Garantie de parfait achèvement et marché public de construction (dimanche, 14 décembre 2014)

La garantie de parfait achèvement s'applique à un marché public :

 

"Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 8 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Nantes, représentée par son maire ; la commune de Nantes demande au Conseil d'Etat :

 

1°) d'annuler l'arrêt n° 12NT00426 du 16 mai 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que, après avoir annulé le jugement n° 0901004 du 9 décembre 2011 du tribunal administratif de Nantes condamnant la société Tennis et sols à lui verser 50 000 euros d'indemnité au titre des désordres affectant le revêtement de sol du gymnase Ripossière, elle a limité à 4 870,40 euros TTC la somme que cette société est condamnée à lui verser, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2009 et de leur capitalisation à compter du 16 janvier 2010, sous réserve de la déduction de la somme versée au titre de la provision accordée par l'ordonnance n° 0903650 du 26 août 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ; 

 

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la société Tennis et sols à lui verser, d'une part, une indemnité de 132 498,14 euros au titre de l'indemnisation du coût des travaux de reprise du sol du gymnase de Ripossière, et, d'autre part, une somme de 7 000 euros au titre de l'indemnisation des troubles de jouissance, le tout, augmenté des intérêts légaux à compter du 16 janvier 2009 et dus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil ;

 

3°) de mettre à la charge de la société Tennis et sols le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens y compris la contribution pour l'aide juridique ;

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu le code des marchés publics ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Vincent Montrieux, maître des requêtes en service extraordinaire, 

 

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

 

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Nantes, et à Me Foussard, avocat de la société Tennis et sols ;

 

 

 

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, compte tenu de désordres apparus sur le revêtement de sol du gymnase Ripossière, après la réalisation de travaux de rénovation dans le cadre d'un marché conclu avec la société Tennis et sols, la commune de Nantes a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de cette société au versement d'une somme de 119 600 euros au titre des travaux de reprise et de 7 000 euros au titre des troubles de jouissance ; que la commune se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 16 mai 2013 en tant que, après avoir annulé pour irrégularité le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 décembre 2011 condamnant la société Tennis et sols à lui verser la somme de 50 000 euros, elle a limité à 4 870,40 euros TTC la somme que devait lui verser cette société sur un fondement contractuel ; 

 

Sur la garantie décennale :

 

2. Considérant que la cour, pour rejeter les conclusions de la commune présentées sur le fondement de la garantie décennale, a suffisamment motivé son arrêt en indiquant que les désordres litigieux n'entraient pas dans le champ de la garantie décennale dès lors que les désordres constatés n'étaient pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

 

Sur la responsabilité contractuelle :

 

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

 

3. Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes, en estimant, pour rejeter sa demande d'indemnisation de ses troubles de jouissance sur un fondement contractuel, que la commune de Nantes n'établissait pas avoir été dans l'obligation de fermer la salle de sport pour une raison autre que celle tenant au caractère glissant du revêtement du sol, lequel résultait seulement d'un entretien mal adapté, et qu'elle n'apportait aucun justificatif émanant de clubs sportifs ou de fédérations sportives se plaignant des boursouflures et du défaut de planéité imputables à la société Tennis et sols, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation ; 

 

En ce qui concerne les travaux de reprise :

 

4. Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes a engagé la responsabilité de la société Tennis et sols sur le fondement de la garantie de parfait achèvement prévue à l'article 44 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux, qu'elle a estimé applicable au marché ; qu'en vertu d'une telle garantie prévue pendant une durée d'un an à compter de la réception des travaux et résultant du contrat, le constructeur est tenu de remédier aux désordres signalés dans ce délai afin de rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché ; qu'il ressort des énonciations non contestées sur ce point de l'arrêt, que la cour a retenu l'existence de désordres affectant le revêtement de sol du gymnase, imputé ces désordres à l'absence des travaux de ragréage de la dalle de béton prévus au contrat ainsi qu'à la mauvaise préparation du support et estimé, en conséquence, que la société Tennis et sols devait assumer la charge des travaux de reprise relevant de la garantie de parfait achèvement ; qu'il résulte de cette appréciation que la société Tennis et sols devait réaliser les travaux de reprise permettant de rendre le revêtement de sol conforme aux prévisions du marché ; qu'ainsi, en évaluant le préjudice subi par la commune au titre des travaux de reprise qu'elle a dû faire exécuter uniquement au coût des travaux permettant de faire disparaître les manifestations des désordres, c'est-à-dire les boursouflures et autres défauts de planéité, sans prendre en considération le coût de l'ensemble des travaux nécessaires pour rendre le revêtement de sol conforme aux prévisions du marché et impliquant notamment un ragréage et non un simple traitement des manifestations des désordres, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé en tant qu'il limite l'indemnisation au titre des travaux de reprise à la somme de 4 870,40 euros, laquelle ne prend pas en considération le coût de l'ensemble des travaux de reprise nécessaires à une mise en conformité du revêtement de sol aux prévisions du marché ; 

 

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tennis et sols la somme globale de 3 000 euros à verser à la commune de Nantes, au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Nantes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

 

 

 

D E C I D E :

 

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 16 mai 2013 est annulé en tant qu'il limite l'indemnisation au titre des travaux de reprise du revêtement de sol du gymnase Ripossière à la somme de 4 870,40 euros.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La société Tennis et sols versera une somme globale de 3 000 euros à la commune de Nantes au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Les conclusions présentées par la société Tennis et sols au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées."

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Nantes et à la société Tennis et sols.