Résiliation du bail commercial avant la procédure collective (lundi, 20 novembre 2017)

Cet arrêt juge que la résiliation du bail par l'effet d'une clause résolutoire et une ordonnance de référé avant la procédure collective n'est pas remise en cause par cette procédure collective, s'agissant de l'inexécution d'une obligation de faire.

"Vu l'article L. 622-21, I, du code de commerce, ensemble l'article 489 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Poissonnerie du Vernet (la société débitrice) était locataire de locaux qui lui étaient donnés à bail par la société B3 (le bailleur) ; qu'ayant constaté que le fonds n'était pas exploité et que la société débitrice ne justifiait pas d'une assurance contre les risques locatifs, le bailleur lui a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire ; que, par une ordonnance du 7 février 2014, le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause et dit qu'elle produirait tous ses effets faute pour le locataire de procéder à l'exploitation du fonds dans le délai de cinq mois ; que la société débitrice a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 31 juillet 2014 ; que, par une ordonnance du 21 octobre 2014, le juge-commissaire a autorisé la vente du fonds de commerce ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt relève que l'ordonnance du 7 février 2014, qui a pris effet après le jugement d'ouverture, a fait l'objet d'un appel et que cette instance n'est pas achevée, de sorte que la clause n'est pas encore acquise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance de référé était exécutoire par provision et que l'action, qui ne tendait pas à la résolution du contrat pour non-paiement d'une somme d'argent, mais pour inexécution d'une obligation de faire, n'avait pas été interrompue par le jugement d'ouverture de la procédure collective, de sorte que la clause résolutoire était acquise avant la décision autorisant la cession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société BTSG, en qualité de liquidateur de la société La Poissonnerie du Vernet, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société B3

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la clause résolutoire n'était pas acquise à l'ouverture de la procédure collective de la société La Poissonnerie du Vernet et d'avoir confirmé, en conséquence, l'ordonnance du juge-commissaire du 21 octobre 2014 en ce qu'elle avait autorisé la vente du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société La Poissonnerie du Vernet au profit de la société Armara, ou toute personne substituée, pour le prix de 50.000 euros, soit 49.000 euros pour les éléments incorporels et 1.000 euros pour les éléments corporels ;

Aux motifs que « la cour considère que la clause résolutoire n'a pu se trouver acquise avant le 5 août 2014, soit postérieurement à l'ouverture de la procédure collective (31 juillet 2014) entraînant un changement d'état puisque la liquidation judiciaire ayant pour effet de dessaisir le débiteur de ses droits et actions sur tout son patrimoine ; que [les évènements sont survenus aux dates suivantes] : 1°) 9 avril 2013 : commandement visant la clause résolutoire, 2°) 7 février 2014 ordonnance de référé accordant 5 mois + 8 jours au preneur – APPEL, 3°) 31 juillet 2014 jugement d'ouverture de la procédure collective du preneur, 4°) 5 août 2014 : échéance du délai accordé au preneur, 5°) 21 octobre 2014 ordonnance du juge commissaire autorisant la cession du fonds de commerce (…) ; que la clause résolutoire pour défaut de police d'assurance des risques locatifs en cours de validité et paiement des primes d'assurance, absence de tenue constante des lieux ouverts et achalandés n'est établie et acquise puisque l'ordonnance du 7 février 2014 a été frappée d'appel par la société B3 et que l'instance d'appel n'est pas achevée » ;

Alors, d'une part, que le défaut d'exécution des obligations du preneur à l'expiration du délai de suspension des effets de la clause résolutoire accordé par le juge emporte acquisition immédiate de cette clause résolutoire ; que si ce délai a expiré antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du preneur, ce jugement ne peut empêcher la résiliation du bail déjà acquise ; qu'en affirmant que la clause résolutoire n'avait pu être acquise que le 5 août 2014, soit postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire du preneur le 31 juillet 2014, à la fin du délai de huit jours suivant l'envoi de la lettre par laquelle la société B3 s'était prévalue de l'expiration du délai de cinq mois accordé par le juge ayant constaté la réunion des conditions d'acquisition de la clause résolutoire, tandis que la résiliation était acquise à l'expiration de ce délai demeuré sans effet, peu important l'écoulement des huit jours suivant l'envoi de la lettre par laquelle le bailleur en avait fait part au preneur, cette lettre constituant la mise en oeuvre de l'expulsion consécutive à la résiliation déjà acquise, la cour d'appel a violé les articles L. 145-41, alinéa 2, et L. 622-14 du code de commerce ;

Alors, d'autre part, subsidiairement, que le jugement d'ouverture n'interrompt l'action en justice du bailleur tendant à la résiliation du bail et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée que si la résiliation est demandée pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'en cas contraire, la clause résolutoire mise en oeuvre dans l'instance engagée antérieurement à ce jugement peut avoir effet postérieurement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que la clause résolutoire avait été mise en oeuvre pour défaut de police d'assurance et de tenue constante des lieux ouverts et achalandés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la mise en oeuvre de la clause résolutoire visait l'inexécution d'obligations de faire, ce qui privait la liquidation judiciaire de tout effet interruptif à l'égard de cette action, peu important que celle-ci n'eût pas abouti à une décision passée en force de chose jugée, la clause résolutoire pouvant être acquise, même postérieurement au jugement d'ouverture, par l'effet d'une ordonnance de référé exécutoire par provision ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article L. 622-21 I du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 21 octobre 2014 en ce qu'elle avait autorisé la vente du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société La Poissonnerie du Vernet au profit de la société Armara ou toute personne substituée pour le prix de 50.000 euros, soit 49.000 euros pour les éléments incorporels et 1.000 euros pour les éléments corporels et d'avoir ainsi débouté la société B3 de sa demande tendant à voir constater qu'il s'agissait d'une cession déguisée du seul bail ne pouvant se faire sans son accord ;

Aux motifs que « sur la cession du fonds de commerce, la cour observe en premier lieu que l'acte de cession régularisé le 13 novembre 2014 intègre le droit au bail, élément indispensable du fonds de commerce ; qu'elle considère par ailleurs que si le commerce n'a pas été exploité de façon quotidienne, et si la concurrence de grandes poissonneries est forte dans ce secteur du 14e arrondissement, la cour d'appel ne peut qu'observer que : - le cessionnaire a considéré que le fonds de commerce avait une valeur effective, - la clause résolutoire pour défaut de police d'assurance des risques locatifs en cours de validité et paiement des primes d'assurance, absence de tenue constante des lieux ouverts et achalandés n'est établie et acquise puisque l'ordonnance du 7 février 2014 a été frappée d'appel par la société B3 et que l'instance d'appel n'est pas achevée ; que certes, l'extrait Kbis de la société La Poissonnerie du Vernet dressé par le tribunal de commerce faisant état de la mention « cessation d'activité » mais il ressort de la procédure que la maladie a contraint l'exploitant à cesser son activité à titre temporaire et il était conforme à ses obligations pour celui-ci de le faire savoir aux tiers, d'autant que le type d'activité n'a pas changé, la réputation de son propriétaire n'a pas été entachée et que les cessations temporaires d'activité sur de courtes périodes n'impliquent pas en elle-même la disparition de la clientèle dès lors que ces interruptions n'ont pas affecté l'achalandage attaché au fonds, le contraire n'étant pas démontré ; qu'on ne peut parler de cession déguisée du droit au bail » ;

Alors qu'un fonds de commerce ne survit pas à la disparition de la clientèle qui en constitue l'élément essentiel ; que cette disparition procède de la cessation de l'exploitation, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à la clientèle potentielle résultant des facteurs d'achalandage qui subsistent ou à l'existence d'offres de reprise ; qu'en retenant que la cession portait sur un fonds de commerce et qu'il ne s'agissait pas d'une cession déguisée irrégulière du bail, quand la cessation d'exploitation durait au moins depuis le 15 février 2013, soit deux ans, qu'elle avait persisté après le commandement d'avoir à exploiter délivré le 9 avril 2013 et l'ordonnance du 7 février 2014 accordant un délai de 5 mois pour reprendre l'exploitation, et qu'il appartenait à l'exploitant de prendre des mesures pour assurer cette exploitation en dépit de son état de santé, à défaut de quoi l'activité avait disparu, sans que la clientèle potentielle attachée à l'achalandage ne puisse faire subsister le fonds de commerce et peu important l'existence d'une offre de reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 145-16, L. 641-12, L. 642-19 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 21 octobre 2014 en ce qu'elle avait autorisé la vente du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société La Poissonnerie du Vernet au profit de la société Armara ou toute personne substituée pour le prix de 50.000 euros, soit 49.000 euros pour les éléments incorporels et 1.000 euros pour les éléments corporels et d'avoir ainsi débouté la société B3 de sa demande tendant à voir constater que le juge-commissaire avait excédé ses pouvoirs en autorisant cette vente sans agrément du bailleur ;

Aux motifs que « la cour observe que la cession a été opérée dans le cadre d'une cession d'actif sur le fondement de l'article L. 642-19 du code de commerce ; qu'elle considère que s'il avait été question de la cession du droit au bail, actif isolé, toutes les clauses et conditions régissant la cession du bail, à l'exception de la clause de garantie solidaire pesant sur le cédant, devaient être respectées, qu'il s'agisse des clauses imposant au preneur diverses formalités (concours du bailleur à l'acte, rédaction d'un acte notarié, etc…) ou des clauses d'agrément, ce qui est le cas du bail en cause puisqu'il comprend une clause d'agrément du bailleur en cas de cession du droit au bail avec le fonds ; qu'elle considère par contre qu'il s'est agi de la cession d'un fonds de commerce en tant qu'unité de production, au sens d'un ensemble de moyens permettant la poursuite d'une activité économique, puisque la cession vise la clientèle et l'achalandage y attaché – le droit au bail – et le matériel et le mobilier dépendant du fonds et que la clause ne s'imposait alors plus, d'autant que le bailleur, informé de la procédure et y participant comme candidat repreneur à la cession, a donné de facto son agrément à la cession ; que la cour observe que le bailleur ne subit pas de grief car le cessionnaire poursuit la même activité dans les mêmes conditions, sauf pour lui à avoir espéré la rupture du bail pour pouvoir rechercher un nouveau preneur à de nouvelles conditions financières et relève que la clause du bail invoqué prévoit que si le consentement exprès et par écrit du bailleur est exigé pour la cession du droit au bail, il existe un cas dérogatoire au profit de l'acquéreur du fonds de commerce ; que s'agissant de l'excès de pouvoir, la cour l'écartera rappelant qu'il n'a pas été formé un appel-nullité impossible au terme des textes d'ailleurs » ;

Alors qu'excède ses pouvoirs le juge-commissaire qui autorise la cession d'un fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, sans recueillir l'agrément du bailleur conformément aux stipulations du bail ; qu'en statuant comme elle l'a fait pour écarter pareil excès de pouvoir, après avoir constaté que le bail prévoyait un agrément du bailleur et son intervention à l'acte pour toute cession du bail, même comprise dans la cession d'ensemble du fonds de commerce, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard au fait que celui-ci constituerait une unité de production, sans que le bailleur n'ait à justifier d'un grief et sans que sa participation à la procédure de cession ne puisse valoir agrément de fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 145-16 et L. 642-19 du code de commerce."