Préemption du locataire et commission d'agence (mercredi, 21 octobre 2015)

Voici un arrêt qui approuve une cour d'appel d'avoir considéré que l'inclusion, par erreur, dans le prix de vente proposé par un congé aux fins de vente à un locataire ne peut avoir eu pour effet en l'espèce de rendre nul ce congé.

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 novembre 2013), que M. X... et Mme Y... (les consorts X...), propriétaires d'un logement donné à bail à M. et Mme Z..., leur ont délivré un congé avec offre de vente au prix de 190 000 euros frais d'agence inclus ; que M. et Mme Z... ont initialement accepté cette offre puis proposé d'acquérir le bien au prix de 140 000 euros ; que les consorts X... ont refusé cette proposition et les ont, à l'issue du congé, assignés en validation du congé et en expulsion ;

 

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de valider le congé et d'ordonner leur expulsion, alors, selon le moyen :

 

1°/ que le locataire titulaire d'un droit de préemption acceptant l'offre de vente du bien qu'il habite qui n'a pas à être présenté par l'agent immobilier, mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les bailleurs ont fait signifier le 11 mars 2011 à leur locataire un congé avec offre de vente pour le prix de 190 000 euros, frais d'agence inclus ; qu'en refusant de prononcer la nullité de ce congé, la cour d'appel a violé l'article 15- II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

 

2°/ que lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée ; le congé vaut offre de vente au profit du locataire ; d'où il suit que le congé avec offre de vente incluant une commission d'agence dont le locataire ne peut se voir imposer le paiement est entaché d'une nullité de fond sans que le locataire ait à justifier d'un grief que lui causerait cette irrégularité ; qu'en écartant la nullité du congé irrégulier, au motif que l'intégration de la commission dans le prix demandé n'a eu aucune incidence sur l'exercice du droit de préemption pour les locataires, a violé l'article 15 II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et l'article 114 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que si le locataire, titulaire d'un droit de préemption, qui accepte l'offre de vente du bien qu'il habite ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien, le prononcé de la nullité du congé suppose, en application de l'article 114 du code de procédure civile, la preuve d'un grief, et souverainement retenu que l'intégration de la commission dans le prix demandé n'avait eu aucune incidence sur l'exercice du droit de préemption par M. et Mme Z... qui n'avaient subi aucun préjudice, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la demande d'annulation du congé devait être rejetée ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Ghestin ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quinze.

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Z....

 

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR validé le congé délivré le 11 mars 2011 à effet du 1er octobre 2011, dit que les époux Z... sont occupants sans droit ni titre à compter de cette date, ordonné leur expulsion et fixé une indemnité d'occupation mensuelle et condamné les époux Z... à payer à Mme Y... et à M. X... la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 

AUX MOTIFS QUE la décision de vendre constitue un motif péremptoire du congé, et la nullité du congé n'est encourue qu'en cas de congé frauduleux caractérisant l'absence d'intention véritable de vendre ; que ce caractère frauduleux peut notamment résulter de la fixation d'un prix dissuasif démontrant le caractère fallacieux du projet, et la volonté de faire obstacle au droit de préemption du preneur ;

 

que tel n'est pas le cas en l'espèce, en effet les locataires se sont initialement portés acquéreurs au prix demandé de sorte qu'ils sont mal venus à soutenir que le prix réclamé est exorbitant, et n'apportent au demeurant aucune pièce à l'appui de leurs affirmations, de nature à démontrer une surestimation excessive du prix demandé ;

 

que par ailleurs, la réalité de l'intention de vendre est démontrée par les pièces versées au dossier, et notamment le fait que Maître A... notaire à Tarascon avait été chargé d'établir le compromis de vente ainsi qu'il résulte d'un courrier de l'agence ORPI du 27 septembre 2011, la vente n'ayant échoué que par l'absence d'obtention de financement pour les acquéreurs ;

 

que les époux Z... soutiennent en second lieu que l'offre de vente est nulle car elle met à leur charge les frais de commission qui ne leur incombe pas ;

 

que l'article 15- II de la loi du 6 juillet 1989 stipule que le congé doit à peine de nullité indiquer le prix de vente et les conditions de la vente projetée ;

 

que s'agissant d'un acte de procédure, la nullité suppose par application de l'article 114 du Code de procédure civile la preuve d'un grief ;

 

que le locataire titulaire d'un droit de préemption acceptant l'offre de vente du bien qu'il habite qui n'a pas à être présenté par l'agent immobilier, mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien ; qu'il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, les locataires étaient informés par les mentions du congé que le prix de 190. 000 € était fixé frais d'agence inclus, de sorte qu'ils ne pouvaient se méprendre sur les conditions de l'opération, qu'ils avaient initialement accepté de payer le prix demandé, et qu'ils ont ultérieurement proposé un prix d'achat de 140. 000 € qui représente un prix très inférieur au prix demandé, fut-ce sans commission, ce qui démontre que l'intégration de la commission dans le prix demandé n'a eu aucune incidence sur l'exercice du droit de préemption par les locataires qui n'ont subi aucun préjudice ;

 

que dans ces conditions, le moyen de nullité sera écarté, et le congé pour vendre délivré le 11 mars 2011 sera validé ;

 

que les époux Z... sont donc occupants sans droit ni titre à la date d'effet du congé soit à compter du 1er octobre 2011, leur expulsion sera ordonnée ;

 

que l'indemnité d'occupation sera fixée à une somme équivalente au loyer outre les charges jusqu'à libération complète des lieux ;

 

1°) ALORS QUE le locataire titulaire d'un droit de préemption acceptant l'offre de vente du bien qu'il habite qui n'a pas à être présenté par l'agent immobilier, mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les bailleurs ont fait signifier le 11 mars 2011 à leur locataire un congé avec offre de vente pour le prix de 190. 000 €, frais d'agence inclus ; qu'en refusant de prononcer la nullité de ce congé, la Cour d'Appel a violé l'article 15- II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;

 

2°) ALORS QUE lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée ; le congé vaut offre de vente au profit du locataire ; d'où il suit que le congé avec offre de vente incluant une commission d'agence dont le locataire ne peut se voir imposer le paiement est entaché d'une nullité de fond sans que le locataire ait à justifier d'un grief que lui causerait cette irrégularité ; qu'en écartant la nullité du congé irrégulier, au motif que l'intégration de la commission dans le prix demandé n'a eu aucune incidence sur l'exercice du droit de préemption pour les locataires, a violé l'article 15 II de la loi n 89-462 du 6 juillet 1989 et l'article 114 du Code de procédure civile."