Procès verbal d'infraction au droit d'urbanisme et article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (mardi, 11 février 2014)

Voici un arrêt qui juge que le procès-verbal de l'agent assermenté en matière d'infraction d'urbanisme n'est pas nul  comme ayant été dressé en violation des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme :

 


"Statuant sur le pourvoi formé par :





- La société Gandara,





contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 20 novembre 2012, qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamnée à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;



La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Arnould, conseiller de la chambre ;



Greffier de chambre : Mme Zita ;



Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALVAT ;



Vu le mémoire produit ;



Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, des articles 76, 591 à 593, 802 du code de procédure pénale ; 



"en ce que l'arrêt attaqué a débouté un prévenu, la société Gandara, la demanderesse de son moyen tendant à l'annulation du procès-verbal d'infraction et de l'ensemble de l'enquête préliminaire, et l'a déclaré coupable d'infractions au code de l'urbanisme ;



"aux motifs, que les prévenus soutenaient que le procès-verbal, en date du 16 octobre 2008, dressé par un agent de la direction de l'équipement du Var et servant de fondement à la poursuite, avait été établi en violant le domicile privé, tant de la société Gandara que des consorts X... ; que si, pour accéder à la parcelle, propriété privée de la société Gandara, il était nécessaire de faire usage du même et unique portail desservant également les propriétés des consorts X..., ces parcelles étant closes au moyen d'un mur sur le périmètre extérieur, la société Gandara ne pouvait invoquer à son profit une atteinte à son domicile puisque, au moment de la constatation des faits, n'existait aucun lieu susceptible de constituer à celle-ci un éventuel domicile secondaire, son siège social étant à l'étranger, dans la mesure où la construction en cours était au stade de la finition du coulage du sous-sol ; que la société Gandara ne pouvait davantage invoquer une soi-disant violation du domicile des consorts X..., ces derniers seuls pouvant l'invoquer et étant tiers à l'instance ; 



"alors que, le domicile désigne le lieu où une personne, qui y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation qui lui est donnée, quand bien même n'y serait pas édifié un bâtiment permettant de s'y installer ; qu'à ce titre, tout lieu clos à usage privé où une personne a le droit de se dire chez elle donne lieu à l'application de l'article 76, alinéa 1, du code de procédure pénale ; qu'ayant constaté que le terrain de l'exposante correspondait à des parcelles entièrement closes par un mur et que pour y accéder il était nécessaire de faire usage d'un portail, la cour d'appel ne pouvait refuser de faire bénéficier son propriétaire de la protection de la loi, peu important que celui-ci ait son siège social à l'étranger ou que les travaux lui permettant de s'y installer n'aient pas été achevés" ;



Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'un contrôle, effectué sur un chantier, à l'intérieur d'un mur d'enceinte entourant plusieurs habitations, par un agent administratif de la direction départementale de l'équipement, commissionné et assermenté, en présence d'un chef d'équipe d'une entreprise intervenante, la société Gandara, qui avait, notamment, entrepris, à Méounes-lès-Montrieux (Var), la réalisation de travaux d'excavation et d'un sous-sol se trouvant dans une zone classée "Naturelle" au plan local d'urbanisme, a été notamment poursuivie pour avoir effectué ces travaux sans permis de construire et en méconnaissance des dispositions de ce plan ;



Que la prévenue a soutenu devant les juges du fond, avant toute défense au fond, que, la visite de son domicile ayant été effectuée sans son assentiment exprès, le procès-verbal de l'agent assermenté était nul comme ayant été dressé en violation des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 76 du code de procédure pénale ; 



Attendu que, pour écarter son argumentation , la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ; 



Qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il énonce, sans méconnaître la disposition conventionnelle invoquée, que l'agent, commissionné et assermenté, a, sur réquisition de gendarmes qu'il a assisté, et en présence du chef d'équipe d'une entreprise intervenante qui ne s'y est pas opposé, procédé à une visite d'une construction en cours d'édification dans une zone protégée, qu'il était habilité à effectuer en application de l'article L. 461-1 du code de l'urbanisme et qui ne constituait pas une perquisition ou une visite domiciliaire au sens des articles 59 et 76 du code de procédure pénale ; 



D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;



Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;



REJETTE le pourvoi ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize novembre deux mille treize ;



En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre."