La clause résolutoire doit être mise en oeuvre de bonne foi ! (mercredi, 14 décembre 2016)

Dans ce cas particulier les premiers juges n'ont pas répondu à la demande qui leur était faite de rechercher si le bailleur n'avait pas mis en oeuvre la clause résolutoire de mauvaise foi.

 

 

 

"Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 octobre 2013), que la société civile immobilière Rocca invest (la SCI) est propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail à la société Etty, dans lesquels une fuite d'eau, survenue le 29 octobre 2007, a provoqué d'importants dégâts interdisant toute activité dans les lieux ; que la bailleresse, après avoir procédé aux travaux de réparation et remis le local à disposition de sa locataire le 25 avril 2009, lui a délivré, le 12 février 2010, un commandement de payer les loyers échus du 25 avril 2009 à janvier 2010, visant la clause résolutoire prévue dans le bail, puis l'a assignée en résiliation du bail ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que des présomptions de mauvaise foi, contraires à notre système de preuve, ne peuvent être retenues à l'encontre du bailleur qui n'a délivré son commandement que plusieurs mois après l'inexécution par le locataire de son obligation principale en paiement des loyers ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause résolutoire, délivrée alors que le bailleur savait que la locataire devait réaliser les travaux d'aménagement intérieur, n'avait pas été mise en oeuvre de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté la résiliation du bail à la date du 12 mars 2010 par acquisition de la clause résolutoire, ordonné la libération des lieux, condamné la société Etty au paiement d'une somme de 46 692,14 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation dus au 30 avril 2011 et au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 2 122,37 euros, l'arrêt rendu le 3 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la SCI Rocca invest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Rocca invest et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Etty ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Etty (Styl Lay)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la résiliation du bail commercial de la société Etty par acquisition de la clause résolutoire, le 12 mars 2010, avec les conséquences attachées, et condamné la société Etty à payer à la société Rocca Invest une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à libération effective des lieux ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par acte du 2 avril 1998, les époux X... avaient donné à bail commercial, à la société Etty les locaux situés au rez-de-chaussée du ..., où elle exerce une activité de salon de coiffure mixte ; que ces locaux ont été transmis à la société Rocca Invest par acte reçu le 12 février 2007 ; que quelques mois plus tard, le 29 octobre 2007, un dégât des eaux survenu dans le local occupé par la société Etty, a provoqué l'effondrement du plafond du salon de coiffure, interdisant toute activité commerciale dans les lieux ; que la société Etty a sollicité et obtenu le droit de consigner ses loyers « jusqu'à consolidation du plafond du salon et enlèvement des étais » ; que les travaux de réfection du plancher haut ont été effectués aux frais avancés du bailleur la société Rocca Invest et l'achèvement en a été constaté par huissier le 24 avril 2009 ; que c'est à partir de cette date que la société Etty, qui a repris possession des locaux, a pu faire les travaux privatifs permettant la reprise d'activité du salon ; que l'expert a évalué à un mois et demi la durée de ces travaux ; qu'on doit considérer qu'en raison de l'effondrement du plafond du salon, la société Etty était dans l'obligation de refaire tous les travaux d'aménagement du salon de coiffure avant de l'exploiter à nouveau ; qu'ainsi et compte tenu de la nécessité de faire appel aux entreprises, il convient de dire que la société Etty devait reprendre le paiement des loyers à partir du 1er juillet 2009 ; que la date de reprise du paiement des loyers ne pouvait en effet être laissée à la seule appréciation de la société Etty, dès lors que l'expert avait fixé ce délai en fonction de la durée nécessaire au locataire, pour effectuer ses travaux privatifs, et que le juge des référés avait autorisé la suspension du paiement des loyers « jusqu'à consolidation du plafond du salon et enlèvement des étais » ; que le paiement des loyers n'a cependant pas été repris en sorte que la société Rocca Invest a délivré à son locataire un commandement visant la clause résolutoire du bail les 2 et 9 février 2010, les loyers étant impayés depuis le 25 avril 2009 et jusqu'au 1er janvier 2010, date à laquelle la société Etty dit avoir pu reprendre son activité ; que cette reprise d'activité n'a cependant pas été marquée par une reprise du paiement des loyers, lequel ne reprendra son rythme régulier qu'en mai 2011, soit après que soit intervenu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre constatant le jeu de la clause résolutoire ; que ce commandement de février 2010 est régulier tant dans la forme que dans le fond, quand bien même il viserait le paiement des loyers compris entre le 24 avril et le 30 juin 2009 (qui ne sont pas tous exigibles aux termes de la présente décision) ; que l'absence de mise en demeure (non exigée) ne rend pas davantage le commandement irrégulier ; qu'enfin, des « présomptions de mauvaise foi », contraires à notre système de preuve, ne peuvent être retenues à l'encontre du bailleur qui n'a délivré son commandement que plusieurs mois après l'inexécution par le locataire, de son obligation principale en paiement des loyers ; que ce commandement n'a pas été suivi d'un paiement, ni d'ailleurs d'une demande de suspension du paiement des loyers ou de délais, la première autorisation de suspendre les loyers ayant expiré le 24 avril 2009 ; que ce n'est que le 17 mars 2010 que la société Etty a saisi le juges des référés, aux fins de suspendre les effets du commandement, la société Rocca Invest sollicitant que soit constaté le jeu de la clause résolutoire ; que le juge des référés a refusé de constater le jeu de la clause et de prononcer l'expulsion ; que cependant le juge n'a pas le pouvoir de « ne pas constater le jeu de la clause résolutoire » dès lors que les conditions de sa mise en jeu sont réunies ; que la clause opère par elle-même et non par la volonté du juge qui « constate » et ne « prononce » pas dans ce cas, la résolution du bail ; qu'en l'espèce la violation de l'obligation contractuelle de payer le loyer est établie ; qu'aucune compensation avec une créance liquide et exigible dont aurait disposé la société Etty à l'encontre de la société Rocca Invest ne peut être opposée par celle-ci à celle-là ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il constate le jeu de la clause résolutoire depuis le 12 mars 2010, avec les conséquences qui en découlent ; que le fait que le juge des référés n'ait pas voulu constater le jeu de la clause résolutoire ne fait pas obstacle au fait qu'elle a joué ; que tel est bien le cas ; que le tribunal a à juste titre constaté cette résiliation ; que cependant le montant des loyers dus par la société Etty jusqu'au mois de janvier 2010 est de 19.525,8 – 4.669,21 soit 14.856,59 €
compte tenu du délai accordé à la société Etty pour effectuer ses travaux intérieurs ; que la société Etty sera condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges (2.122,37 €) jusqu'à libération effective des lieux ainsi que le juge le tribunal ; que la dette locative de la société Etty envers la société Rocca Invest au 30 avril 2011 doit donc être appréciée à la somme de 46.692,14 € en deniers ou quittance eu égard aux sommes qui auraient été payées par la société Etty au titre de son arriéré locatif sur cette période, et qui est pour le moins de 11.400 € en accord entre les parties ; que la société Etty a été condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation de 2.122,37 € ; que la société Rocca Invest dispose donc d'un titre, sans qu'il y ait lieu d'entrer en voie de condamnation au-delà de la période du 30 avril 2011, la cour ne disposant pas des éléments lui permettant de connaître avec précision l'état des comptes entre les parties ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE, à l'égard de la société Etty, la SCI Rocca Invest demande l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail pour non-paiement des loyers, à défaut la résiliation judiciaire du bail ; que par actes d'huissier des 2 et 9 février 2010 et du 12 février 2010 visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail entre les parties en date du 2 avril 1998 la SCI Rocca Invest a fait sommation à la société Etty de lui régler les loyers dus pour la période du 25 avril 2009 au 1er janvier 2010 pour un montant de 19.525,80 € ; que la société Etty n'a pas réglé cette somme dans le mois suivant cette sommation et elle n'a pas réglé les loyers échus postérieurement, le montant dû pour la période du 25 avril 2009 à janvier 2011 étant de 41.372,02 € selon décompte de la SCI Rocca Invest ; que par décision du 8 juin 2010 le juge des référés a dit n'y avoir lieu à constater l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire visée au commandement de payer délivré le 12 février 2010 à la société Etty et condamné la société Rocca Invest à payer à titre provisionnel la somme de 30.000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices matériels et la somme de 20.000 € à valoir sur l'indemnisation de sa perte d'exploitation ; que sur cette condamnation la SCI Rocca Invest a versé la somme de 15.000 € ; qu'en défense la société Etty invoque le fait qu'à défaut d'être indemnisée des désordres affectant l'aménagement du local commercial et de la perte d'exploitation elle n'a pas pu reprendre son activité et le fait qu'ayant malgré tout repris l'exploitation en mai 2010 de nouveaux désordres sont survenus ; que cependant, elle ne s'oppose pas à la demande tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire ; que la résiliation du bail sera donc constatée, l'expulsion de la société Etty ordonnée et une indemnité fixée ;

1/ ALORS QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'une clause résolutoire ne peut produire effet si elle est mise en oeuvre de mauvaise foi par le bailleur ; que dans ses conclusions d'appel, la société Etty faisait expressément valoir que le commandement de payer les arriérés de loyers, à hauteur de 19.525,80 euros, avait été délivré le 12 février 2010 à la suite du rapport d'expertise judiciaire en date du 23 septembre 2009, sur le fondement duquel le juge des référés avait, par ordonnance du 8 juin 2010, condamné la SCI Rocca Invest à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices matériels et de sa perte d'exploitation, à la suite des manquements de cette dernière à son obligation d'assurer à la locataire la jouissance paisible des locaux loués ; que la SCI Rocca Invest, nécessairement consciente des préjudices subis par sa locataire résultant de son manquement précité, dont elle savait lui devoir réparation, et de l'impossibilité pour la société Etty de procéder à la fois à des travaux de réparation et au paiement des loyers en l'état de ses difficultés financières résultant de l'absence d'exploitation depuis le mois d'octobre 2007, avait donc délivré de mauvaise foi le commandement de payer du 12 février 2010 ; qu'en déclarant acquise la clause résolutoire, aux motifs inopérants que des « présomptions de mauvaise foi ne pouvaient être retenues à l'encontre de la SCI qui n'avait délivré son commandement que plusieurs après l'inexécution par la locataire de son obligation de paiement des loyers », sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la connaissance par la SCI Rocca Invest de son manquement à son obligation de jouissance paisible, des sommes qu'elle devait à la société Etty en réparation de ses préjudices et des difficultés consécutives de cette dernière pour régler les loyers, ne caractérisait pas la mauvaise foi de la SCI dans la délivrance du commandement litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 alinéa 3 du code civil et L. 145-41 du code de commerce ;

2/ ALORS QUE, en toute hypothèse, le titulaire d'un bail commercial peut solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision passée en force de chose jugée ; que cette demande, qui tend à faire écarter la demande du bailleur en constatation de la résiliation du bail, peut être formée pour la première fois en appel ; que dans ses conclusions d'appel, la société Etty sollicitait expressément de voir suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'au 8 juin 2010, date à laquelle était intervenue la compensation entre les sommes dues par la société Etty au titre des arriérés de loyers et l'indemnité provisionnelle due à celle-ci par la SCI Rocca Invest en exécution de l'ordonnance de référé du 8 juin 2010 ; qu'en se bornant à retenir qu'aucune compensation avec une créance liquide et exigible dont aurait disposé la société Etty à l'encontre de la société Rocca Invest ne pouvait être opposée par celle-ci à celle-là, sans examiner la demande de suspension des effets de la clause résolutoire jusqu'au 8 juin 2010 formée par la société Etty en appel, en l'absence de constatation de la résiliation du bail par une décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-41 du code de commerce et 1244-1 du code civil ;

3/ ALORS QUE, en toute hypothèse, le titulaire d'un bail commercial peut solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision passée en force de chose jugée ; que cette demande, qui tend à faire écarter la demande du bailleur en constatation de la résiliation du bail, peut être formée pour la première fois en appel ; que dans ses conclusions d'appel, la société Etty sollicitait expressément de voir suspendre les effets de la clause résolutoire visée au commandement du 12 février 2010 et de lui voir accorder un délai de 6 mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir pour se libérer du solde des causes du commandement ; qu'en retenant que le juge n'avait pas le pouvoir de ne pas constater le jeu de la clause résolutoire dès lors que les conditions de sa mise en jeu étaient réunies et qu'en l'espèce, la violation de l'obligation contractuelle de payer les loyers était établie, de sorte qu'il convenait de constater le jeu de la clause résolutoire depuis le 12 mars 2010, sans examiner cette demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par la société Etty en appel, en l'absence de constatation de la résiliation du bail par une décision passée en force de chose jugée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile."