Secret bancaire et conseil syndical de copropriété (vendredi, 15 mai 2015)

Voici un arrêt qui juge qu'il n'y a pas de violation du secret bancaire quand une banque communique au président d'un conseil syndical de copropriété des informations relatives au fonctionnement du compte ouvert au nom du syndicat des copropriétaires :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 mai 2013), que la société Agence moderne rémoise, syndic de la copropriété de l'immeuble Le Pré aux moines (le syndic), a ouvert un compte dans les livres de la Caisse de crédit mutuel Reims Saint-Rémi (la Caisse) ; qu'estimant que cette dernière avait violé le secret bancaire en transmettant des informations relatives au fonctionnement de ce compte au président du conseil syndical du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Pré aux moines (le syndicat), le syndic l'a assignée en responsabilité ;

Attendu que le syndic fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le secret bancaire s'applique à tous les faits que le client, titulaire du compte, a confiés à l'établissement de crédit dans l'exercice ou à l'occasion de son activité professionnelle ; qu'en décidant que le secret bancaire n'interdisait pas à la Caisse d'informer le conseil syndical du syndicat de l'erreur commise par son syndic qui a déposé les fonds relevant de la gestion du syndicat de copropriété, non sur un compte individualisé, comme le prévoit l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, mais sur un sous-compte lui appartenant et dont le syndic était seul titulaire, d'autant que ce compte enregistre les opérations de gestion de la copropriété, quand le secret bancaire lui interdisait d'informer le syndicat d'une telle irrégularité sans l'autorisation du syndic qui était seul titulaire du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 511-33 du code monétaire et financier ;

2°/ que l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans est étranger aux règles de la responsabilité civile ; qu'en décidant que le syndic ne pouvait pas davantage se prévaloir de la prétendue irrégularité qu'elle avait commise en raison de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans en déposant les fonds relevant de la gestion du syndicat de copropriété, non sur un compte individualisé, comme le prévoit l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, mais sur un sous-compte lui appartenant et dont le syndic était seul titulaire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en refusant d'évaluer le préjudice subi par le syndic en considération de l'absence de base ou de calcul justificatif, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ qu'une personne morale est susceptible d'éprouver un préjudice moral dont elle est fondée à poursuivre la réparation ; qu'en décidant que le syndic n'avait subi aucun préjudice dès lors qu'il était resté le syndic du syndicat sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le préjudice moral qu'il avait subi et qui était consécutif à l'atteinte portée à sa réputation et au dénigrement dont il avait été victime, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le compte litigieux, intitulé "AMR copropriété Pré aux Moines (société à responsabilité limitée) 1, rue des Marmouzets, 51100 Reims", n'était pas un compte séparé au sens de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 et relevé qu'il enregistrait exclusivement les opérations de gestion de la copropriété de la résidence Le Pré aux moines, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième à quatrième branches, en a exactement déduit que le secret bancaire ne s'opposait pas à la communication, au syndicat, d'informations sur le fonctionnement de ce compte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Agence moderne rémoise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la Caisse de crédit mutuel Reims Saint-Rémi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Agence moderne rémoise

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté l'action en responsabilité que la société AMR avait exercée contre la CAISSE DE CREDIT MUTUEL REIMS SAINT REMI ;

AUX MOTIFS QUE l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose qu'indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la loi ou par une délibération de l'assemblée générale, le syndic est notamment chargé d'ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat ; qu'en l'espèce, il est constant qu'en sa qualité de syndic de la copropriété de la résidence "LE PRE AUX MOINES", la société AMR a ouvert le 14 décembre 1993 dans les livres de la CAISSE un compte intitulé « AMR copropriété Pré aux Moines (société à responsabilité limitée) 1, rue des Marmouzets, 51100 Reims » ; que ce compte ne répond pas à l'exigence d'un compte séparé posée par l'article 18 de la loi du 10 juillet 1966 tel qu'il vient d'être rappelé, son titulaire apparaissant être le syndic, et non le syndicat de copropriété, comme cela devrait pourtant être le cas ; qu'il en résulte que la société AMR, qui est pourtant une professionnelle de la gestion immobilière, a failli à ses obligations légales en ouvrant le compte sous cet intitulé, et en s'abstenant de la rectifier au cours des années ; que ce sont des documents relatifs à ce compte qui ont été communiqués par l'établissement bancaire directement au syndicat de copropriété ; que si , certes, ce n'était pas formellement le titulaire du compte suite à l'erreur commise par la société AMR, il n'en demeure pas moins que c'est bien lui qui aurait dû en être le titulaire si l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 avait été dûment appliqué, et que c'est par son courrier de demande d'explications et de pièces du 6 mars 2009 que l'irrégularité n'a pu être mise à jour ; que la communication au syndicat de copropriété des éléments relatifs à ce compte participe donc à la régularisation d'une situation illégale, et ne relève des lors pas de la violation du secret bancaire, alors au surplus qu'il n'est pas contesté que le compte litigieux enregistrait exclusivement les opérations de gestion de la copropriété ; qu'au surplus, en vertu de l'adage selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, la société AMR est mal fondée à invoquer sa propre violation des règles légales pour rechercher la responsabilité de la banque ; qu'enfin, et comme l'avaient à juste titre relevé les premiers juges, le préjudice revendiqué ne repose sur aucune base ou début de calcul justificatif, alors par ailleurs que la société AMR est toujours restée le syndic de la copropriété le PRE AUX MOINES sans baisse de sa rémunération ; que le jugement déféré, qui a néanmoins considéré la violation du secret bancaire comme établie et qui l'a sanctionnée par l'octroi de dommages et intérêts de principe, devra être infirmé en toutes ses dispositions, et le société AMR sera déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

1. ALORS QUE le secret bancaire s'applique à tous les faits que le client, titulaire du compte, a confiés à l'établissement de crédit dans l'exercice ou à l'occasion de son activité professionnelle ; qu'en décidant que le secret bancaire n'interdisait pas à la CAISSE d'informer le conseil syndical du syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE PRE AUX MOINES de l'erreur commise par son syndic qui a déposé les fonds relevant de la gestion du syndicat de copropriété non sur un compte individualisé, comme le prévoit l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, mais sur un sous-compte lui appartenant et dont le syndic était seul titulaire, d'autant que ce compte enregistre les opérations de gestion de la copropriété, quand le secret bancaire lui interdisait d'informer le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE PRE AUX MOINES d'une telle irrégularité sans l'autorisation de la société AMR qui était seul titulaire du compte, la cour d'appel a violé l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier ;

2. ALORS QUE le principe de non-ingérence interdit au banquier de se substituer à son client dans la conduite de ses affaires ; qu'il s'ensuit que le principe de non-ingérence interdisait au banquier de se substituer à son client, la société AMR, pour informer les membres du conseil syndical du syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE PRE AUX MOINES de l'irrégularité de l'ouverture du compte au nom du syndic, en méconnaissance de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 et de son fonctionnement ; qu'en décidant que la violation par le syndic de l'article 18 précité permettait au banquier d'en prévenir le syndicat des copropriétaires dès lors que la société AMR a déposé les fonds relevant de la gestion du syndicat de copropriété non sur un compte individualisé, comme le prévoit l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, mais sur un sous-compte lui appartenant et dont le syndic était seul titulaire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

3. ALORS QUE l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans est étranger aux règles de la responsabilité civile ; qu'en décidant que la société AMR ne pouvait pas davantage se prévaloir de la prétendue irrégularité qu'elle avait commise en raison de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans en déposant les fonds relevant de la gestion du syndicat de copropriété non sur un compte individualisé, comme le prévoit l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, mais sur un sous-compte lui appartenant et dont le syndic était seul titulaire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

4. ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en refusant d'évaluer le préjudice subi par la société AMR en considération de l'absence de base ou de calcul justificatif, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

5. ALORS QU'une personne morale est susceptible d'éprouver un préjudice moral dont elle est fondée à poursuivre la réparation ; qu'en décidant que la société AMR n'avait subi aucun préjudice dès lors qu'elle était restée le syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE PRE AUX MOINES sans s'expliquer, comme elle y était invitée (conclusions, p. 2 et 3) sur le préjudice moral qu'elle avait subi et qui était consécutif à l'atteinte portée à sa réputation et au dénigrement dont elle avait été victime, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil."