Concussion : un exemple (samedi, 02 novembre 2013)

Voici un arrêt rendu en matière de concussion :


"LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean X...,
- M. Jean Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 13 juillet 2011, qui a condamné, le premier, pour concussion, à un an d'emprisonnement avec sursis, 8 000 euros d'amende, le second, pour recel, à neuf mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ; 

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau et Fattaccini pour M. X..., pris de la violation des articles 1583 du code civil, 111-4, 121-3, 432-10 du code pénal, 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de concussion ;

"aux motifs qu'il est acquis aux débats que M. Y... a occupé gratuitement pendant la période visée dans la prévention un terrain d'une superficie de 900 m² appartenant à la commune de Saint-Leu sur lequel il a construit une maison ; que pourtant, dans un délibération en date du 26 mai 2003, le conseil municipal de cette commune avait autorisé le maire, non pas à consentir à l'intéressé une autorisation d'occupation à titre gratuit, mais à lui vendre le même terrain au prix de 35 euros le m² ; qu'ainsi, alors qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités locales, le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal et en particulier de passer les actes de vente régulièrement autorisés, il est constant que pour sa part, M. X..., maire de la commune de Saint-Leu à compter du mois d'avril 2004, s'est abstenu, pendant la période incriminée, de faire exécuter la délibération précitée qu'il connaissait pourtant parfaitement pour avoir pris part au vote en tant que conseiller municipal ; qu'il est dès lors établi, en premier lieu, que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le conseil municipal ; en second lieu, que cet avantage indu trouve son origine dans un manquement commis par le maire à ses obligations légales qui lui imposaient, en l'espèce, de passer l'acte de vente autorisé par la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, ce qu'il n'a pas fait ni essayé sérieusement de faire sans pouvoir se prévaloir d'un obstacle juridique ou factuel susceptible de constituer un motif légitime ; tels faits, générateurs à la fois d'une exonération irrégulière au profit d'un citoyen et d'une perte d'une ressource potentielle pour la commune relèvent incontestablement des prévisions de l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal ; que divers éléments du dossier permettent de retenir avec certitude que ces faits ne résultent ni d'une inertie, ni d'une négligence, mais qu'ils ont au contraire été commis sciemment ; qu'il ressort des propres déclarations de M. Y... que, confronté à des difficultés de financement, il avait délibérément retardé le paiement du prix de vente du terrain pour pouvoir prioritairement assurer la construction de sa maison ; qu'il ne pouvait dès lors ignorer qu'en s'installant sur un terrain au début de l'année 2004 et l'en l'occupant sans bourse délier jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a versé dans la comptabilité du notaire la somme correspondant au prix de vente, il bénéficiait d'un avantage dont les accédants à la propriété sont habituellement privés et qui ne reposait, en ce qui le concerne, que sur la complaisance du maire, s'agissant d'un terrain communal ; que d'ailleurs, sa compagne, Mme Z... a bien précisé aux enquêteurs qu'elle pensait que M. X... avait donné son accord pour retarder le paiement du prix de vente du terrain ; que de son côté, M. X... ne peut sérieusement soutenir être resté dans l'ignorance de l'avantage dont bénéficiait M. Y... jusqu'à sa dénonciation dans un article de presse publié en juin 2007 ; qu'en premier lieu, il ne pouvait qu'être informé à travers l'examen et le vote annuels des comptes de la commune de l'existence de cette ressource non encaissée qu'était le prix de la vente d'un terrain communal consentie à M. Y... ; qu'en deuxième lieu, il a reconnu à l'audience de la cour qu'il savait que ce dernier occupait le terrain sans avoir réglé la vente et sans qu'une contrepartie financière lui soit imposée ; qu'en troisième lieu, la grande proximité, au moins professionnelle, qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet, de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal ; qu'il résulte de l'analyse qui précède, que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique prévu par l'article 432-10 du code pénal est constitué dans ses éléments matériel et intentionnel à l'encontre de M. X... et que le recel d'un bien provenant de ce délit est également pleinement établi à la charge de M. Y..., en tout cas jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle le versement du prix de vente fait disparaître, en ce qui le concerne, l'élément intentionnel ; qu'il convient dès lors d'infirmer la décision de relaxe entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les deux prévenus coupables des faits qui leur sont respectivement reprochés en limitant toutefois à la période comprise entre le mois de mai 2004 et le 6 décembre 2006, l'infraction commise par M. Y... ;

"1) alors qu'il résulte de l'article 1583 du code civil, que la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé ; qu'en l'espèce, après délibération du 26 mai 2003, le commune de Saint-Leu a autorisé la vente d'une parcelle communale de 900 m² au prix de 38 000 euros selon l'évaluation faite par l'administration des domaines à M. Y... ; que l'attestation du 30 juillet 2003 de Me A..., notaire, témoigne de l'échange des consentements entre la commune de Saint-Leu et M. Y..., ces derniers s'étant entendus sur la chose et sur le prix ; qu'en affirmant que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le conseil municipal, quand cette occupation résultait d'une vente parfaitement légale expressément autorisée par le conseil municipal, dès lors que les parties avaient manifesté leur consentement tant sur la chose que sur le prix, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et privé sa décision de toute base légale ;

"2) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte , que le délit de concussion ne peut être constitué qu'à la condition que le prévenu ait accordé, sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit, « une exonération ou une franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux et réglementaires » ; que tel ne peut être le cas du prix de vente d'un terrain fut-il communal, lequel ne peut en aucun cas s'apparenter à un impôt ; qu'en déclarant M. X... coupable de concussion pour avoir manqué de diligence quant à la réclamation du prix de la vente d'un terrain communal autorisée par la commune, la cour a étendu le champ d'incrimination du délit au-delà des limites fixées par le texte légal, en violation du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale ;

"3) alors que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique suppose que son auteur ait accompli un acte positif en « accordant » à autrui une exonération ou une franchise de droits ; qu'en se bornant à reprocher à M. X... d'avoir manqué de vérifier la mise en oeuvre de l'acte de vente autorisé par le conseil municipal, la cour d'appel a condamné le prévenu sur le fondement d'une simple omission en violation de l'article 432-10 du code pénal ;

"4) alors que le délit de concussion suppose que son auteur ait délibérément accordé une exonération ou une franchise de droits qu'il savait indus ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... a toujours contesté avoir donné une quelconque instruction au personnel communal pour retarder la vente, ce qui était corroboré par les affirmations de M. Y... ainsi que par les auditions des personnes employées dans le service municipal en charge de l'urbanisme et du foncier lesquelles avaient indiqué n'avoir reçu aucune consigne pour retarder la vente ; qu'en retenant néanmoins M. X... dans les liens de la prévention quand n'était tout au plus établie qu'une simple négligence de sa part insusceptible de caractériser le délit de concussion, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et privé sa décision de base légale ;

"5) alors que toute insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la culpabilité de M. X... du chef de concussion, que « la grande proximité, au moins professionnelle qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet, de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal », sans qu'aucun élément de preuve objectif ne permette de justifier cette assertion, la cour d'appel a statué par des motifs purement hypothétiques et privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau et Fattaccini pour M. X..., pris de la violation des articles 2, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. X... à payer à la commune de Saint-Leu la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que la cour constate que parmi les pièces produites aux débats, figure un extrait des délibérations du conseil municipal de la commune de Saint-Leu dans sa séance du jeudi 27 novembre 2009 décidant de porter plainte avec constitution de partie civile au nom de la collectivité à l'encontre de MM. X... et Y... pour « les éventuels faits de détournement d'un bien de la collectivité dont ils se seraient rendus coupables courant 2003 et les années suivantes » et autorisant le maire à nommer le conseil de son choix pour assurer la défense de la commune dans cette affaire ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent les prévenus, la constitution de partie civile de la commune de Saint-Leu s'appuie sur une autorisation régulièrement délivrée ; que, par ailleurs, la commune de Saint-Leu est incontestablement fondée à obtenir auprès des auteurs de l'infraction la réparation des dommages dont elle a personnellement souffert à cause de l'infraction ; qu'il convient dès lors de la déclarer recevable en sa constitution de partie civile ; que, la commune ne peut toutefois demander réparation à ce titre que du préjudice équivalent à l'avantage dont a profité M. Y... en occupant gratuitement, de façon illégale, une partie du domaine communal pendant deux ans ; que, compte tenu des justificatifs produits notamment sur la qualité et la valeur de l'emplacement, les ressources dont la commune a été privée de ce chef peuvent être évaluées à 10 000 euros ; que, le paiement de cette somme sera mis à la charge solidaire de M. X... qui a procuré l'avantage et à celle de M. Y... qui en a profité ;

"alors que seul le préjudice trouvant directement sa source dans l'infraction poursuivie peut donner lieu à réparation au profit de la partie civile ; qu'après avoir condamné M. X... du chef de concussion pour avoir fait bénéficier M. Y... d'un avantage en différant le paiement du prix de vente du terrain sur lequel il s'était installé, et constaté la disparition du délit à compter du 6 décembre 2006, date de versement du prix de vente par M. Y..., la cour d'appel a fixé à 10 000 euros la réparation du préjudice prétendument subi par la commune du fait de l'occupation gratuite du domaine communal pendant deux ans ; qu'en statuant ainsi, quand le seul préjudice résultant directement du délit de concussion consistait dans le défaut de versement du prix de vente du terrain, lequel avait déjà été réparé, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale" ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour M. Y..., pris de la violation des articles 321-1, 432-10, alinéa 2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de recel d'un bien provenant du délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique et l'a condamné en répression à une peine de neuf mois d'emprisonnement avec sursis, mise à l'épreuve pendant dix-huit mois et obligation d'indemniser la victime, outre une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts envers la partie civile ;

"aux motifs qu'il est acquis aux débats que M. Y... a occupé gratuitement, pendant la période visée dans la prévention, un terrain d'une superficie de 900 m2 appartement à la commune de Saint-Leu sur lequel il a construit une maison ; que pourtant, dans une délibération en date du 26 mai 2003, le conseil municipal de cette commune avait autorisé le maire, non pas à consentir à l'intéressé une autorisation d'occupation à titre gratuit, mais à lui vendre le même terrain au prix de 35 euros le m2 ; ainsi, alors qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités locales, le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal, et en particulier de passer les actes de vente régulièrement autorisés, il est constant que pour sa part, M. X..., maire de la commune de Saint-Leu, à compter du mois d'avril 2004, s'est abstenu, pendant la période incriminée, de faire exécuter la délibération précitée qu'il connaissait pourtant parfaitement pour avoir pris part au vote en tant que conseiller municipal ; qu'il est dès lors établi, en premier lieu, que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le Conseil municipal ; en second lieu, que cet avantage indu trouve son origine dans un manquement commis par le maire à ses obligations légales qui lui imposaient, en l'espèce, de passer l'acte de vente autorisé par la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, ce qu'il n'a pas fait ni essayé sérieusement de faire sans pouvoir se prévaloir d'un obstacle juridique ou factuel susceptible de constituer un motif légitime ; que de tels faits générateurs à la fois d'une exonération irrégulière au profit d'un citoyen et d'une perte de ressource potentielle pour la commune, relèvent incontestablement des prévisions de l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal ; que divers éléments du dossier permettent de retenir avec certitude que ces faits ne résultent ni d'une inertie, ni d'une négligence mais qu'ils ont au contraire été commis sciemment ; qu'il ressort des propres déclarations de M. Y... que, confronté à des difficultés de financement, il avait délibérément retardé le paiement du prix de vente du terrain pour pouvoir prioritairement assurer la construction de sa maison ; qu'il ne pouvait dès lors ignorer qu'en s'installant sur un terrain au début de l'année 2004 et ne l'occupant sans bourse délier jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a versé dans la comptabilité du notaire la somme correspondant au prix de vente, il bénéficiait d'un avantage dont les accédants à la propriété sont habituellement privés et qui ne reposait, en ce qui le concerne, que sur la complaisance du maire, s'agissant d'un terrain communal ; que d'ailleurs sa compagne Mme Z... a bien précisé aux enquêteurs qu'elle pensait que M. X... avait donné son accord pour retarder le paiement du prix de vente du terrain ; que de son côté, M. X... ne peut sérieusement soutenir être resté dans l'ignorance de l'avantage dont bénéficiait M. Y... jusqu'à sa dénonciation dans un article de presse publié en juin 2007 ; qu'en premier lieu, il ne pouvait qu'être informé à travers l'examen et le vote annuels des comptes de la commune de l'existence de cette ressource non encaissée qu'était le prix de la vente d'un terrain communal consentie à M. Y... ; en deuxième lieu, il a reconnu à l'audience de la cour qu'il savait que ce dernier occupait le terrain sans avoir réglé la vente et sans qu'une contrepartie financière lui soit imposée ; qu'en troisième lieu, la grande proximité, au moins professionnelle, qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal ; qu'il résulte de l'analyse qui précède que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique prévu par l'article 432-10 du code pénal est constitué dans ses éléments matériel et intentionnel à l'encontre de M. X... et que le recel d'un bien provenant de ce délit est également pleinement établi à la charge de M. Y... en tout cas jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle le versement du prix de vente fait disparaître, en ce qui le concerne l'élément intentionnel ; qu'il convient dès lors d'infirmer la décision de relaxe entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les deux prévenus coupables des faits qui leur sont respectivement reprochés en limitant toutefois à la période comprise entre le mois de mai 2004 et le 6 décembre 2006 l'infraction commise par M. Y... ;

"1) alors que, il appartient au juge répressif de caractériser l'infraction d'origine dont tire prétendument profit l'auteur présumé du recel ; que la loi pénale étant d'interprétation stricte, le délit de concussion ne saurait sanctionner la perception ou l'exonération d'autres titres que ceux visés par le texte d'incrimination ; que l'alinéa 2 de l'article 432-10 du code pénal ne vise que le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, d'accorder indûment, sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit, une exonération ou une franchise des «droits, contributions, impôts ou taxes publics» en violation des textes légaux ou réglementaires ; que n'entre pas dans le champ d'application de ce texte, l'absence de perception immédiate du prix de vente d'un terrain communal, vente dûment autorisée par une délibération du conseil municipal, dès lors qu'un simple retard, même avéré, dans la perception de ce prix de vente ne saurait constituer une « exonération ou une franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires » ; qu'en décidant cependant en l'espèce que le délit de concussion était établi en son élément matériel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, en violation des textes susvisés ;

"2) alors que l'infraction de concussion par dépositaire de l'autorité publique est une infraction de commission qui nécessite, pour être constituée, que le prévenu ait agi positivement et en toute connaissance de cause pour accorder indûment une exonération ou une franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires ; que le délit ne peut donc être caractérisé par une simple abstention ou négligence ; que dès lors la seule abstention reprochée au maire, à supposer même qu'elle fût volontaire, de « faire exécuter la délibération » autorisant la vente ne pouvait, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt attaqué, caractériser le délit de concussion ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 432-10 du code pénal" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet-Farge et Hazan pour M. Y..., pris de la violation des articles 121-3, 321-1, 432-10, alinéa 2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de recel d'un bien provenant du délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique et l'a condamné en répression à une peine de neuf mois d'emprisonnement avec sursis, mise à l'épreuve pendant dix-huit mois et obligation d'indemniser la victime, outre une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts envers la partie civile ;

