Empiétement, bonne foi et démolition (mercredi, 25 juin 2014)

L'empiètement entraîne la démolition même si le constructeur voisin est de bonne foi :

 

"Sur le pourvoi formé par :

 

1 / M. Bernard Z..., demeurant 15, Place des Tilleuls, 94100 Saint-Maur-des-Fossés,

 

2 / Mme Nathalie Z..., née D..., demeurant 15, Place des Tilleuls, 94100 Saint-Maur-des-Fossés,

 

en cassation d'un arrêt rendu le 4 avril 1997 par la cour d'appel de Paris (23ème chambre civile, section B), au profit :

 

1 / de Mme Muriel A... épouse Y..., demeurant ...,

 

2 / de la compagnie assurances générales de France "A G F", société anonyme, dont le siège est ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège,

 

3 / de M. X... David, demeurant ...,

 

4 / de la M A A F, dont le siège est : Chaban de Chauray, 79036 Niort,

 

5 / de M. Jean-François B..., demeurant ...,

 

6 / de M. Gelindo C..., demeurant ...,

 

7 / de la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics "S M A B T P", dont le siège est ..., et également Immeuble Le Chanzy, 18, avenue Winston Churchill, 94227 Charenton-le-Pont,

 

défendeurs à la cassation ;

 

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

 

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 février 1999, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Di Marino, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, conseiller doyen, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;

 

Sur le rapport de Mme Di Marino, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des époux Z..., de Me Choucroy, avocat de la S M A B T P, de Me Ricard, avocat de Mme A..., de Me Vuitton, avocat de la compagnie A G F, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Sur le moyen unique :

 

Vu l'article 545 du Code civil ;

 

Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ;

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 1997), que les époux Z... ont, après expertise ordonnée par le juge des référés, assigné Mme Y..., propriétaire d'un pavillon voisin, à laquelle ils reprochaient d'avoir édifié des constructions empiétant sur leur fonds, afin d'en obtenir la démolition ;

 

Attendu que pour débouter les époux Z... de leur demande, l'arrêt qui constate qu'une partie de la semelle de fondation de l'immeuble voisin empiète sur le fonds des époux Z... pour une longueur de 0 mètre 30 et une hauteur de 0 mètre 40, retient que cet empiètement, qui se situe au niveau du sous-sol de leur pavillon, ne compromet pas leur projet d'extension et n'est pas de nature à diminuer la valeur vénale de leur bien, après les reprises préconisées par l'expert, que la démolition de partie de la semelle déstabiliserait gravement le pavillon de Mme Y... alors que l'expert relève que celle-ci est de bonne foi et que si aucun accord n'est intervenu entre les parties, les époux Z... avaient, avant d'opter pour la démolition, considéré que leurs droits n'étaient pas incompatibles avec le maintien de l'empiètement sous réserve d'un accord sur l'indemnisation de leur préjudice ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que l'empiètement sur la propriété d'autrui suffit à caractériser la faute, la bonne foi du constructeur étant indifférente, et que la démolition de la construction reposant sur le fonds voisin doit être ordonnée quand le propriétaire de ce fonds l'exige, quelle que soit l'importance de cet empiètement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux Z... de leur demande en démolition de la partie de l'immeuble de Mme Brodhag sur leur fonds, l'arrêt rendu le 4 avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

 

Condamne in solidum Mme Y..., les AGF, M. X..., la MAAF, M. B..., M. C... et la SMABTP aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des AGF ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf."