Places de stationnement, plan local d'urbanisme et réalisation de logement (samedi, 24 décembre 2016)

Voici un cas original dans lequel le plan local d'urbanisme, qui imposait la création de places de parking lors de la réalisation de logements, était entré en vigueur le 19 mars 2010 avant la fin des travaux commencés en 2009 et achevés le 1er décembre 2010 par une SCI. Les travaux consistaient dans un réaménagement d'un espace intérieur d'un immeuble et n'étaient donc pas soumis à autorisation d'urbanisme mais ils devaient cependant être conformes au plan d'urbanisme : or ils ne l'étaient pas parce que le nombre de places de stationnement n'étaient pas suffisants au regard de ce plan d'urbanisme entré en vigueur avant la fin des travaux.

La Cour de Cassation considère que l'infraction est établie.

"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- La commune de Lansargues, partie civile,


contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2015, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de la société Cla du chef d'infractions au code de l'urbanisme ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société civile immobilière Cla a fait l'objet d'un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme pour avoir créé sept logements locatifs dans un bâtiment existant, en méconnaissance du plan d'occupation des sols, en raison du nombre insuffisant de places de parking, de l'absence d'une aire de retournement et d'une distance des parkings excédant cinquante mètres par rapport à l'immeuble locatif ; que les premiers juges ont rejeté les exceptions de nullité soulevées et déclaré la prévenue coupable desdites infractions au code de l'urbanisme ; que la prévenue et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 385, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, insuffisance de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a annulé la citation s'agissant de l'infraction d'utilisation du sol en méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune et a renvoyé la société civile immobilière Cla des fins de la poursuite de ce chef ;

"aux motifs qu'il a été, en second lieu, argué de la nullité de la citation, au motif que la société civile immobilière Cla a fait l'objet de poursuites pour avoir utilisé le sol en méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune, sans autres mentions suffisamment précises, permettant à la société civile immobilière de connaître les faits qui lui étaient reprochés ; que force est de constater que l'absence d'indication sur la matérialité des opérations incriminées n'a pas permis à la société civile immobilière Cla de connaître précisément les faits qui lui étaient reprochés au titre de cette infraction spécifique ; qu'il convient en conséquence de prononcer l'annulation partielle de la citation relativement à l'infraction d'utilisation du sol en méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune, d'infirmer le jugement entrepris et de renvoyer la société civile immobilière Cla des fins de cette poursuite ;

"1°) alors que les exceptions de nullité de la procédure ne peuvent pas être présentées pour la première fois en cause d'appel après un débat au fond devant le tribunal ; que doit être déclarée irrecevable une exception de nullité présentée pour la première fois en cause d'appel, même si elle a le même fondement juridique et concerne le même acte de procédure qu'une autre exception de nullité soulevée, elle, devant le tribunal ; qu'en faisant droit, pour annuler partiellement la citation de la prévenue devant le tribunal correctionnel, au moyen soulevé par celle-ci devant elle selon lequel la citation n'aurait pas, en violation de l'article 551 du code de procédure pénale, suffisamment précisé les faits reprochés au titre des poursuites du chef d'« utilisation du sol en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune par une personne morale » et en retenant que l'absence d'indication sur la matérialité des opérations incriminées dans la citation n'avait pas permis à la prévenue de connaître précisément les faits qui lui étaient reprochés au titre de cette infraction spécifique, lorsque la prévenue n'avait pas soulevé cette exception de nullité devant le tribunal mais seulement celle tirée de l'absence, dans la citation, de référence aux articles du plan local d'urbanisme concernés par les poursuites, la cour d'appel a violé l'article 385 du code de procédure pénale ;

"2°) alors que la citation détermine l'étendue de la saisine des juges du fond ; que l'objet de la citation peut être précisé par le procès-verbal d'infraction lorsqu'un tel procès-verbal a été établi ; qu'en annulant partiellement la citation au motif que l'absence d'indication sur la matérialité des opérations incriminées n'aurait pas permis à la prévenue de connaître précisément les faits reprochés au titre de l'infraction d'utilisation du sol en méconnaissance du plan local d'urbanisme de la commune lorsque les mentions de la citation étaient précisées par le procès-verbal d'infraction qui, outre la création de places de stationnement insuffisantes poursuivie au titre de la violation des règles du plan local d'urbanisme, a visé l'absence d'une aire de retournement et l'existence d'une distance de plan local d'urbanismes de cinquante mètres entre l'immeuble locatif et l'aire de stationnement et ainsi a identifié les faits reprochés au titre de l'infraction d'utilisation du sol en violation du plan local d'urbanisme, et que la prévenue a ainsi pu avoir parfaitement connaissance de la matérialité des opérations incriminées de ce chef, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité partielle de la citation alors qu'une telle demande n'avait pas été présentée devant les premiers juges ;

