Cahier des charges règlement et lotissement (lundi, 14 octobre 2013)

Un arrêt sur la question complexe des cahier des charges et règlement des lotissements :


"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mai 2012), qu'en 2006, les époux X... ont fait édifier un garage sur leur terrain, situé dans un lotissement et mitoyen du lot appartenant aux époux Y...; qu'estimant la construction contraire au cahier des charges, les époux Y...ont assigné en démolition les époux X... ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que les époux Y...font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que lorsque l'auteur du cahier des charges d'un lotissement a manifesté la volonté non-équivoque de faire du plan de masse annexé à ce document un élément contractuel, volonté qui résulte du fait que le rédacteur ne s'est pas borné à viser abstraitement le plan de masse mais qu'il s'en est clairement approprié les règles pour en faire un élément du contrat applicable aux colotis, expressément tenus de s'y conformer, l'implantation des bâtiments fait alors partie du cahier des charges ; qu'en l'espèce, le cahier des charges du lotissement énonce dans son article 2, chapitre III, que « les constructions seront implantées conformément au plan de masse annexé au présent cahier des charges et dont les dispositions sont impératives » et qu'« entre deux constructions, quelle qu'en soit l'importance, doit toujours être ménagée une distance suffisante pour permettre l'entretien facile des sols et des constructions et, s'il y a lieu, le passage et le fonctionnement du matériel de lutte contre l'incendie » ; qu'en estimant que les règles d'implantation des bâtiments n'avaient pas fait l'objet d'une contractualisation, cependant que la clause précitée exprimait la volonté non-équivoque de l'auteur du cahier des charges de rendre contractuelles et opposables aux colotis les règles d'implantation figurant dans le plan de masse, la cour d'appel a dénaturé la clause litigieuse et a violé ce faisant l'article 1134 du code civil ainsi que le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; 

Mais attendu qu'ayant relevé que les règles d'implantation prévoyant une distance minimale de quatre mètres entre la construction et la limite latérale séparative des fonds, figurant dans le plan de masse annexé au cahier des charges, étaient identiques à celles du règlement d'urbanisme de 1961 et en constituaient une transposition pure et simple, et que ce règlement n'avait plus vocation à s'appliquer depuis 1995, date à laquelle la commune s'était dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU) et retenu souverainement, sans dénaturation que la preuve n'était pas rapportée de l'intention des colotis de conférer une valeur contractuelle au plan de masse, la cour d'appel en a exactement déduit, que le garage, construit à trois mètres de la limite séparative, ne contrevenait pas aux dispositions du cahier des charges ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Sur le second moyen : 

Attendu que les époux Y...font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que l'article 10 du cahier des charges du lotissement, dont la cour d'appel a admis qu'il présentait un caractère contractuel, énonce que « les constructions annexes seront interdites » et que « leur volume devra être incorporé dans celui de la construction principale » ; qu'en estimant que cet article autorisait les constructions annexes dès lors qu'elle se trouvaient « accolées » au bâtiment principal, même sur un plan décalé, cependant que les dispositions précitées énoncent que les bâtiments annexes doivent être intégrés « dans » le bâtiment principal, ce qui exclut par définition toute construction annexe accolée à la construction principale, le volume de la construction annexe venant dans cette hypothèse s'ajouter et non s'incorporer au volume de la construction principale, la cour d'appel a dénaturé l'article 10 du cahier des charges du lotissement et violé ce faisant l'article 1134 du code civil ainsi que le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; 

Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 10 du cahier des charges permettait de construire des bâtiments annexes, dès lors qu'ils constituaient un volume unique avec le bâtiment principal, la cour d'appel a souverainement retenu, sans dénaturation, que la position du bâtiment, accolé et non séparé de la maison même s'il en était décalé, n'était pas contraire aux stipulations du cahier des charges ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne les époux Y...aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y...à payer aux époux X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande des époux Y...; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille treize. 
MOYENS ANNEXES au présent arrêt 

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour les époux Y... 


PREMIER MOYEN DE CASSATION 

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme Y...de leur demande de démolition du garage construit par M. et Mme X... ; 

AUX MOTIFS QUE par application de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, sauf si une décision de la majorité des colotis acquise selon les dispositions de l'article L. 442-10 du même code a décidé de leur maintien ; que l'article L. 111-5 du même code, d'application immédiate, dispose que la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente, ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel ; qu'il s'en déduit qu'un cahier des charges de lotissement peut se référer à un document d'urbanisme ou contenir des règles en provenant, règles qui ne deviendront contractuelles, à l'instar des autres dispositions qu'il convient, que s'il est établi que les colotis ont voulu leur donner cette valeur ; qu'en l'espèce, comme le rappelle le premier juge, le cahier des charges approuvé annexé à l'arrêté préfectoral du 27 septembre 1967, à l'article 13 du chapitre premier, comme à l'article 2 du chapitre 3, renvoie pour l'implantation des constructions, au plan de masse qui lui est annexé, approuvé par le préfet, seul document précisant les distances à respecter par rapport aux limites latérales séparatives et à la voie de desserte des différents lots ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X..., ces articles du cahier des charges, comme le plan parcellaire qui y est annexé, ne peuvent constituer eux-mêmes du seul fait de leur approbation a posteriori par le préfet un document d'urbanisme, susceptible d'être reproduit dans un cahier des charges ; que par contre, l'examen du plan parcellaire, qui fait partie intégrante du cahier des charges, pour contenir seul l'ensemble des règles d'implantation des constructions et sans lequel l'organisation même du lotissement n'est plus compréhensible, met en évidence, ainsi que le relèvent justement M. et Mme X..., que la distance minimale de 4 mètres exigée entre la construction et la limite latérale séparative des fonds, n'est que la reproduction pure et simple de la règle de droit commun posée par l'article 11H (implantation des constructions par rapport aux limites latérales séparatives) du règlement d'urbanisme préexistant du 19 décembre 1961, fixant ainsi les règles générales d'aménagement applicables sur la commune de La Forêt Fouesnant depuis cette date ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme Y..., il n'est pas dérogé à cette distance pour la limite entre les lots 2 et 3 en cause, ni pour aucun autre lot ; qu'aucune autre disposition du cahier des charges ne s'intéresse à ces règles de distance, ni ne révèle que cette distance au-delà de la conformité stricte à la norme d'urbanisme en vigueur, résulte d'un choix d'aménagement réfléchi du lotisseur ou des colotis, soucieux de la pérenniser et dès lors de lui conférer un caractère contractuel ; qu'en conséquence, M. et Mme Y...ne rapportant pas la preuve de la contractualisation de la règle relative à la distance entre la construction et la limite séparative latérale provenant du règlement d'urbanisme de 1961, celle-ci est devenue caduque par application de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, lors de l'approbation sur la commune en 1995 du plan d'occupation des sols, comme le rappelle d'ailleurs l'acte de propriété de chacune des parties, ou en tout état de cause le 1er juillet 2007 en application de l'article R. 442-25 du code de l'urbanisme, son maintien n'ayant pas été souhaité par les colotis ; qu'il en résulte que la construction incriminée à trois mètres de la limite séparative ne contrevient pas aux dispositions du cahier des charges et ne peut justifier la démolition ou la mise en conformité du garage ; 

ALORS QUE lorsque l'auteur du cahier des charges d'un lotissement a manifesté la volonté non-équivoque de faire du plan de masse annexé à ce document un élément contractuel, volonté qui résulte du fait que le rédacteur ne s'est pas borné à viser abstraitement le plan de masse mais qu'il s'en est clairement approprié les règles pour en faire un élément du contrat applicable aux colotis, expressément tenus de s'y conformer, l'implantation des bâtiments fait alors partie du cahier des charges ; qu'en l'espèce, le cahier des charges du lotissement énonce dans son article 2, chapitre III, que « les constructions seront implantées conformément au plan de masse annexé au présent cahier des charges et dont les dispositions sont impératives » et qu'« entre deux constructions, quelle qu'en soit l'importance, doit toujours être ménagée une distance suffisante pour permettre l'entretien facile des sols et des constructions et, s'il y a lieu, le passage et le fonctionnement du matériel de lutte contre l'incendie » ; qu'en estimant que les règles d'implantation des bâtiments n'avaient pas fait l'objet d'une contractualisation (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 1er), cependant que la clause précitée exprimait la volonté non-équivoque de l'auteur du cahier des charges de rendre contractuelles et opposables aux colotis les règles d'implantation figurant dans le plan de masse, la cour d'appel a dénaturé la clause litigieuse et a violé ce faisant l'article 1134 du code civil ainsi que le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. 


SECOND MOYEN DE CASSATION 

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme Y...de leur demande de démolition du garage construit par M. et Mme X... ; 

AUX MOTIFS QUE l'article 10 du cahier des charges dispose que « les constructions annexes sont interdites, leur volume devra être incorporé dans celui de la construction principale » ; que cet article étranger à une règle contenue dans un règlement d'urbanisme antérieur, présente un caractère contractuel et est applicable entre les colotis ; qu'au-delà de sa rédaction paradoxale, il témoigne d'une volonté d'empêcher une pluralité de constructions indépendantes sur un même lot et de l'exigence que l'annexe et la construction principale constituent un volume unique, sans cependant poser de contrainte autre en terme de positionnement par rapport au bâtiment principal, permettant ainsi de ménager une diversité architecturale et de garantir une adaptation de l'extension en fonction de la forme des parcelles ; que les plans et les photographies du garage litigieux, de même que le constat d'huissier du 21 juillet 2010, montrent que le bâtiment est accolé et non séparé de la maison, même s'il est décalé ; qu'il n'est donc pas contraire aux stipulations de l'article 10 ; que la demande de démolition sur ce fondement ne peut donc être accueillie ; 

ALORS QUE l'article 10 du cahier des charges du lotissement, dont la cour d'appel a admis qu'il présentait un caractère contractuel, énonce que « les constructions annexes seront interdites » et que « leur volume devra être incorporé dans celui de la construction principale » ; qu'en estimant que cet article autorisait les constructions annexes dès lors qu'elle se trouvaient « accolées » au bâtiment principal, même sur un plan décalé (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 2 et 3), cependant que les dispositions précitées énoncent que les bâtiments annexes doivent être intégrés « dans » le bâtiment principal, ce qui exclut par définition toute construction annexe accolée à la construction principale, le volume de la construction annexe venant dans cette hypothèse s'ajouter et non s'incorporer au volume de la construction principale, la cour d'appel a dénaturé l'article 10 du cahier des charges du lotissement et violé ce faisant l'article 1134 du code civil ainsi que le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause."