Un acte de pure faculté de simple tolérance ne peut fonder ni possession ni prescription (mercredi, 18 juin 2014)

Un acte de pure faculté de simple tolérance ne pouvait fonder ni possession ni prescription, selon cet arrêt :

 

 

"Attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a souverainement retenu, sans dénaturation, qu'il ressortait des attestations des premiers habitants de l'immeuble que la jouissance du jardin situé sous les fenêtres de son appartement avait été verbalement consentie à Mme X..., au titre d'une simple tolérance et sans lui donner vocation à devenir propriétaire d'un droit réel de jouissance, exclusif et perpétuel, a, sans violer les articles 1, 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965 ni l'article 1134 du code civil, légalement justifié sa décision ;

 

 

 

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, à bon droit, qu'un acte de pure faculté de simple tolérance ne pouvait fonder ni possession ni prescription, la cour d'appel en a exactement déduit que Mme X... ne pouvait se voir reconnaître un droit exclusif et perpétuel de jouissance sur ce jardin ;

 

 

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

 

REJETTE le pourvoi ;

 

 

 

Condamne les consorts X... aux dépens ;

 

 

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 43 rue du Docteur Rappin la somme de 3 000 euros ;

 

 

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quatorze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

 

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

 

 

 

Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour les consorts X... 

 

 

 

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué AVOIR débouté Mme Léontine X... de ses demandes tendant à voir dire qu'elle était titulaire d'un droit de jouissance exclusif sur le jardinet situé sous ses fenêtres à l'arrière de l'immeuble situé 46 rue du Docteur Rappin à Nantes et d'AVOIR en conséquence débouté Mme Léontine X... de sa demande tendant à voir annuler la délibération n° 13 prise par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble situé 43, rue du Docteur Rappin à Nantes en ce qu'elle avait refusé de reconnaître la jouissance exclusive par Mme X... du jardinet situé sous les fenêtres de cette dernière à l'arrière de l'immeuble ;

 

 

 

AUX MOTIFS ADOPTES D'UNE PART QU'il n'est pas contesté et il résulte du règlement de copropriété établi en 1959 que les cours sont des parties communes, dont les charges sont assurées par la copropriété, quand bien même elles « seraient plutôt à l'usage de certains propriétaires qu'à celui des autres » (article 3 du chapitre V du règlement) ; qu'il n'est pas non plus contesté que, depuis 1958, une portion de la cour située sous les fenêtres de Mme Y... veuve X... a été séparée du reste par une haie dont l'entretien a toujours été assumé par la copropriété ainsi qu'il résulte des attestations versées aux débats et des factures notamment de l'entreprise Nantaise de Parcs et Jardins ; qu'il résulte par ailleurs à la fois des attestations de M. Z..., de Mme A..., M. B..., M. C..., etc. que Mme Y... veuve X... entretient ou fait entretenir ce jardinet depuis 1955 ; qu'elle justifie également d'un entretien pour son compte par l'entreprise Nantaise de Parcs et Jardins depuis 1984 ; que par ailleurs, Mme Y... veuve X... justifie au moyen d'une facture du 31 mars 1984 avoir fait installer un dallage de 62 plaques et des plantations de type végétaux d'ornement ; qu'aujourd'hui, d'après les photographies versées aux débats, le jardinet se présente comme un espace semi-dallé, planté de végétaux d'ornement, supportant un fil à linge et délimité d'une part par les garages et la clôture le séparant des voisins et d'autre part par une haie de thuyas ; que cet espace est accessible par un portillon ; qu'il convient d'observer que le simple fait d'entretenir un espace de jardinet ne constitue pas en soi un acte de possession en ce qu'il n'est pas révélateur en soi de la volonté de s'approprier le bien et de se comporter en propriétaire mais seulement d'un désir de conserver la chose, sans que cette conservation fasse obstacle aux droits des autres propriétaires ; que la pose du dallage pourrait être considérée comme un acte de possession en ce qu'il peut s'analyser comme un acte de construction durable mais que force est de constater que le dallage est posé depuis moins de 30 ans ; qu'il n'est pas établi que la possession par le biais de l'entretien, à la supposer qualifiable ait été continue : l'entretien d'un jardin ne s'effectue pas de manière continue ; que force est de constater qu'à la supposer établie, cette possession revêt, quoi qu'il en soit, un caractère équivoque et non paisible ; qu'en effet, il résulte clairement des attestations de M. Z... et de M. B..., habitants originels de l'immeuble, que s'il avait bien été convenu, entre tous les copropriétaires qu'afin de compenser leur absence de séchoir, les propriétaires des appartements en rez-de-chaussée disposeraient de la jouissance des jardinets de manière définitive, il était bien entendu qu'ils n'en deviendraient pas propriétaires et que ces parcelles demeuraient des parties communes ; qu'en contrepartie de cette jouissance, les propriétaires du rez-de-chaussée devaient entretenir ces espaces ; que l'attestation de Mme A..., habitante de l'immeuble depuis 1957 vient confirmer cette analyse puisqu'elle précise que les haies ont été édifiées afin de permettre aux propriétaires du rez-de-chaussée de bénéficier d'un peu d'intimité afin de pouvoir notamment y étendre leur linge pour compenser leur absence de séchoir ; qu'elle ajoute que, toutefois, par complaisance, ces « personnes » (propriétaires du rez-de-chaussée) acceptent que d'autres occupants de l'immeuble utilisent leurs fils à étendre le linge lorsqu'elles-mêmes n'en auront pas l'usage ; qu'au final, il résulte des attestations versées par Mme Y... veuve X... elle-même que la copropriété a bien entendu lui laisser la jouissance de ce jardinet mais à titre de simple tolérance afin de compenser l'espace plus réduit de son appartement ; qu'au final, il apparaît donc qu'il n'est pas établi que Mme Y... veuve X... ait exercé des actes de possession de manière continue pendant au moins 30 ans sur ce jardinet, au-delà de la simple tolérance qui lui avait été accordée par les autres copropriétaires sans intention d'ôter à cet espace le caractère de partie commune ; que Mme Y... veuve X... n'établissant pas qu'elle ait pu acquérir la jouissance exclusive de cette partie commune par usucapion, elle doit être déboutée de ses demandes ;

 

 

 

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE le syndicat des copropriétaires ne s'oppose pas à ce que Mme Y... veuve X... continue à jouir en fait du jardinet qui se trouve sous ses fenêtres, comme auparavant ; qu'il ne demande pas davantage qu'elle soit privée de cet usage de fait qui lui a été consenti au motif que son appartement, d'une surface plus réduite que d'autres logements dans la résidence, était dépourvu de séchoir à linge ; qu'il résulte néanmoins des attestations de MM. Z... et B... et de Mme A..., habitants de l'immeuble depuis sa construction, en 1955, que cette jouissance lui a été verbalement consentie au titre d'une simple tolérance de la copropriété, sans donner vocation à son bénéficiaire de devenir titulaire d'un droit réel de jouissance, exclusif et perpétuel, d'en devenir propriétaire, la parcelle concernée demeurant une partie commune, tant en ce qui concerne le sol que l'usage de celui-ci ; qu'en application de l'article 2262 du code civil, « les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession, ni prescription » ; que tel est le cas en l'espèce ; que le premier juge a parfaitement rappelé que le simple fait d'entretenir cet espace de jardinet ne suffit pas à caractériser un acte de possession dès lors qu'il ne s'accompagne pas de la volonté non équivoque de se comporter comme un propriétaire exclusif ; qu'il en est de même de la pose d'un carrelage en 1984, soit depuis moins de 30 ans ; que si Mme Y... veuve X... a entretenu ou fait entretenir les plantations qu'elle a faites sur le jardinet, la copropriété a continué à entretenir les espaces verts de la copropriété et spécialement la haie et les murs faisant partie de ce jardinet ; qu'une telle jouissance de la part de Mme X... ne peut donc présenter qu'un caractère équivoque, exclusif de toute possession utile fondant une prescription acquisitive, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la prescription acquisitive du sol et celle de la jouissance exclusive de la parcelle, laquelle est seule revendiquée ; qu'en définitive, Mme X... ne peut se voir reconnaître un droit exclusif et perpétuel de jouissance sur le terrain considéré quand bien même le syndicat des copropriétaires ne s'opposerait pas à lui permettre de continuer à en user, en fait, comme elle l'a toujours fait ;

 

 

 

1/ ALORS QU'en jugeant que l'accord unanime des habitants de l'immeuble, donné à la livraison de ce dernier, en 1955, donné à Mme X... de jouir à titre exclusif du jardinet litigieux pour compenser l'absence de séchoir, ne pouvait conférer un droit de jouissance exclusif et perpétuel, les habitants ayant entendu que Mme X... n'en deviendrait pas propriétaire et que le jardinet resterait partie commune, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée d'un droit de jouissance exclusive sur une partie commune, lequel, s'il n'a pas pour effet de transformer la partie commune en partie privative et ne confère pas à son titulaire un droit privatif sur la chose qui en est l'objet, n'en confère pas moins un droit réel et perpétuel sur cette partie qui reste commune ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1, 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965 ;

 

 

 

2/ ALORS QU'en retenant que le droit de jouissance sur le jardinet dont bénéficiait Mme X... depuis 1955 n'avait été consenti qu'au titre d'une simple tolérance de la copropriété sans donner vocation à son bénéficiaire de devenir titulaire d'un droit réel de jouissance, exclusif et perpétuel, après avoir constaté « qu'il résulte clairement des attestations de M. Z... et de M. B..., habitants originels de l'immeuble, que s'il avait bien été convenu, entre tous les copropriétaires qu'afin de compenser leur absence de séchoir, les propriétaires des appartements en rez-de-chaussée disposeraient de la jouissance des jardinets de manière définitive », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1, 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 1134 du code civil ;

 

 

 

3/ ALORS QU'en se déterminant, pour dire que l'exercice de la jouissance résultait d'une simple tolérance, par le fait que cette jouissance n'avait pas de caractère perpétuel, que Mme X... n'avait pas vocation de devenir propriétaire et que la parcelle concernée demeurait une partie commune, quand, selon ces attestations, toutes les familles habitantes de l'immeuble avaient, à la livraison de celui-ci, donné un accord pour octroyer une jouissance exclusive et définitive sur cette partie commune, la cour d'appel a dénaturé les attestations de M. Vincent, M. B..., Mme A..., violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

 

 

 

4/ ALORS QU'en refusant de retenir un droit de jouissance exclusif de Mme X... sur la partie commune constituée par le jardinet, après avoir relevé que l'ensemble des familles habitant l'immeuble avait, dès la livraison de l'immeuble en 1955, consenti à Mme X... la jouissance du jardinet de manière définitive pour compenser l'absence de séchoir et après avoir constaté qu'il résultait des attestations que Mme X... avait entretenu ou fait entretenir son jardinet depuis 1955 et que, depuis 1984, elle justifiait d'un entretien pour son compte par l'entreprise Nantaise de Parcs et Jardins, ce dont il se déduisait que Mme X... exerçait son droit exclusif sur son jardinet depuis plus de 30 ans, de façon continue, paisible, publique et non équivoque et ensuite d'une autorisation donnée par l'unanimité des habitants de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1, 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 2261 du code civil."