Réduction du loyer commercial imposée par le locataire ? (jeudi, 16 février 2017)

Le locataire prétendait que sa demande d'un loyer en réduction à l'occasion de sa demande de renouvellement du bail commercial n'ayant pas été suivie d'une contestation par le bailleur dans le délai de trois mois après cette notification et le juge n'ayant pas été saisi par le bailleur dans le délai de deux ans, c'est ce loyer réduit qui devait s'appliquer. Cette argumentation est rejetée.

 

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2015), que, le 3 avril 1998, la société du Château du Vivier Les Ruines a consenti à la société CDV un bail à usage commercial expirant le 1er avril 2006 ; que, le 2 octobre 2009, la locataire a adressé à la bailleresse une demande de renouvellement de bail moyennant un loyer annuel de 57 000 euros ; que, le 21 février 2012, elle a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du prix du bail renouvelé au montant susvisé ;

Attendu que la société CDV fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action, alors, selon le moyen, qu'à défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans le délai de trois mois à compter de la demande de renouvellement, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ; qu'il appartient alors au bailleur, s'il entend manifester son désaccord sur le prix proposé de saisir le juge des loyers, dans le délai de deux ans prévus par l'article L. 145–60 du code de commerce ; qu'en déclarant prescrite la demande de la locataire en fixation du loyer du bail renouvelé, par la considération que c'est à celle-ci qu'il appartenait de saisir le juge des loyers afin de voir fixer le nouveau loyer, la cour d'appel a violé les articles L. 145–10 et L. 145–11, ensemble l'article susvisé du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'action du preneur en fixation du prix du bail renouvelé est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce et constaté que le bail renouvelé avait pris effet le 1er janvier 2010, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action de la société preneuse, qui avait notifié son mémoire en demande plus de deux ans après cette date, était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CDV aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CDV et la condamne à payer à la société du Château du Vivier Les Ruines la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société CDV

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action de la société CDV, locataire, en fixation du prix du loyer du bail renouvelé, et dit que le bail s'était trouvé définitivement renouvelé au 1er janvier 2010 aux clauses et conditions du bail expiré, y compris le montant du loyer au prix en vigueur à la date du renouvellement, soit la somme annuelle hors-taxes de 83 572,68 euros, et d'avoir en conséquence débouté la société CDV de ses demandes envers la société Château du Vivier les Ruines, bailleresse,

AUX MOTIFS QUE suivant acte sous-seing privé du 3 avril 1988, la société Château du Vivier les Ruines a consenti à la société CDV un bail commercial portant sur des biens immobiliers sis à Fontenay Trésigny (77 610) ; que le 16 mars 1999, ce bail a été renouvelé pour une période de neuf ans, soit du 1er avril 1997 au 1er avril 2006, moyennant un loyer annuel de 370 000 francs, indexé chaque année sur l'indice du coût de la construction, étant précisé que le preneur ne pourrait exercer dans les locaux loués que le commerce de salon de thé, bar et restaurant, traiteur, discothèque, hôtel et pêche, à l'exclusion de tout autre ; que par lettre du 20 mars 2006, la société Château du Vivier les Ruines a informé la société CDV que le bail arrivait à expiration le 1er avril, qu'elle le renouvelait, envisageant une rencontre pour signer ce bail, et lui a demandé de prendre note du nouveau loyer à partir du 1er avril, soit 5800 euros hors taxes par mois ; que par la suite, faisant application de l'indexation, elle a informé le preneur, le 29 mars 2007, que le loyer révisé au 1er avril s'élevait à 6267 euros, ramené en fait à 6033,74 euros, le 19 mars 2008 que le loyer révisé au 1er avril s'élevait à 6304,65 euros et le 17 mars 2009 que le loyer révisé au 1er avril s'élevait à 6969,39 euros au 1er avril ; que la société CDV, par acte d'huissier de justice du 2 octobre 2009, a fait délivrer à la bailleresse une demande de renouvellement du bail, sollicitant son renouvellement à compter de cette date moyennant un loyer annuel de 57 000 euros et rappelant les dispositions de l'article L. 145–10 du code de commerce ; que la société Château du Vivier les Ruines, dans sa réponse par acte d'huissier de justice du 2 novembre 2009, lui a reproché de ne pas justifier avoir pris toutes dispositions pour interdire l'accès aux ruines du Château, de ne pas justifier avoir souscrit les assurances couvrant l'ensemble des risques prévus au bail et de payer avec retard le loyer mensuel indexé ainsi que la taxe foncière ; qu'elle l'a alors mise en demeure de mettre fin à ces infractions au bail dans le délai d'un mois, lui déclarant qu'à défaut, elle s'en prévaudrait comme motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail ; que le décembre 2009, la société CDV a envoyé à la bailleresse trois attestations d'assurance et un procès-verbal de constat relatant les mesures prises pour interdire l'accès aux ruines ; que par la suite, le 21 février 2012, la société CDV a notifié à la bailleresse un mémoire préalable en fixation du prix du loyer annuel à la somme de 57 000 euros hors-taxes ; que le 8 octobre 2012, la société Château du Vivier les Ruines a fait délivrer à la société CDV un commandement de payer des loyers arriérés visant la clause résolutoire ; que le 10 octobre 2012, la société CDV a saisi le tribunal de grande instance de Meaux afin de voir fixer le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er avril 2007 à la somme de 57 000 euros ; que par le jugement déféré, le tribunal a déclaré recevable la demande de la société CDV, dit que le loyer du bail renouvelé prendrait effet au 1er janvier 2010, date d'effet du renouvellement du bail et, avant-dire droit sur la valeur locative est le montant du loyer du bail renouvelé, ordonné une expertise ; que la mesure d'expertise est devenue caduque ; que la société CDV, appelante, fait valoir pour l'essentiel que la bailleresse n'a pas pris position dans le délai de trois mois prévu à l'article L. 145–10 du code de commerce, acceptant ainsi tacitement le renouvellement du bail ; qu'avant sa demande de renouvellement, aucun accord n'avait été trouvé sur le principe du renouvellement comme sur le prix du loyer, qu'elle n'a jamais acquiescé à une proposition de prix mais a seulement respecté son obligation de paiement, que plus de deux ans se sont écoulés depuis le 2 novembre 2009 sans que la bailleresse manifeste son désaccord sur le prix qu'elle proposait ou saisisse le juge des loyers, et qu'en conséquence la prescription biennale est acquise, que par application des articles L. 145–33 et suivants du code de commerce, elle est bien fondée à voir fixer définitivement le loyer annuel à la somme de 57 000 euros à compter du 1er avril 2006, que la bailleresse doit lui restituer le trop-perçu sur les loyers qu'elle a payés entre le 1er avril 2006 et le 31 octobre 2011 ; que la société Château du Vivier les Ruines, appelante incidente, soutient qu'au 1er avril 2007, les parties s'étant accordées sur le montant du loyer, le bail s'est trouvé renouvelé par l'accord des parties et le paiement du loyer indexé pendant plus de trois ans, subsidiairement, que si le renouvellement n'a pris effet qu'au 1er janvier 2010 par l'effet de la demande de renouvellement formé par le preneur le 2 octobre 2009, l'action en fixation du loyer est prescrite par application de l'article L. 145–60 du code de commerce, le mémoire en demande de la société CDV, interruptif de prescription, n'ayant été notifié que le 22 février 2012, soit tardivement après expiration du délai de deux ans, qu'en aucun cas la date d'effet du loyer de renouvellement ne pourrait rétroagir au 1er avril 2006 comme soutenu par la société CDV, qu'à titre infiniment subsidiaire, la date d'effet du nouveau loyer ne pourrait être antérieure au 10 octobre 2012, date à laquelle la société CDV a saisi le juge des loyers et, en ce cas, le loyer sera fixé à la somme annuelle de 85 145,52 euros horstaxes, que la demande en remboursement d'un trop-perçu est mal fondée dès lors que la société CDV reste débitrice d'un arriéré de loyer, outre taxes foncières et taxes d'ordures ménagères pour 2011 et 2012 dans les termes du commandement régularisé le 8 octobre 2012, actualisé à la somme de 85 424,80 euros en septembre 2013 ; que toutefois, à la suite de la lettre de la bailleresse du 20 mars 2006, aucun bail n'a été signé, ni aucun accord contractuel formalisé avec la société CDV ; que celle-ci a certes payé les loyers réclamés par la bailleresse, mais sans acquiescer sur leur montant ; qu'elle en a ensuite demandé la réduction à 57 000 euros annuels dans sa demande de renouvellement du 2 octobre 2009 ; qu'il en résulte que le bail ne s'est pas trouvé renouvelé au 1er avril 2006, mais qu'il s'est poursuivi par tacite reconduction ; que la société CDV a régulièrement fait signifier le 2 octobre 2009 une demande en renouvellement du bail à la société Château du Vivier les Ruines ; que cette dernière, qui disposait d'un délai de trois mois pour faire connaître si elle refusait le renouvellement, s'est bornée dans sa réponse à formuler des reproches avec mise en demeure de remédier à des infractions au bail ; qu'à défaut d'avoir fait connaître ses intentions sur le renouvellement du bail dans le délai de trois mois, elle est réputée avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent par application de l'article L. 145–10 du code de commerce ; que conformément à l'article L. 145–12 de ce code, le bail renouvelé a pris effet au premier jour du trimestre civil qui a suivi la demande de renouvellement, soit le 1er janvier 2010 ; que contrairement à ce que prétend la société CDV, la bailleresse n'a jamais accepté de voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme qu'elle demandait ; qu'il incombait à la partie la plus diligente de saisir le juge des loyers afin de voir fixer le nouveau loyer, l'action se prescrivant par deux ans en application de l'article L. 145–60 du code de commerce ; que le point de départ du délai de deux ans est le jour de la prise d'effet du bail renouvelé ; que la société CDV n'a notifié son mémoire en demande que le 21 février 2012, après expiration de ce délai ; qu'en conséquence, son action en fixation du loyer est prescrite ; que toutes ses demandes seront rejetées (arrêt, p. 3 – 5),

ALORS QU'à défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans le délai de trois mois à compter de la demande de renouvellement, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent ; qu'il appartient alors au bailleur, s'il entend manifester son désaccord sur le prix proposé de saisir le juge des loyers, dans le délai de deux ans prévus par l'article L. 145–60 du code de commerce ; qu'en déclarant prescrite la demande de la locataire en fixation du loyer du bail renouvelé, par la considération que c'est à celle-ci qu'il appartenait de saisir le juge des loyers afin de voir fixer le nouveau loyer, la cour d'appel a violé les articles L. 145–10 et L. 145–11, ensemble l'article susvisé du code de commerce."