Attendu qu'il résulte cependant des conclusions de première instance que la prévenue avait soulevé in limine litis devant cette juridiction la nullité de la citation en ce qui concerne l'infraction de violation du plan local d'urbanisme tenant à l'utilisation du sol ;

D'où il suit que le grief, qui manque en fait, doit être écarté ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour annuler partiellement, en raison de son imprécision, la citation pour le délit visant l'utilisation du sol en violation du plan local d'urbanisme, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la citation était complétée par le procès-verbal d'infraction et visait les faits poursuivis d'utilisation du sol en méconnaissance du plan d'urbanisme, en l'espèce l'absence d'aire de retournement et la distance entre l'immeuble locatif et les parkings excédant cinquante mètres, ainsi que les textes de loi applicables dans des conditions qui ont permis au prévenu d'assurer utilement sa défense à l'audience et de présenter des conclusions argumentées sur chacun des délits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 160-1, L. 421-8, L. 480-4, L. 480-5 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé la société civile immobilière Cla des fins de la poursuite,

"aux motifs qu'il convient de rappeler que la société civile immobilière Cla est poursuivie pour "avoir à Lansargues, entre janvier 2010 et février 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, en violation des dispositions du plan local d'urbanisme, en l'espèce en créant sept logements au moins dans un immeuble d'habitation et neuf places de stationnement"; qu'au delà de l'articulation de cette infraction, il convient en premier lieu de rappeler que les travaux réalisés par la société civile immobilière Cla ont entraîné un ré-aménagement intérieur, sans changement de destination, ni création de surface supplémentaire, ni modification de façade ; que ces travaux n'étaient donc pas soumis à autorisation d'urbanisme ; que, selon le document établi par le maire de la commune de Lansargues, le 23 juillet 2008, le projet de travaux présenté par la société civile immobilière Cla a été expressément autorisé, sous condition que la société civile immobilière respecte la législation en matière de stationnement conformément au plan d'occupation des sols ; que la cour relève qu'à la date de rédaction de ce document, il s'agissait nécessairement du plan d'occupation des sols en vigueur en 2008 ; que la cour fait également le constat que la période de prévention retient, pour partie, les faits commis dès janvier 2010, et en conséquence commis avant le 19 mars 2010, date d'opposabilité de la 8e modification du plan d'occupation des sols approuvée par délibération du conseil municipal de Lansargues ; qu'il doit être rappelé que la société civile immobilière Cla a indiqué dans ses écritures avoir commencé les travaux litigieux dès le deuxième semestre 2008, ceux-ci étant en fin de réalisation lors du contrôle opéré le 13 octobre 2010 ; que les éléments de la procédure et les pièces soumises à débat conduisent la cour à retenir que la version du plan d'occupation des sols applicable aux faits est celle issue de la 1er révision simplifiée approuvée le 7 décembre 2005 (6e modification du plan d'occupation des sols) ; qu'en effet, la 7e modification du plan d'occupation des sols, approuvée le 22 mars 2007, n'a pas modifié les dispositions de l'article consacré aux stationnements ; que la 8e modification du plan d'occupation des sols, approuvée le 10 février 2010, a modifié cet article, le rendant beaucoup plus contraignant pour les constructeurs ; qu'il doit être rappelé que les dispositions du plan d'occupation des sols, dans sa version issue de la 8e modification, ne pouvaient avoir d'effet rétroactif, les documents d'urbanisme ne pouvant s'appliquer aux ouvrages et aménagements existants ; que, dans sa version issue de la 1re révision simplifiée, approuvée le 7 décembre 2005, l'article 12 du plan d'occupation des sols consacré aux stationnements exigeait pour les constructions à usage d'habitation :
- au moins une place de stationnement par logement de moins de 60 m² de surface de plancher hors oeuvre nette ;
- au moins deux places de stationnement par logement de plus de 60 m² de surface de plancher hors oeuvre nette ;
qu'en l'espèce, en raison de la superficie des logements réalisés, neuf places de stationnement devaient être édifiées, chiffre qui correspond à celui relevé lors du contrôle opéré le 13 octobre 2010 ; que ces éléments conduisent la cour à infirmer le jugement déféré et à renvoyer la société civile immobilière Cla des fins de la poursuite ;

"1°) alors que, si l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions d'un plan d'occupation des sols ne peut imposer en elle-même la mise en conformité d'un ouvrage ou aménagement existant, les travaux réalisés sur un ouvrage ou un aménagement existant, à compter de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, doivent respecter celles-ci ; que l'infraction d'exécution de travaux en méconnaissance du plan d'occupation des sols s'accomplit pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu'à leur achèvement ; que les dispositions nouvelles d'un plan d'occupation des sols n'ont d'effet rétroactif que si elles sont appliquées à des travaux achevés à la date de leur entrée en vigueur ; qu'en retenant que l'article 12 du plan d'occupation des sols dans sa version issue de la 8e modification, entrée en vigueur le 19 mars 2010, n'était pas applicable aux travaux litigieux puisqu'il ne pouvait s'appliquer rétroactivement aux ouvrages et aménagements existants lorsque la cour d'appel a elle-même constaté qu'au jour de l'entrée en vigueur du plan d'occupation des sols dans sa version issue de la 8e modification, soit le 19 mars 2010, les travaux litigieux n'étaient pas achevés puisqu'ils auraient été en fin de réalisation lors du contrôle du 13 octobre 2010, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;

"2°) alors que, si l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions d'un plan d'occupation des sols ne peut imposer en elle-même la mise en conformité d'un ouvrage ou aménagement existant, les travaux réalisés sur un ouvrage ou un aménagement existant, à compter de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, doivent respecter celles-ci ; que l'infraction d'exécution de travaux en méconnaissance du plan d'occupation des sols s'accomplit pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu'à leur achèvement, lequel correspond au jour où les installations sont en état d'être affectées à l'usage auquel elles sont destinées ; qu'en retenant que l'article 12 du plan d'occupation des sols dans sa version issue de la 8e modification, entrée en vigueur le 19 mars 2010, n'était pas applicable aux travaux litigieux puisqu'il ne pouvait s'appliquer rétroactivement aux ouvrages et aménagements existants sans rechercher la date à laquelle les installations avaient été en état d'être affectées à l'usage auquel elles étaient destinées, date pourtant déterminante pour apprécier les dispositions du plan d'occupation des sols applicables aux faits reprochés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors que les juges du fond doivent motiver leur décision sur tous les faits dont ils sont saisis ; que la citation à prévenu a saisi les premiers juges de faits de violation du plan d'occupation des sols, le procès-verbal d'infraction du 9 février 2010 ayant précisé qu'étaient reprochés à la prévenue, outre la création d'un nombre insuffisant de places de stationnement, l'absence d'aire de retournement et la présence d'une distance entre l'immeuble locatif et l'aire de stationnement supérieure à 50 mètres ; que les premiers juges ont déclaré la prévenue coupable des faits reprochés à raison de la création d'un nombre insuffisant de places de stationnement et de l'absence d'aire de retournement et a écarté le grief tiré de la présence d'une distance entre l'immeuble locatif et l'aire de stationnement supérieure à cinquante mètres ; que suite aux appels de la prévenue et du parquet sur toutes les dispositions pénales du jugement, la cour d'appel, par l'effet dévolutif de l'appel, devait statuer sur l'ensemble des faits de violation du plan d'occupation du sol dont elle était saisie, en ce compris l'absence d'aire de retournement et la présence d'une distance entre l'immeuble locatif et l'aire de stationnement supérieure à cinquante mètres ; qu'en infirmant le jugement et en prononçant la relaxe de la prévenue sans qu'aucun motif de l'arrêt ne se soit prononcé sur les faits de l'absence d'aire de retournement et la présence d'une distance entre l'immeuble locatif et l'aire de stationnement supérieure à cinquante mètres, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Vu l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 421-6 dudit code ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme doivent être conformes aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6 de ce code relatives, notamment, à l'utilisation des sols et à l'aménagement des abords, entrées en vigueur avant l'achèvement des travaux ;


Attendu que, pour débouter la partie civile, après relaxe de l'infraction de création de neuf places de stationnement au lieu de quinze pour sept logements réalisés en violation du plan local d'urbanisme, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le plan local d'urbanisme, qui imposait la création de quinze places de parking pour les sept logements réalisés, était entré en vigueur le 19 mars 2010 avant la fin des travaux commencés en 2009 et achevés le 1er décembre 2010, et que la SCI Cla, qui ne pouvait se prévaloir d'aucune autorisation administrative préalable, n'avait créé que neuf places de stationnement au lieu des quinze requises par le nouveau plan, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions pénales et civiles s'agissant de l'infraction d'utilisation du sol en violation du plan local d'urbanisme, en l'espèce l'absence d'aire de retournement et la distance entre l'immeuble locatif et les parkings excédant cinquante mètres, et en ses seules dispositions civiles sur les faits relatifs à la création de neuf places de stationnement au lieu de quinze pour les sept logements réalisés, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2015,

Et pour qu'il soit à nouveau statué sur ladite prévention, tant sur le plan pénal que civil sur l'infraction d'utilisation des sols en méconnaissance du plan local d'urbanisme, en l'espèce l'absence d'aire de retournement et la distance entre l'immeuble locatif et les parkings excédant cinquante mètres, et sur les seules dispositions civiles, pour les faits relatifs à la création de neuf places de stationnement au lieu de quinze pour les sept logements réalisés, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept septembre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre."