Vidéosurveillance, copropriété et trouble manifestement illicite (mercredi, 16 juillet 2014)

Voici un arrêt qui juge que les travaux d'installation du système de vidéo surveillance mis en place par un copropriétaire, en dehors de tout consentement donné par les copropriétaires compromet de manière intolérable les droits détenus par chacun d'eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes,  et que cette installation constitue un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée sa dépose :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 24 février 2010), rendu en matière de référé, que le syndicat des copropriétaires de La Colline du Scudo lot 36 a assigné en référé les époux X..., propriétaires de la villa n° 6, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, pour obtenir leur condamnation sous astreinte à l'enlèvement du système de vidéo surveillance et de la lampe à déclenchement automatique qu'ils avaient installé sur leur lot et dirigés vers un chemin, partie commune ;

 

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

 

Attendu que les époux X... n'ayant jamais invoqué devant les juges du fond l'irrecevabilité de l'action du syndicat faute d'intérêt collectif à défendre, le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau et partant irrecevable ;

 

Sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

 

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de dire que l'installation de leur système de vidéo surveillance constitue un trouble manifestement illicite et d'ordonner la dépose du système sous astreinte, alors, selon le moyen :

 

1°/ que l'atteinte au respect dû à l'image d'une personne n'est constituée que si cette personne est identifiable et si sa représentation est rendue publique ; que les données recueillies par le système de vidéo surveillance posé par les époux X..., dont l'usage est limité à la seule surveillance des lieux où il est installé, sans être rendues publiques, et dont la destruction est assurée dans un bref délai de 15 jours, ne constituent pas un trouble manifestement illicite en ce qu'elles ne portent pas atteinte au respect dû à l'image de ceux qui sont susceptibles d'être filmés, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil ;

 

2°/ qu'en tout état de cause, l'atteinte à la vie privée est justifiée par la protection d'autres intérêts qui lui sont contraires, dès lors que cette atteinte est proportionnée à ces intérêts ; qu'en l'espèce, l'installation d'un système de vidéo surveillance dans les parties privatives d'un copropriétaire n'est qu'une riposte à des menaces à l'intégrité physique et à des dégradations de biens par certains copropriétaires voisins ; que le risque d'être filmé par les uns est proportionné aux risques encourus par les autres, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 9 du code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant retenu que les travaux d'installation du système de vidéo surveillance mis en place par les époux X..., en dehors de tout consentement donné par les copropriétaires compromettaient de manière intolérable les droits détenus par chacun d'eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes, la cour d'appel a pu en déduire, sans violer l'article 9 du code civil ni les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que cette installation constituait un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée sa dépose ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres branches du second moyen, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne les époux X... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille onze.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

 

Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour les époux X....

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION 

 

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR accueilli la demande du Syndicat des copropriétaires la Colline du Scudo Lot 36 et d'AVOIR, en conséquence, ordonné aux époux X... d'opérer la dépose du système de vidéo-surveillance couplé à un projecteur à déclenchement automatique, sous astreinte ;

 

AUX MOTIFS QUE les époux X... ont installé sur leur lot privatif un dispositif de vidéo-surveillance composé d'une caméra haute définition située dans une pièce de leur habitation et d'un projecteur doté d'un détecteur de présence implanté sur le mur d'enceinte de leur propriété ; que chaque copropriétaire dispose du droit d'user et de jouir librement des parties privatives comprises dans un lot sous la condition, cependant et notamment, de ne pas atteinte aux droits collectifs des autres copropriétaires sauf à commettre un abus que le syndicat, gardien de l'intérêt général de la copropriété, serait en droit de faire cesser ; que les époux X... ne remettent pas en cause la disposition de l'ordonnance entreprise selon laquelle le champ de surveillance de la camera qu'ils ont installée couvre de manière incontestable des parties communes et peut, donc, filmer certains copropriétaires circulant sur le chemin privé conduisant au domicile de chacun d'eux ; qu'en tout état de cause, ils reconnaissent dans leurs écritures d'appel que cette caméra permet de filmer non seulement la place de stationnement de leurs véhicules automobiles située devant leur lot mais encore et surtout une partie de la voie incluse dans le périmètre de la copropriété et constituant un élément des parties communes ; que les travaux d'installation du système de vidéo-surveillance par les époux X... exécutés dans leur intérêt exclusif, soit la sauvegarde de leurs biens et l'identification des auteurs des dégradations de ceux-ci, ont une incidence directe sur l'ensemble des autres copropriétaires dont le droit au respect de la vie privée est atteint à chaque fois qu'ils empruntent la partie commune du chemin couvert par la caméra ; que l'installation du dispositif de vidéo-surveillance cause en conséquence à la collectivité des copropriétaires un trouble manifestement illicite en ce qu'elle excède les inconvénients normaux de voisinage, s'impose en dehors de tout consentement donné par les utilisateurs du chemin et compromet de manière intolérable les droits détenus par chacun d'eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes ;

 

ALORS QU'un syndicat de copropriétaires ne peut agir en justice qu'en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble lorsqu'il a été porté atteinte à l'intérêt collectif des copropriétaires ; que le préjudice est collectif lorsqu'il prend sa source dans les parties communes et qu'il affecte les parties privatives d'un ou plusieurs lots ; que la vie privée de certains copropriétaires ne saurait constituer l'intérêt collectif que le syndicat des copropriétaires a qualité à défendre en justice, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 31 du Code de procédure civile et l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION 

 

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'installation du système de vidéo-surveillance par les époux X... constitue un trouble manifestement illicite et d'AVOIR, en conséquence, ordonné à M. et Mme X... d'opérer la dépose du système de vidéo-surveillance couplé à un projecteur à déclenchement automatique sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

 

AUX MOTIFS QUE les époux X... ont installé sur leur lot privatif un dispositif de vidéo-surveillance composé d'une caméra haute définition située dans une pièce de leur habitation et d'un projecteur doté d'un détecteur de présence implanté sur le mur d'enceinte de leur propriété ; que chaque copropriétaire dispose du droit d'user et de jouir librement des parties privatives comprises dans un lot sous la condition, cependant et notamment, de ne pas atteinte aux droits collectifs des autres copropriétaires sauf à commettre un abus que le syndicat, gardien de l'intérêt général de la copropriété, serait en droit de faire cesser ; que les époux X... ne remettent pas en cause la disposition de l'ordonnance entreprise selon laquelle le champ de surveillance de la camera qu'ils ont installée couvre de manière incontestable des parties communes et peut, donc, filmer certains copropriétaires circulant sur le chemin privé conduisant au domicile de chacun d'eux ; qu'en tout état de cause, ils reconnaissent dans leurs écritures d'appel que cette caméra permet de filmer non seulement la place de stationnement de leurs véhicules automobiles située devant leur lot mais encore et surtout une partie de la voie incluse dans le périmètre de la copropriété et constituant un élément des parties communes ; que les travaux d'installation du système de vidéo-surveillance par les époux X... exécutés dans leur intérêt exclusif, soit la sauvegarde de leurs biens et l'identification des auteurs des dégradations de ceux-ci, ont une incidence directe sur l'ensemble des autres copropriétaires dont le droit au respect de la vie privée est atteint à chaque fois qu'ils empruntent la partie commune du chemin couvert par la caméra ; que l'installation du dispositif de vidéo-surveillance cause en conséquence à la collectivité des copropriétaires un trouble manifestement illicite en ce qu'elle excède les inconvénients normaux de voisinage, s'impose en dehors de tout consentement donné par les utilisateurs du chemin et compromet de manière intolérable les droits détenus par chacun d'eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes ; que le motif invoqué par les époux X... et lié à la recherche des auteurs des malveillances commises à leur endroit, fût-il légitime, ne peut pas cependant justifier l'installation litigieuse au mépris des droits fondamentaux des tiers, peu importe à cet égard la pose d'une affiche à proximité des véhicules destinée à avertir quiconque de l'existence de ce dispositif de surveillance, l'information donnée à la CNIL à ce titre et la mise à disposition éventuelle des enregistrements au service du parquet ;

 

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge des référés ne peut ordonner de mesures propres à faire respecter la vie privée qu'au seul cas d'atteinte à l'intimité de la vie privée et s'il y a urgence ; que l'installation d'un système de vidéo-surveillance dans une partie privative, dont l'existence est signalée par un affichage et est conforme aux prescriptions légales, ne porte pas atteinte à l'intimité de la vie privée dès lors que ce système ne permet de filmer qu'une partie du chemin conduisant au domicile de certains copropriétaires ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 9 alinéa 2 du Code civil et 809 du Code de procédure civile ;

 

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Cour d'appel, qui n'a constaté aucun fait caractéristique d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 alinéa 2 du Code civil et 809 du Code de procédure civile ;

 

ALORS, ENSUITE, QUE l'atteinte au respect dû à l'image d'une personne n'est constituée que si cette personne est identifiable et si sa représentation est rendue publique ; que les données recueillies par le système de vidéo-surveillance posé par les époux X..., dont l'usage est limité à la seule surveillance des lieux où il est installé, sans être rendues publiques, et dont la destruction est assurée dans un bref délai de 15 jours, ne constituent pas un trouble manifestement illicite en ce qu'elles ne portent pas atteinte au respect dû à l'image de ceux qui sont susceptibles d'être filmés, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 9 du Code civil ;

 

ALORS, ENFIN, et en tout état de cause, QUE l'atteinte à la vie privée est justifiée par la protection d'autres intérêts qui lui sont contraires, dès lors que cette atteinte est proportionnée à ces intérêts ; qu'en l'espèce, l'installation d'un système de vidéo-surveillance dans les parties privatives d'un copropriétaire n'est qu'une riposte à des menaces à l'intégrité physique et à des dégradations de biens par certains copropriétaires voisins ; que le risque d'être filmé par les uns est proportionné aux risques encourus par les autres, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 9 du Code civil."