Garantie décennale et désordres futurs (vendredi, 13 octobre 2017)

La garantie décennale s'applique en cas de désordres futurs, c'est à dire de désordres qui existeront de façon certaine avant l'expiration du délai décennal.

"Vu l'article 1792 du code civil

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 janvier 2016), que M. et Mme X... ont confié à la société ERH, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Allianz assurances (société Allianz), des travaux de ravalement, menuiserie et zinguerie en souscrivant un emprunt pour les financer ; que, se plaignant de désordres, ils ont, après expertise, assigné notamment la société Allianz en indemnisation ; 

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les fissures apparues sur la façade ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble ; 

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les conclusions de l'expert selon lesquelles les désordres atteindront de manière certaine, avant l'expiration du délai décennal, la gravité requise de nature à justifier l'application de la garantie décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme X... contre la société Allianz, l'arrêt rendu le 28 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ; 

Condamne la société Allianz France aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz France et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept. 
MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X... 

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de toutes leurs demandes à l'égard de la société Allianz Assurances ; 

AUX MOTIFS QUE le premier juge a retenu de façon pertinente que la réception tacite des travaux pouvait être fixée le 17 juillet 2008, date à laquelle une réunion a eu lieu entre M. et Mme X... et la société ERH Easy Renov, à la fin des travaux ; que les désordres consistent en d'importantes fissurations qui se boursouflent et s'écaillent laissant apparaître l'enduit de ragréage resté sous forme pâteuse et sont généralisés sur l'ensemble des quatre façades et sous-faces d'escaliers sur une surface d'environ 280m2 ; que l'expert conclut « actuellement la solidité de l'immeuble n'est pas compromise, aucun des désordres décrits au chapitre précédent n'altère la stabilité et la pérennité de l'ouvrage, les fissures ne présentent pas de caractère infiltrant, néanmoins ce type de désordre et principalement les fissures horizontales vont s'aggraver et évoluer d'une manière certaine à l'intérieur du délai d'épreuve décennal, de simples fissures à caractère inesthétique à des désordres plus importants avec infiltrations qui limiteront la notion de propriété à destination de l'ouvrage » ; que si les désordres liés aux fissures ne sont apparus dans toute leur ampleur que postérieurement à la réception, en l'absence de démonstration par M. et Mme X... de l'apparition d'infiltrations affectant l'étanchéité de la façade, ces désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble ; qu'ils ne sont donc pas de nature décennale et la garantie de la société Allianz Assurances en sa qualité d'assureur décennal ne peut s'appliquer en l'espèce ; 

ALORS D'UNE PART QUE peut être réparé sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, un désordre dénoncé dans le délai décennal dont il est constaté qu'il atteindra de manière certaine, avant l'expiration de ce délai, la gravité requise par ce texte ; qu'en se fondant pour écarter l'application de la garantie décennale aux désordres litigieux sur la circonstance que faute de preuve d'infiltrations affectant l'étanchéité de la façade, ces désordres ne revêtiraient pas la gravité requise, tout en s'appropriant les conclusions de l'expert selon lesquelles ces désordres « vont s'aggraver et évoluer d'une manière certaine à l'intérieur du délai d'épreuve décennal, de simples fissures à caractère inesthétique à des désordres plus importants avec infiltrations qui limiteront la notion de propriété à destination de l'ouvrage », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 1792 du code civil qu'elle a violé ; 

ALORS D'AUTRE PART QUE peut être réparé sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, un désordre dénoncé dans le délai décennal dont il est constaté qu'il atteindra de manière certaine, avant l'expiration de ce délai, la gravité requise par ce texte ; qu'à supposer que la Cour d'appel n'ait pas entendu s'approprier les conclusions de l'expert constatant que les désordres atteindront la gravité requise dans le délai de la garantie décennale, en se bornant à énoncer qu'en l'absence de démonstration par M. et Mme X... de l'apparition d'infiltrations affectant l'étanchéité de la façade, ces désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et ne compromettent pas la solidité de l'immeuble, en se plaçant ainsi à la date de l'arrêt en janvier 2016, sans s'expliquer sur les conclusions déterminantes de l'expert selon lesquelles les désordres atteindront de manière certaine, avant l'expiration du délai décennal soit en juillet 2018, la gravité requise de nature à justifier l'application de la garante décennale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil."