Taxe d'habitation et responsabilité du notaire (vendredi, 29 avril 2011)

Un arrêt sur ce sujet :

 

"Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Nogent-sur-Seine, 20 novembre 2009) que, suivant acte du 16 janvier 2004 passé devant M. X..., notaire, M. Y... a acquis de M. Z... un immeuble situé... à Romilly-sur-Seine ; qu'estimant n'avoir pas été dûment informé de la portée de la clause mettant à sa charge la taxe d'habitation afférente à l'année 2004, il a saisi par déclaration la juridiction de proximité afin d'obtenir la condamnation de M. X... à lui payer des dommages intérêts correspondant au montant de cette taxe ; que la société notariale X... et B... est intervenue volontairement en lieu et place de M. X..., notaire ; 

Attendu que la société notariale fait grief au jugement de l'avoir condamnée à lui payer cette taxe, alors, selon le moyen : 

1°/ que le notaire n'a pas à expliquer aux parties les conséquences d'une clause dont les termes clairs et précis suffisent à les informer de la teneur et de la portée de leurs obligations ; qu'en considérant que M. X... aurait dû expliquer à M. Y... les conséquences de la clause de l'acte de vente du 16 janvier 2004 mettant à sa charge la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 et attirer son attention sur le fait que cette clause avait été ajoutée par rapport au compromis de vente du 7 juillet 2003, quand cette clause, dont elle a elle-même relevé qu'elle indiquait que « les parties précisent que la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 sera intégralement à la charge de l'acquéreur » et avait été lue à voix haute, informait clairement et précisément M. Y... de ses obligations fiscales, sans qu'il soit nécessaire que le notaire explique plus avant les conséquences de cette clause, toutes entières contenues dans sa formulation, ou mette en garde contre son ajout, ce qui n'aurait rien apporté, la Juridiction de proximité a violé l'article 1382 du code civil ; 

2°/ que le notaire ne peut voir sa responsabilité engagée que s'il est établi que, mieux informé, le demandeur en réparation n'aurait pas subi le préjudice qu'il invoque ; qu'en affirmant que M. Y... était fondé à demander réparation de la somme de 3 952, 72 euros au titre du paiement de la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 qui serait résulté du manquement de M. X... à son devoir de conseil, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dûment informé de ce qu'il devait payer cette taxe d'habitation, M. Y... aurait pu échapper à ce règlement en obtenant des époux Z... qu'ils supportent le poids de cette taxe, la Juridiction de proximité a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 

Mais attendu que la juridiction de proximité a relevé qu'il ressortait du compromis de vente signé le 7 juillet 2003 que l'entrée en jouissance devait intervenir le 31 décembre 2003, qu'elle avait cependant été reportée du fait du vendeur sans que la question des conséquences de ce report sur la taxe d'habitation n'ait été évoquée dans les échanges de correspondances entre les parties ni que le notaire n'ait indiqué qu'une clause à ce sujet avait été ajoutée à l'acte authentique par rapport au compromis de vente, ce dont il résultait que cette clause la mettant à la charge de l'acquéreur pour l'année 2004 n'avait pas été négociée ; qu'elle a pu en déduire que sa simple lecture lors de la signature de l'acte de vente sans que le notaire ne rappelle les règles fiscales auxquelles elle dérogeait, n'assurait pas, à elle seule, une information suffisante de l'acquéreur sur la portée de l'engagement qu'elle contenait ; 

Et attendu qu'il ne résulte ni du jugement ni des pièces de la procédure que le notaire ait soutenu devant la juridiction de proximité que le préjudice de l'acquéreur n'était pas consommé ; 

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE les pourvois ; 

Condamne la SCP X... B... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP notariale, la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 300 euros ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille onze. MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit aux pourvois n° T 10-13. 948 et n° W10-30. 534 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux conseils pour la société X... B..., 

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... a manqué à son obligation de conseil à l'égard de Monsieur Y..., partie à l'acte de vente du janvier 2004, en ne l'informant pas des conséquences de l'ajout de la clause selon laquelle « les parties précisent que la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 sera intégralement à la charge de l'acquéreur » et d'AVOIR en conséquence condamné la SCP X...-B... à payer à Monsieur Y... la somme de 3. 952, 72 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision ; 

AUX MOTIFS QUE l'article 1147 du Code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; que l'article 1315 du même Code prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que dans le cadre de leurs obligations, les notaires sont tenus d'éclairer les parties sur la portée des actes par eux dressés, c'est-à-dire les conséquences et les risques des actes qu'ils authentifient ; que, par ailleurs, le devoir de conseil du notaire, complément nécessaire du devoir d'authentification, procède comme ce dernier de la mission de service public dont est investi cet officier ministériel ; que c'est ainsi qu'un notaire doit, lors de la rédaction des actes, s'attacher à réaliser exactement les buts poursuivis par ses clients, et ce, quel que soit son degré de participation en la matière ; qu'il convient de souligner que l'obligation qui pèse sur Maître X..., en sa qualité de professionnel et rédacteur de l'acte est d'autant plus importante que Monsieur Y... est pour sa part un profane ; que, par ailleurs, il convient de souligner que le notaire rédacteur d'un acte est tenu d'un devoir de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte et en conséquence Maître X... ne saurait se dégager de sa responsabilité en invoquant le devoir de conseil du notaire de l'acquéreur ; qu'il incombe au demandeur de prouver que Maître X..., notaire rédacteur de l'acte ayant formalisé la vente intervenue le 16 janvier 2004, n'a pas traduit dans la rédaction des actes l'intention exprimée par les cocontractants et qu'il a omis de ce fait d'assurer l'efficacité de l'acte ou a manqué à son devoir de conseil en ajoutant dans cet acte authentique la clause relative à la taxe d'habitation ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... produit aux débats différentes pièces aux fins de démontrer que la clause relative à la taxe d'habitation insérée à l'acte de vente du 16 janvier 2004, au terme de laquelle « les parties précisent que la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 sera intégralement à la charge de l'acquéreur » l'a été sans que les conséquences de cette clause lui soient expliquées ; qu'il ressort du compromis de vente signé le 7 juillet 2003 que l'entrée en jouissance devait intervenir le 31 décembre 2003 ; qu'il ressort par ailleurs des différents courriers échangés, et cela n'est pas contesté, que l'entrée en jouissance a été retardée du seul fait du vendeur qui n'a pu libérer les lieux à la date convenue initialement ; qu'il ressort également des courriers échangés entre les parties pour prendre en compte ce report de date d'entrée en jouissance qu'à aucun moment la question des conséquences de ce report sur la taxe d'habitation n'a été évoquée ; qu'enfin, si la lecture à voix haute des clauses du contrat lors de la réunion de signature n'est pas contestée par Monsieur Y..., il ressort de l'attestation de Monsieur A..., régulière en la forme, que lors de cet acte Maître X... n'a pas indiqué qu'une clause relative à la taxe d'habitation avait été ajoutée ; que, par ailleurs, l'acte notarié devait à l'origine n'être que la régularisation du compromis de vente signé devant l'agence immobilière ; et que, quant bien même la date d'entrée en jouissance a été reportée, l'économie de l'acte devant notaire s'inscrivait nécessairement dans le compromis initial ; que, de ce fait, la caducité de ce dernier, du fait de la non régularisation à la date prévue, est sans incidence sur ce point, et ce d'autant que cette caducité n'est pas du fait de l'acquéreur ; qu'en conséquence, il y a lieu de dire que Maître X... a manqué à son obligation de conseil à l'égard de Monsieur Y..., partie à l'acte de vente du 16 janvier 2004, en ne l'informant pas des conséquences de l'ajout de la clause selon laquelle « les parties précisent que la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 sera intégralement à la charge de l'acquéreur » ; que l'article 1415 du Code général des impôts prévoit que la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ; que, dans un premier temps, l'entrée en jouissance devait intervenir le 31 décembre 2004 et la taxe d'habitation aurait alors été à la charge de l'acquéreur ; qu'après avoir été informé du report de la date d'entrée en jouissance, Monsieur Y... pouvait raisonnablement penser que le Code général des impôts trouverait application et qu'il ne serait pas considéré comme redevable de la taxe d'habitation pour l'année 2004, et ce d'autant que le sujet n'a pas été évoqué dans la préparation de l'acte de vente ; que Monsieur Y... se trouve dès lors fondé à demander réparation de son entier préjudice résultant du manquement à l'obligation de conseil de Maître X... ; qu'en conséquence, il y a lieu de condamner la SCP X...- B... à payer à Monsieur Y... la somme de 3. 952, 72 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ; 

1°) ALORS QUE le notaire n'a pas à expliquer aux parties les conséquences d'une clause dont les termes clairs et précis suffisent à les informer de la teneur et de la portée de leurs obligations ; qu'en considérant que Monsieur X... aurait dû expliquer à Monsieur Y... les conséquences de la clause de l'acte de vente du 16 janvier 2004 mettant à sa charge la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 et attirer son attention sur le fait que cette clause avait été ajoutée par rapport au compromis de vente du 7 juillet 2003, quand cette clause, dont elle a elle-même relevé qu'elle indiquait que « les parties précisent que la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 sera intégralement à la charge de l'acquéreur » et avait été lue à voix haute, informait clairement et précisément Monsieur Y... de ses obligations fiscales, sans qu'il soit nécessaire que le notaire explique plus avant les conséquences de cette clause, toutes entières contenues dans sa formulation, ou mette en garde contre son ajout, ce qui n'aurait rien apporté, la Juridiction de proximité a violé l'article 1382 du Code civil

2°) ALORS en toute hypothèse QUE le notaire ne peut voir sa responsabilité engagée que s'il est établi que, mieux informé, le demandeur en réparation n'aurait pas subi le préjudice qu'il invoque ; qu'en affirmant que Monsieur Y... était fondé à demander réparation de la somme de 3. 952, 72 euros au titre du paiement de la taxe d'habitation afférente à l'année 2004 qui serait résulté du manquement de Monsieur X... à son devoir de conseil, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dûment informé de ce qu'il devait payer cette taxe d'habitation, Monsieur Y... aurait pu échapper à ce règlement en obtenant des époux Z... qu'ils supportent le poids de cette taxe, la Juridiction de proximité a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil."