts A... n'est pas prescrite,

ALORS QUE le délai de trois ans imparti pour agir en revendication en cas de perte ou de vol d'un bien mobilier est un délai préfix, donc insusceptible de suspension ou d'interruption ; qu'il est constant que les époux Y... ont découvert une partie des lingots en 2009, de sorte qu'en ce qui les concerne à tout le moins, l'action en revendication des consorts A... était prescrite lors de l'introduction de l'action le 8 juillet 2014 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2276, alinéa 2 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit, d'une part, que les lingots d'or retrouvés sur le tènement immobilier situé à [...] sont la propriété de Mesdames Anna Z..., veuve A..., Marie-Pierre, Nathalie et Valérie A... et Messieurs Jean-Luc, Patrice, Frédéric, Christophe et Dominique A..., et d'autre part, que M. et Mme Y... ne peuvent revendiquer aucun droit sur lesdits lingots et les sommes provenant de leur vente, d'avoir en conséquence condamné les époux Y... à restituer aux consorts A... les cinq lingots d'or déposés dans le coffre-fort n° 00159 ouvert en leur nom auprès du Crédit Agricole, agence de Rouanne, condamné les époux Y... à restituer aux consorts A... la somme de 453.450 € placée sur leur compte-titres ouvert auprès du Crédit Agricole, agence de Rouanne sous le numéro [...], ordonné que les lingots d'or retrouvés dans le coffre-fort de M. Et Mme Y... n° 00159 ouvert auprès du Crédit Agricole agence de Roanne et que les sommes séquestrées soient remises à aux Consorts A..., condamné les époux Y... à verser aux consorts A... la somme de 188.605,45 € au titre de la vente d'une partie des lingots, avec intérêt au taux légal à compter du jugement, ordonné qu'il soit procédé à la remise des lingots numérotés 300595, 8334, 8335 et 324777 aux Consorts A... par l'intermédiaire du notaire chargé de la succession, condamné in solidum M. et Mme Y... à restituer aux Consorts A... les quinze lingots d'or déposés sur le compte titre ouvert à leur nom auprès du Crédit Agricole Loire Haute Loire et condamné in solidum les époux Y... à verser aux consorts A..., ensemble, la somme de 752,46 € au titre des frais de transport des lingots,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

L'application de l'article 2276 du code civil suppose que la chose ait été perdue ou volée et soit revendiquée par le possesseur de bonne foi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de la découverte fortuite d'un trésor par M. et Mme Y... d'un ensemble de lingots d'or découverts par le pur effet du hasard enfouis dans le sol du jardin de la propriété de feux Françoise F... et Paul A... dont la possession n'a été révélée qu'à partir de l'audition de M. Y... le 26 juillet 2013, dans le cadre de la procédure d'enquête engagée sur un signalement Tracfin. L'action des consorts A... n'est pas prescrite.

Selon l'article 716 du code civil, le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard.

La preuve de la propriété mobilière est libre.

Par d'exacts et pertinents motifs que la cour adopte, le tribunal a considéré à bon droit que les consorts A... rapportaient la preuve de la propriété du trésor découvert par M. et Mme Y... dans le jardin de la propriété familiale.

En effet, les héritiers de Paul Antoine G... A..., qui avait hérité de la maison de ses parents construite par son père, de sorte qu'avant la vente aux époux Y..., il n'y avait eu qu'une occupation familiale, ont prouvé, d'une part, que leurs grands-parents disposaient d'une fortune leur ayant permis de procéder à l'acquisition du trésor ainsi que d'autres lingots non découverts mais dont les certificats étaient en possession des héritiers, d'autre part, que les lingots découverts appartenaient à la même série et étaient identifiés du même comptoir que des lingots en la possession des consorts A... dont la propriété a été justifiée, et enfin que, selon la déclaration de M. Y..., les lingots découverts présentaient les mêmes caractéristiques d'emballage et d'identification par un numéro inscrit au stylo que les lingots présentés par les consorts A....

Par ailleurs, M. et Mme Y... sont mal fondés à invoquer les dispositions de l'article 552 du code civil et ne peuvent prétendre à la propriété des lingots d'or du fait de la vente de l'immeuble, qui, en raison de son prix et de la désignation de la chose vendue, n'a manifestement pas porté sur les lingots d'or enfouis dans le sous-sol dont il n'est pas établi que l'existence ait été révélée au vendeur antérieurement à la vente.

Le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les lingots retrouvés dans le coffre-fort des époux Y... sont désormais séquestrés dans les coffres-forts loués par la Carpa.

Les consorts A... sont fondés à obtenir le remboursement des frais engagés dans le cadre de l'exécution provisoire pour récupérer les lingots leur appartenant. M. et Mme Y... doivent être condamnés in solidum à payer à ce titre la somme de 752,46 €, justifiée par les factures produites,

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE

Aux termes de l'article 716 du code civil :

« La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds: si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds.

Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ».

Il est constant que les lingots retrouvés par M. et Mme Y... l'ont été dans le jardin de la propriété de feux Françoise F... et Paul A....

Il ressort des pièces versées aux débats que certains lingots retrouvés fortuitement dans le jardin de l'ancienne propriété A... par M. et Mme Y... portent notamment les numéros : 8334, 8335, 8337 alors que les consorts A... justifient de la propriété des lingots numéros 8331 et du certificat du lingot 8333, appartenant manifestement à la même série.

Les consorts A... sont par ailleurs en possession d'autres certificats d'achat de lingots d'or, mais dont les lingots correspondant n'ont pas été retrouvés.

En outre, il ressort de l'enquête pénale que M. Y... disait que les lingots découverts étaient emballés dans le même papier d'emballage de type kraft, avec le numéro du lingot inscrit au stylo, que les lingots présentés par les consorts A....

Au surplus, il est indiqué, durant l'enquête pénale, par les consorts A..., que leurs grands-parents avaient un train de vie aisé, Paul A... étant représentant multi-cartes en vin et spiritueux. Ceux-ci ont laissé en héritage leur maison de Roanne et des valeurs mobilières pour 72.491,72 Francs. Françoise F... laissait quant à elle à son décès notamment plusieurs contrats d'assurance-vie pour 288.891 Francs, outre des biens mobiliers tels des pièces d'argent.

Il est constant que M. et Mme Y... ont vendu, dans un premier temps, six lingots pour un montant de 131.150,90 €, puis quinze lingots pour la somme de 453.450 €, séquestrée durant l'enquête, puis un lingot pour 30.810 € le 25 avril 2013, puis un lingot vendu 26.644,55 € le 14 novembre 2013.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les demandeurs apportent des éléments suffisamment probants pour établir qu'ils sont propriétaires des lingots d'or découverts par M. et Mme Y... dans le jardin de la maison familiale. Il sera fait droit à leur demande comme précisé au dispositif du présent jugement, étant précisé que les intérêts au taux légal seront dus à compter de la signification du présent jugement, et que la capitalisation interviendra suivant les dispositions de l'article 1154 du code civil lorsqu'ils seront dus pour une année entière,

ALORS QUE la règle « en fait de meubles, la possession vaut titre » s'oppose à ce qu'un revendiquant soit admis à prouver son droit de propriété à l'encontre du possesseur de bonne foi, dont les conditions s'apprécient à la date effective d'entrée en possession ; qu'au cas d'espèce, les époux Y... se prévalaient de cette règle pour faire obstacle à ce que les consorts A... fassent la preuve d'un droit de propriété sur les lingots litigieux en expliquant qu'ils étaient entrés en possession desdits lingots en toute bonne foi lors de leur découverte en 2009 puis en 2013, soit respectivement sept puis onze ans après l'acquisition de l'immeuble ; qu'ils ajoutaient avoir possédé de façon paisible, non équivoque et publique, puisqu'ils avaient fait connaître leur découverte aux services de police, à la mairie ainsi qu'à la banque de France, de sorte qu'ils remplissaient bien les conditions pour se prévaloir de l'effet acquisitif de propriété de la possession mobilière (cf conclusions d'appel des époux Y..., p. 6 et 7) ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir soulevée par les époux Y... tendant à faire obstacle à ce que les consorts A... fassent la preuve d'un droit de propriété sur les lingots litigieux et en rejetant leur demande tendant à ce qu'il soit jugé qu'ils sont propriétaires desdits lingots comme étant entrés en possession de ceux-ci en toute bonne foi, sans rechercher, comme le soutenaient les époux Y... dans le passage précité de leurs conclusions, s'ils ne réunissaient pas, lors de l'entrée effective en possession des lingots d'or, les conditions d'une possession paisible, publique et non équivoque, si bien que cette possession valait titre et leur conférait donc la qualité de propriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2276 du code civil et de l'article 122 du code de procédure civile."