Le terrain ne pouvait pas être préempté ! (mardi, 05 décembre 2017)

Cette décision juge que le terrain préempté ne figurant pas dans l'emprise du projet de la commune, il ne pouvait pas être préempté dans le cadre du droit de préemption urbain.

Sur cette question voyez cet article : il faut contester les décisions de préemption !

"Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 24 août 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gennes (Maine-et-Loire) a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section AH n° 213 située 2-4, rue du Moulin, ainsi que la décision du 1er décembre 2011 par laquelle le maire de la communes de Gennes a refusé de retirer cette délibération et d'exclure la parcelle en cause du périmètre du projet communal d'aménagement du quartier du Moulin. Par un jugement n° 1201187 du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14NT02424 du 10 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juillet 2016, 12 octobre 2016 et 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gennes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sandrine Vérité, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M.A..., et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la commune de Gennes-Val-de-Loire.

 


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux décisions en litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Gennes a décidé en avril 2010 d'engager la réhabilitation du quartier dit " du Moulin " et, en vue de la construction de logements locatifs et de commerces, l'aménagement d'un ensemble de parcelles bâties, dénommé " îlot du Moulin ", dont elle est propriétaire. Par une délibération du 24 août 2011, la commune a exercé, au titre du projet d'aménagement du quartier du Moulin, son droit de préemption urbain sur une parcelle cadastrée AH n° 213, dont M. A... s'était porté acquéreur, située en face de l'îlot du Moulin, dont elle est séparée par la rue du Moulin. Si, ainsi que l'a relevé la cour, le conseil municipal, saisi de plusieurs hypothèses d'aménagement et de construction de l'îlot du Moulin, avait décidé le 23 mai 2011 de poursuivre le projet engagé concernant cet îlot sur une emprise foncière pouvant inclure, outre les parcelles dont la commune est propriétaire, " la propriété riveraine du projet ", il ressort toutefois des schémas annexés à l'extrait des délibérations du 23 mai 2011 que cette propriété riveraine n'était pas la parcelle AH n° 213 mais une autre parcelle, située à l'extrémité opposée de l'îlot.

3. Dans ces conditions, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier en estimant, par un motif qui est le soutien nécessaire de son dispositif, qu'il résultait des délibérations du conseil municipal du 23 mai 2011 que la réalisation du projet communal d'aménagement de l'îlot du Moulin était susceptible d'intégrer la parcelle AH n° 213, ce dont elle a déduit que la commune justifiait sur cette parcelle d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gennes-Val-de-Loire, venant aux droits de la commune de Gennes, une somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

 

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 10 mai 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La commune de Gennes-Val-de-Loire versera une somme de 3 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Gennes-Val-de-Loire présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la commune de Gennes-Val-de-Loire."