Effets de réception successives en droit de la constructoion (mercredi, 25 avril 2012)

C'est le problème posé par cet arrêt :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 janvier 2010), qu'en 1990, des fissures sont apparues sur la maison de Mme X..., assurée en police multirisques habitation auprès de la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz ; que la société AGF a missionné un expert, lequel a préconisé une reprise en sous-oeuvre par micro-pieux ; qu'une première série de 27 micro-pieux a été implantée par la société Sud injections, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que les désordres s'étant aggravés, une deuxième série de 11 micro-pieux a été réalisée par la société Sud injections ; que les désordres s'étant encore aggravés, une troisième série de 27 micro-pieux a été réalisée par la même société ; que ces trois séries de travaux ont fait l'objet de réceptions distinctes en date du 26 juillet 1993, 25 avril 1994 et 8 novembre 1994 ; que de nouvelles fissures étant apparues en 2001, une expertise a été ordonnée ; que la société AGF ayant indemnisé Mme X... a assigné la société Sud injections et la société SMABTP en paiement de cette indemnité ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Attendu que pour juger que la société SMABTP devait sa garantie pour la totalité des travaux de réparation des désordres, l'arrêt retient que les trois reprises constituent un ensemble indissociable dont la troisième tranche est l'achèvement, et dont la réparation de l'inefficacité globale exige une reprise en sous-oeuvre de l'ensemble des fondations et qu'il en résulte que c'est à partir de la date de réception des travaux de stabilisation pris dans leur ensemble que court la garantie décennale du constructeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ de l'action en garantie décennale est fixé à la date de la réception des travaux et qu'elle avait constaté que la réparation des désordres était intervenue selon trois paliers successifs qui avaient fait l'objet de trois réceptions distinctes en date du 26 juillet 1993, 25 avril 1994 et 8 novembre 1994, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a reçu la SMABTP en son action récursoire sur un fondement quasi-délictuel à l'encontre de la société Allianz en sa qualité d'assureur prescripteur des travaux exécutés par la société Sud injections et dit qu'en cette qualité, la société Allianz iard a engagé sa responsabilité à concurrence de 20 % des désordres, l'arrêt rendu le 18 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Allianz IARD à payer à la SMABTP la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Allianz IARD ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

 


MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les trois reprises exécutées par la société SUD INJECTIONS par des travaux de pose de micro-pieux de 1993 jusqu'au 8 novembre 1994 constituaient un ensemble indissociable dont la réception était intervenue à cette dernière date, D'AVOIR en conséquence jugé que l'action en garantie décennale pour les deux premières tranches de ces travaux n'était pas prescrite le 2 septembre 2004 et que la SMABTP devait sa garantie pour la totalité des travaux de réparation des désordres dont son assurée, la société SUD INJECTIONS, était responsable de plein droit, pour un montant total chiffré par l'expert à la somme de 202. 849, 89 € TTC

AUX MOTIFS QU'il résulte des explications du technicien désigné par le juge des référés que, sur les préconisations de l'expert qu'elle avait mandaté, la compagnie AGF a financé la réparation des désordres de fissuration de l'ouvrage en trois paliers successifs qui ont donné lieu à réceptions et facturations les 26 juillet 1993, 25 avril 1994 et 8 novembre 1994 et qui ont abouti finalement en une reprise en sous-oeuvre de la totalité des fondations de la construction ; que l'expert n'indique pas que cette décomposition aurait en elle-même contribué à la réapparition ultérieure des désordres, mais affirme que « ces trois reprises constituent un ensemble indissociable dont la troisième tranche est l'achèvement » ; que l'inefficacité de ce dispositif exige une reprise en sous-oeuvre de l'ensemble des fondations ; qu'il en résulte que c'est à partir de la date de réception des travaux de reprise « pris dans leur ensemble », soit à la fin de la troisième tranche « qui constitue l'achèvement de l'ensemble le 8 novembre 2004 », que doit être fixé le point de départ de la garantie décennale du constructeur ; que c'est donc à bon droit que la société AGF affirme que la compagnie SMABTP doit sa garantie sur la totalité des travaux, soit à hauteur de 202. 849, 89 €, correspondant au montant des réparations des désordres rendant l'immeuble impropre à sa destination ;

1°/ ALORS QUE le point de départ du délai de l'action en garantie décennale est fixé à la date de la réception des travaux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la réparation des désordres de fissuration de l'ouvrage était intervenue selon « trois paliers successifs », qui avaient fait l'objet de réceptions et de facturations distinctes les 26 juillet 1993, 25 avril 1994 et 8 novembre 1994 ; qu'en décidant néanmoins, pour considérer que l'action relative aux deux premières tranches n'étaient pas prescrite, que ces travaux constituaient « un ensemble indissociable », la cour d'appel a violé les articles 1792 et 2270 ancien du code civil ;

2°/ ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a soulevé d'office, sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré de la qualification « d'ensemble indissociable » qui, selon elle, permettait de fixer le point de départ de l'action en garantie décennale à la date d'achèvement de travaux intervenus suivant trois phases successives ayant donné lieu à des facturations et réceptions distinctes ; que, partant, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile :

3°/ ALORS QUE le rapport d'expertise de M. Y... mentionnait que « chacune des trois reprises par inicropieux (...) constitue un ensemble » ; que, dès lors, en affirmant « qu'il résulte des explications de l'expert que ces trois reprises constituent un ensemble indissociable dont la troisième tranche est l'achèvement », pour en déduire que « c'est à partir de la date de réception des travaux de stabilisation, c'est-à-dire à la fin de la troisième tranche qui constitue l'achèvement de l'ensemble le 8 novembre 2004, que court la garantie décennale du constructeur », la cour d'appel a dénaturé le rapport de l'expert et, partant, violé l'article 1134 du code civil."