"aux motifs qu'il est acquis aux débats que M. Y... a occupé gratuitement, pendant la période visée dans la prévention, un terrain d'une superficie de 900 m2 appartement à la commune de Saint-Leu sur lequel il a construit une maison ; que pourtant, dans une délibération en date du 26 mai 2003, le conseil municipal de cette commune avait autorisé le maire, non pas à consentir à l'intéressé une autorisation d'occupation à titre gratuit, mais à lui vendre le même terrain au prix de 35 euros le m2 ; ainsi, alors qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités locales, le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal, et en particulier de passer les actes de vente régulièrement autorisés, il est constant que pour sa part, M. X..., maire de la commune de Saint-Leu à compter du mois d'avril 2004, s'est abstenu, pendant la période incriminée, de faire exécuter la délibération précitée qu'il connaissait pourtant parfaitement pour avoir pris part au vote en tant que conseiller municipal ; qu'il est dès lors établi en premier lieu que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le conseil municipal ; en second lieu, que cet avantage indu trouve son origine dans un manquement commis par le maire à ses obligations légales qui lui imposaient, en l'espèce, de passer l'acte de vente autorisé par la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, ce qu'il n'a pas fait ni essayé sérieusement de faire sans pouvoir se prévaloir d'un obstacle juridique ou factuel susceptible de constituer un motif légitime ; que de tels faits générateurs à la fois d'une exonération irrégulière au profit d'un citoyen et d'une perte de ressource potentielle pour la commune, relèvent incontestablement des prévisions de l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal ; que divers éléments du dossier permettent de retenir avec certitude que ces faits ne résultent ni d'une inertie, ni d'une négligence mais qu'ils ont au contraire été commis sciemment ; qu'il ressort des propres déclarations de M. Y... que, confronté à des difficultés de financement, il avait délibérément retardé le paiement du prix de vente du terrain pour pouvoir prioritairement assurer la construction de sa maison ; qu'il ne pouvait dès lors ignorer qu'en s'installant sur un terrain au début de l'année 2004 et ne l'occupant sans bourse délier jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a versé dans la comptabilité du notaire la somme correspondant au prix de vente, il bénéficiait d'un avantage dont les accédants à la propriété sont habituellement privés et qui ne reposait, en ce qui le concerne, que sur la complaisance du maire, s'agissant d'un terrain communal ; que d'ailleurs sa compagne Mme Z... a bien précisé aux enquêteurs qu'elle pensait que M. X... avait donné son accord pour retarder le paiement du prix de vente du terrain ; que de son côté, M. X... ne peut sérieusement soutenir être resté dans l'ignorance de l'avantage dont bénéficiait M. Y... jusqu'à sa dénonciation dans un article de presse publié en juin 2007 ; qu'en premier lieu, il ne pouvait qu'être informé à travers l'examen et le vote annuels des comptes de la commune de l'existence de cette ressource non encaissée qu'était le prix de la vente d'un terrain communal consentie à M. Y... ; en deuxième lieu, il a reconnu à l'audience de la cour qu'il savait que ce dernier occupait le terrain sans avoir réglé la vente et sans qu'une contrepartie financière lui soit imposée ; qu'en troisième lieu, la grande proximité, au moins professionnelle, qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal ; qu'il résulte de l'analyse qui précède que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique prévu par l'article 432-10 du code pénal est constitué dans ses éléments matériel et intentionnel à l'encontre de M. X... et que le recel d'un bien provenant de ce délit est également pleinement établi à la charge de M. Y... en tout cas jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle le versement du prix de vente fait disparaître en ce qui le concerne l'élément intentionnel ; qu'il convient dès lors d'infirmer la décision de relaxe entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les deux prévenus coupables des faits qui leur sont respectivement reprochés en limitant toutefois à la période comprise entre le mois de mai 2004 et le 6 décembre 2006 l'infraction commise par M. Y... ;

1) alors que le délit de recel implique que soit constatée l'infraction d'origine ; que la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des deux premiers moyens contestant la réunion des éléments constitutifs du délit de concussion imputé à M. X... entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt en ce qu'il a déclaré M. Y... coupable de recel de biens provenant de ce délit de concussion ;

"2) alors que l'infraction de concussion par dépositaire de l'autorité publique est une infraction intentionnelle qui nécessite, pour être constituée, que le prévenu ait délibérément et en toute connaissance de cause décidé d'accorder indûment une exonération ou une franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires ; qu'en énonçant en l'espèce, pour considérer que M. X... avait sciemment commis le délit qui lui était reproché et que M. Y... s'était en conséquence rendu coupable de recel dudit délit, que « la grande proximité au moins professionnelle qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs purement hypothétiques privant par là-même sa décision de motifs en violation des textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet-Farge et Hazan pour M. Y..., pris de la violation des articles 122-3, 321-1, 432-10 alinéa 2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, cassation par voie de conséquence, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable de recel d'un bien provenant du délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique et l'a condamné en répression à une peine de neuf mois d'emprisonnement avec sursis, mise à l'épreuve pendant dix-huit mois et obligation d'indemniser la victime, outre une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts envers la partie civile ;

"aux motifs qu'il est acquis aux débats que M. Y... a occupé gratuitement, pendant la période visée dans la prévention, un terrain d'une superficie de 900 m2 appartement à la commune de Saint-Leu sur lequel il a construit une maison ; que pourtant, dans une délibération en date du 26 mai 2003, le conseil municipal de cette commune avait autorisé le maire, non pas à consentir à l'intéressé une autorisation d'occupation à titre gratuit, mais à lui vendre le même terrain au prix de 35 euros le m2 ; ainsi, alors qu'aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités locales, le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal, et en particulier de passer les actes de vente régulièrement autorisés, il est constant que pour sa part, M. X..., maire de la commune de Saint-Leu à compter du mois d'avril 2004, s'est abstenu, pendant la période incriminée, de faire exécuter la délibération précitée qu'il connaissait pourtant parfaitement pour avoir pris part au vote en tant que conseiller municipal ; qu'il est dès lors établi en premier lieu que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal consistant en l'occupation à titre gratuit d'un terrain communal non autorisée par le conseil municipal ; en second lieu, que cet avantage indu trouve son origine dans un manquement commis par le maire à ses obligations légales qui lui imposaient, en l'espèce, de passer l'acte de vente autorisé par la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, ce qu'il n'a pas fait ni essayé sérieusement de faire sans pouvoir se prévaloir d'un obstacle juridique ou factuel susceptible de constituer un motif légitime ; que de tels faits générateurs à la fois d'une exonération irrégulière au profit d'un citoyen et d'une perte de ressource potentielle pour la commune, relèvent incontestablement des prévisions de l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal ; que divers éléments du dossier permettent de retenir avec certitude que ces faits ne résultent ni d'une inertie, ni d'une négligence mais qu'ils ont au contraire été commis sciemment ; qu'il ressort des propres déclarations de M. Y... que, confronté à des difficultés de financement, il avait délibérément retardé le paiement du prix de vente du terrain pour pouvoir prioritairement assurer la construction de sa maison ; qu'il ne pouvait dès lors ignorer qu'en s'installant sur un terrain au début de l'année 2004 et ne l'occupant sans bourse délier jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a versé dans la comptabilité du notaire la somme correspondant au prix de vente, il bénéficiait d'un avantage dont les accédants à la propriété sont habituellement privés et qui ne reposait, en ce qui le concerne, que sur la complaisance du maire, s'agissant d'un terrain communal ; que d'ailleurs sa compagne Mme Z... a bien précisé aux enquêteurs qu'elle pensait que M. X... avait donné son accord pour retarder le paiement du prix de vente du terrain ; que de son côté, M. X... ne peut sérieusement soutenir être resté dans l'ignorance de l'avantage dont bénéficiait M. Y... jusqu'à sa dénonciation dans un article de presse publié en juin 2007 ; qu'en premier lieu, il ne pouvait qu'être informé à travers l'examen et le vote annuels des comptes de la commune de l'existence de cette ressource non encaissée qu'était le prix de la vente d'un terrain communal consentie à M. Y... ; en deuxième lieu, il a reconnu à l'audience de la cour qu'il savait que ce dernier occupait le terrain sans avoir réglé la vente et sans qu'une contrepartie financière lui soit imposée ; qu'en troisième lieu, la grande proximité, au moins professionnelle, qui existait entre les deux hommes, avant comme après la délibération du conseil municipal du 26 mai 2003, accrédite la thèse d'une concertation pour que le maire permette à son ancien chauffeur devenu membre de son cabinet de différer le paiement d'un terrain sur lequel il s'était installé, l'autorisant ainsi à l'occuper gratuitement et lui procurant dès lors un avantage illégal ; qu'il résulte de l'analyse qui précède que le délit de concussion par dépositaire de l'autorité publique prévu par l'article 432-10 du code pénal est constitué dans ses éléments matériel et intentionnel à l'encontre de M. X... et que le recel d'un bien provenant de ce délit est également pleinement établi à la charge de M. Y... en tout cas jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle le versement du prix de vente fait disparaître, en ce qui le concerne, l'élément intentionnel ; qu'il convient dès lors d'infirmer la décision de relaxe entreprise et, statuant à nouveau, de déclarer les deux prévenus coupables des faits qui leur sont respectivement reprochés en limitant toutefois à la période comprise entre le mois de mai 2004 et le 6 décembre 2006 l'infraction commise par M. Y... ;

"1) alors que le délit de recel implique que soit constatée l'infraction d'origine ; que la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des deux premiers moyens contestant la réunion des éléments constitutifs du délit de concussion imputé à M. X... entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt en ce qu'il a déclaré M. Y... coupable de recel de biens provenant de ce délit de concussion ;

"2) alors que le délit de recel n'est caractérisé que si son auteur a bénéficié, en toute connaissance de cause, du produit d'un crime ou d'un délit, ce qui implique la connaissance par celui-ci de l'origine frauduleuse du bien ou de la chose recelée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans aucunement caractériser la connaissance par M. Y... du prétendu caractère illicite de l'occupation du terrain communal, dont la cession avait été autorisée à son profit et avait fait l'objet d'une délibération du conseil municipal, le notaire étant saisi aux fins d'établissement de l'acte authentique, aux seuls motifs «qu'il ne pouvait dès lors ignorer qu'en s'installant sur un terrain au début de l'année 2004 et ne l'occupant sans bourse délier jusqu'au 6 décembre 2006, date à laquelle il a versé dans la comptabilité du notaire la somme correspondant au prix de vente, il bénéficiait d'un avantage dont les accédants à la propriété sont habituellement privés et qui ne reposait en ce qui le concerne que sur la complaisance du maire», motifs impropres à caractériser l'élément intentionnel nécessaire à la constitution du délit de recel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

"3) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait longuement valoir, dans ses écritures, qu'il avait cru, en toute bonne foi, pouvoir occuper, même gratuitement, le terrain communal devant faire l'objet d'une vente dûment autorisée par délibération du conseil municipal, dans la mesure où cette occupation était nécessairement temporaire, dès lors que le prix de vente avait été fixé et qu'il avait reçu une attestation de l'office notarial le qualifiant de propriétaire du terrain, lui permettant d'obtenir un permis de construire la non-réalisation immédiate de la vente n'étant due qu'à l'inertie manifeste tant des services fonciers que de l'office notarial auquel le dossier avait été confié en vue de la régularisation de l'acte authentique ; qu'en s'abstenant purement et simplement de répondre à ce chef péremptoire des écritures de l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par délibération du 26 mai 2003, la commune de Saint-Leu, dont M. X... était conseiller municipal, a autorisé la vente à M. Y... d'une parcelle communale sur laquelle ce dernier, après obtention du permis de construire le 6 février 2004, a fait édifier une maison achevée en 2005 ; que M. Y... n'a versé le prix de vente du terrain en l'étude du notaire que le 6 décembre 2006 ; que M. X..., en sa qualité de maire de Saint-Leu depuis avril 2004, est poursuivi du chef de concussion pour avoir laissé gratuitement ce terrain communal à la disposition de l'acquéreur en violation des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales ; que M. Y... est prévenu du chef de recel ; 

Attendu que, pour déclarer M. X... et M. Y... coupables de ces chefs et les condamner solidairement à indemniser la commune de Saint-Leu, l'arrêt énonce que M. Y... a bénéficié d'un avantage illégal caractérisé par l'occupation à titre gratuit et non autorisée d'un terrain communal et que cet avantage indu trouve son origine dans un manquement commis par le maire à ses obligations légales qui lui imposaient de passer l'acte de vente décidé par le conseil municipal le 26 mai 2003, ce que ce dernier sans motif légitime n'a pas fait ; que les juges ajoutent qu'il résulte des éléments du dossier que de tels faits, générateurs d'une exonération irrégulière, ne résultent ni d'une inertie ni d'une négligence mais ont été commis sciemment ; qu'ils relèvent encore que le préjudice subi par la commune équivaut à l'avantage dont a profité M. Y... en occupant gratuitement, de façon illégale, une partie du domaine communal pendant deux ans ; 

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'entre dans les prévisions de l'article 432-10, alinéa 2, du code pénal le fait pour un maire d'exonérer l'acquéreur et occupant d'un terrain communal du paiement du prix de ce dernier en s'abstenant volontairement de passer l'acte de vente dudit terrain, autorisé par le conseil municipal, en violation de l'article L. 2122-21, alinéa 7, du code général des collectivités territoriales, la cour d'appel qui a, sans insuffisance, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant, a justifié sa décision ; 

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ; 

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... et M. Y... devront payer chacun à la commune de Saint-Leu au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale."