Démolition et droit réel (mercredi, 07 mai 2014)

Application du principe selon lequel la démolition est la sanction d'un droit réel transgressé :

 

 

"Sur le pourvoi formé par :

 

1°/ M. Y... Mohamed,

 

2°/ Mme X... Mohamed, demeurant ensemble ...,

 

en cassation d'un arrêt rendu le 1er avril 1994 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile), au profit :

 

1°/ de M. Philippe A...,

 

2°/ de Mme A..., demeurant ensemble 5, Impasse le Pré des Trous, Hameau du Parc, 95400 Villiers-le-Bel,

 

défendeurs à la cassation ;

 

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;

 

LA COUR, en l'audience publique du 27 novembre 1996, où étaient présents : M. Beauvois, président, Mme Masson-Daum, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, Martin, Guerrini, conseillers, Mme Cobert, M. Nivôse, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre;

 

Sur le rapport de Mme Masson-Daum, conseiller référendaire, les observations de la SCP Vier et Barthélemy, avocat des époux Z..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des époux A..., les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

 

Sur le moyen unique :

 

Vu l'article 701 du Code civil, ensemble l'article 1143 du même Code;

 

Attendu que le propriétaire du fonds débiteur d'une servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode;

 

Attendu que, pour rejeter la demande des époux Z... tendant à la démolition de l'ouvrage réalisé par les époux A... sur une portion de leur terrain jouxtant le pavillon de leurs voisins et faisant partie du même lotissement en violation de la servitude non aedificandi instituée par le cahier des charges du lotissement, l'arrêt attaqué (Versailles, 1er avril 1994) retient que l'article 545 du Code civil s'oppose à la démolition d'une construction lorsque celle-ci a été édifiée par le propriétaire d'un fonds sur son propre terrain, fût-ce en méconnaissance d'une servitude non aedificandi et d'une servitude de tour d'échelle, qu'en pareille hypothèse, lorsqu'elle n'a pas été prévenue dans l'année du trouble par la mise en oeuvre de la protection reconnue aux articles 2282 et 2283 du Code civil et réglementée par l'article 1264 du nouveau Code de procédure civile, la violation du droit réel du propriétaire du fonds dominant ne saurait se résoudre qu'en l'allocation de dommages-intérêts et que l'article 701 du Code civil démontre que la protection des servitudes peut céder, même dans un but d'utilité privée, devant le droit de propriété;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que la démolition est la sanction d'un droit réel transgressé, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une action possessoire, a violé les textes susvisés;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

 

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris;

 

Condamne les époux A... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux A... à payer aux époux Z... la somme de 9 000 francs;

 

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux A...;

 

Dit que sur les diligences de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept."