Préemption et rétrocession (lundi, 14 novembre 2016)

Voici un arrêt rendu en matière de demande de rétrocession et/ou de dommages et intérêts par une propriétaire qui avait constaté que l'État avait exercé son droit de préemption à l'égard d'une parcelle lui appartenant, puis que cette parcelle avait été cédée à plusieurs reprises avant de revenir à des particuliers. La propriétaire faisait valoir que la parcelle n'avait pas été affectée à l'opération d'urbanisme pour laquelle elle avait été préemptée et réclamait donc la rétrocession de cette parcelle et subsidiairement des dommages et intérêts.

 

Ces demandes sont rejetées, la Cour de cassation considérant qu'il n'existait à l'époque aucune obligation de rétrocéder et que la propriétaire ayant vendu son bien ne pouvait prétendre avoir subi un préjudice du fait d'une plus-value qu'elle n'aurait pas pu percevoir.

 

 

"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 21 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 décembre 2011, pourvoi n° 08-18.711), qu’en 1969, Mme Y…, propriétaire d’une parcelle à usage agricole située dans une zone d’aménagement différé, a adressé à l’Etat une déclaration d’intention d’aliéner ; que l’Etat, exerçant son droit de préemption, a acquis cette parcelle pour un prix accepté par la venderesse ; qu’en 1982, l’Etat a cédé cette parcelle à la Société d’aménagement du Biterrois et de son littoral (Sebli), laquelle l’a, en 1999, revendue à la commune d’Agde ; que la commune a, en 2003, revendu cette parcelle aux consorts Z… ; qu’en 2004, Mme Y…, faisant valoir que la parcelle n’avait pas été affectée à l’opération d’urbanisme pour laquelle elle avait été préemptée, a assigné l’Etat, la Sebli et la commune d’Agde en rétrocession et, subsidiairement, en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande indemnitaire alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne a droit au respect de ses biens ; que, dans ses conclusions d’appel, Mme Y… faisait valoir que le terrain dont elle était propriétaire a fait l’objet d’une décision de préemption en vue de la réalisation d’une opération d’urbanisme ayant pour objet de lutter contre la spéculation immobilière qui n’a jamais reçu ne serait-ce qu’un commencement d’exécution, que l’immeuble a fait l’objet, entre 1969 et 2003, de quatre mutations successives qui ont abouti à en attribuer la propriété à une personne privée, qu’à aucun moment, la rétrocession du bien préempté ne lui a été proposée et qu’elle a, en définitive, été privée de la plus-value du terrain dont la valeur a été multipliée par trente au cours de la période considérée ; qu’à défaut d’avoir recherché, comme elle y était invitée, si ces circonstances ne caractérisaient pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme Y… au respect de ses biens, la cour d’appel, qui n’a pas exercé le contrôle de proportionnalité qui relevait de son office, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu’en examinant la responsabilité des personnes publiques entre les mains duquel la propriété du terrain ayant fait l’objet de la décision de préemption était successivement passée à l’aune des seules règles de droit interne, sans répondre au moyen tiré de la violation de l’article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant retenu, par des motifs non critiqués, exactement qu’aucune disposition du code de l’urbanisme alors applicable n’imposait au titulaire du droit de préemption et aux acquéreurs successifs de proposer la rétrocession du bien préempté à l’ancien propriétaire et souverainement qu’aucune faute n’était caractérisée à l’encontre de l’Etat, de la Sebli ou de la commune d’Agde et relevé que Mme Y… avait pris l’initiative de céder son terrain, ce dont il résultait que la perte de la plus-value générée par celui-ci après l’exercice du droit de préemption ne saurait constituer une atteinte portée aux droits du propriétaire initial protégés par l’article premier du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision en rejetant la demande de dommages-intérêts formée par Mme Y… ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi."