Caducité du règlement du lotissement et responsabilité du notaire (mercredi, 16 juin 2010)

Il ne faut pas évoquer la caducité du règlement du lotissement sans en être sûr :


"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 janvier 2006), que, par acte du 18 décembre 1991 passé devant M. Y..., notaire associé de la société civile professionnelle Y... Viberti Meunier Renucci Sallet, avec le concours de M. X..., notaire associé de la SCP X... Raffray, la société Euro delta immobilier Eurodim a vendu à la société civile La Favorite ("La Favorite") une parcelle faisant partie d'un lotissement régi par un cahier des charges du 28 août 1952 modifié par acte du 15 septembre 1952 ; que La Favorite a acquis ce lot avec un permis de construire dans le but d'y édifier un immeuble collectif sans tenir comptes des prescriptions "non aedificandi" et "non altius tollendi" du cahier des charges, les notaires ayant indiqué dans l'acte de vente que les règles d'urbanisme du cahier des charges étaient devenues caduques ; que par acte du 30 mars 1994, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Rose Lawn, auquel se sont joints par la suite M. Z... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Californie Favorite, autres colotis, a assigné La Favorite en sollicitant la démolition de toutes les constructions établies en violation du cahier des charges ;

 

que cette dernière a appelé en garantie les notaires et leur assureur, Les Mutuelles du Mans assurances (MMA) ; qu'en cause d'appel, elle a formé une demande en garantie à l'encontre de M. A..., architecte ayant été chargé du dossier du permis de construire ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi n° K 06-14.270 et les premier et deuxième moyens du pourvoi n° H 06-14.566 réunis, ci-après annexés :

 

Attendu, d'une part, que La Favorite n'ayant pas soutenu que lorsque l'autorité administrative subordonne son approbation à la condition que toute modification du cahier des charges soit soumise à son examen, toutes les dispositions du cahier des charges procèdent nécessairement des rapports entre les colotis et l'administration, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

 

Attendu, d'autre part, qu'après avoir exactement énoncé que la seule reproduction ou mention dans le cahier des charges du lotissement de ce qui était appelé le programme d'aménagement annexé au plan d'urbanisme de la commune de Cannes ne conférait pas de valeur contractuelle aux dispositions rappelées dans cet acte qui étaient devenues caduques, la cour d'appel qui, recherchant la commune intention des parties, a retenu souverainement que les dispositions, fixées pour la servitude "non altius tollendi" lot par lot, visant à préserver le cadre de vie des colotis en évitant que ceux-ci ne soient privés de vue ou n'aient qu'une vue sur une autre construction constituaient des contraintes propres à ce lotissement, permettant d'y maintenir un environnement peu construit correspondant au souci de la protection de la qualité de ce lotissement, a pu en déduire, sans violer les dispositions des articles L. 315-2-1, L. 111-5 et R. 315-9 du code de l'urbanisme, qu'elles édictaient des règles contractuelles dont tout coloti était en droit d'exiger le respect ;

 

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

 

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° K 06-14.270, ci-après annexé :

 

Attendu qu'en retenant que, pour délivrer le permis de construire, le maire de la commune n'était pas tenu de prendre en considération les dispositions contractuelles et qu'il appartenait aux notaires, le droit sur la question n'étant pas défini avec précision, d'attirer l'attention de l'acquéreur sur l'existence de dispositions du cahier des charges paraissant contredire le projet de construction et de l'inviter à prendre contact avec l'association syndicale du lotissement ou avec les colotis au lieu d'affirmer péremptoirement que les dispositions litigieuses étaient obsolètes, la cour d'appel, qui en a déduit, à bon droit que les notaires rédacteurs avaient manqué de prudence dans leur devoir de conseil, commettant ainsi une faute engageant leur responsabilité civile professionnelle, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

 

Sur le troisième moyen du pourvoi n° H 06-14.566 ci-après annexé :

 

Attendu que M. A... et la société La Favorite, défendeurs, n'ayant formé, en première instance, aucune demande l'un à l'égard de l'autre, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en constatant que la demande en garantie formée devant elle pour la première fois par la société La Favorite à l'encontre de M. A... était nouvelle ;

 

Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° K 06-14.270 :

 

Vu l'article 1382 du code civil ;

 

Attendu que, pour débouter les notaires et leur assureur de leur demande en garantie dirigée à l'encontre de M. A..., architecte, l'arrêt retient qu'ils n'ont pas à être garantis des conséquences de leur faute, commise en tant que professionnels du droit, rédacteurs d'actes, due à un manque de prudence dans l'exercice de leur obligation de conseil, que les notaires étaient plus en mesure que l'architecte d'apprécier la situation complexe due à ce cahier des charges et qu'ils sont particulièrement mal venus de tenter de se rabattre vers celui-ci pour se défausser de leur responsabilité ;

 

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'architecte avait commis une faute, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les notaires et la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD de leur demande en garantie formée à l'encontre de M. A..., l'arrêt rendu le 9 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

 

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

 

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne M. X..., la SCP Y... Viberti Meunier Renucci Sallet, devenue la SCP Y... Meunier Renucci Rose Wohl-Dahan, la société Les Mutuelles du Mans assurances IARD, M. Y... et la SCP X... Raffray à payer, ensemble, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Rose Lawn la somme de 1 000 euros et, ensemble, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Californie Favorite et à M. Z... la somme de 1 000 euros ; condamne la société La Favorite à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Rose Lawn la somme de 1 000 euros et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Californie Favorite et à M. Z..., ensemble, la somme de 1 000 euros ; rejette les autres demandes de ce chef ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille sept."