Ne pas exploiter de fonds de commerce n'est pas une cause de résiliation du bail (mardi, 08 septembre 2009)

Ainsi jugé par cet arrêt, mais la solution serait différente si une stipulation contractuelle le prévoyait :

"Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble l'article L. 145-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 2007), que la société civile immobilière Liberté 11, propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à M. X..., a assigné ce dernier aux fins de voir prononcer la résiliation du bail pour défaut d'exploitation des locaux ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il est établi que M. X... n'exploitait plus les locaux depuis plusieurs années, sans pouvoir établir un motif sérieux et légitime ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune stipulation expresse du bail ne faisait obligation au preneur d'exploiter son fonds de commerce dans les locaux loués, la cour d'appel a violé les textes susvisés
;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Liberté 11 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Liberté 11 à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Liberté 11 ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la « résiliation » du bail commercial du 28 juin 1979, renouvelé entre les parties à compter du 1er octobre 1997 pour une durée de 9 années, aux torts exclusifs de Monsieur X....

AUX MOTIFS PROPRES QU'à l'appui de son appel, Monsieur X... fait plaider la force majeure, son état de santé ne lui permettant plus d'exercer ni son activité de coiffeur, ni aucune autre activité commerciale, et qui s'opposerait à la résiliation prononcée par le Tribunal ;

Que d'autre part, il reprend une argumentation déjà développée vainement devant le Tribunal, et selon laquelle la société LIBERTE 11 aurait fait échouer tous ses projets de cession de son droit au bail, en lui refusant la délivrance des pièces dont il avait besoin pour cette opération. Toujours selon lui, la société LIBERTE 11, propriétaire de l'immeuble depuis juillet 1999, refuse de lui remettre le « document contractuel attestant de la qualité de locataire et de l'exigence du bail pourtant reconduit judiciairement ». Elle aurait également refusé « depuis l'origine de lui délivrer des quittances de loyers », bien qu'il fût à jour de ses règlements ;

Qu'il ajoute : « C'est bien l'absence de bail et (de) quittances de loyers pour le paiement en cours qui a dissuadé les acheteurs potentiels » ;

Que si l'état de santé du preneur mérite d'être pris en considération dans l'appréciation de la faute invoquée à l'appui d'une demande de résiliation d'un bail commercial fondée sur le défaut d'exploitation des locaux, il ne saurait faire échec à une telle demande, lorsqu'il est établi que la cessation d'activité durait depuis trois ans, pour le moins, et que l'activité n'avait pas repris lorsque le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice a été rendu ;

Que de plus, les éléments d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, constitutifs de la force majeure ne sont pas réunis dans un événement tel que la maladie de l'une des parties, dans le cas d'espèce où le fonds aurait pu continuer d'être sous-loué ou être proposé à la location gérance ;

Qu'en second lieu, il n'est nullement démontré que la société LIBERTE 11 aurait mis un obstacle quelconque à la cession du bail ou du fonds de commerce. Contrairement à ce que prétend l'appelant, celui-ci était en possession d'un titre locatif, le bail d'origine et de l'arrêt rendu le 11 décembre 2003 faisant la preuve de ses droits, l'absence de quittancement, serait-il démontré, ne faisant pas obstacle à la cession que l'intéressé voulait réaliser ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte des constats d'huissiers établis et produits à la diligence de la demanderesse que le local, objet du bail commercial initial du 28 juin 1979, ne fait plus l'objet d'aucune exploitation commerciale depuis, à minima le 28 décembre 2000, date du premier constat, soit depuis plus de quatre années ;

Qu'au surplus, le défendeur ne conteste pas ce défaut d'exploitation depuis cette date, en ce qu'il confirme que depuis la fin de l'année 2000, ses sous-locataires lui avaient donné congé et qu'il n'a pu trouver un autre sous-locataire ni, par la suite, céder son droit au bail ni, enfin, céder son fonds de commerce ;

Qu'il résulte de la lecture du bail commercial, que l'obligation d'exploiter est expressément prévue au bail, sous sanction du jeu de la clause résolutoire ;

Que la bailleresse a régulièrement fait sommation, le 12 janvier 2001, à son locataire de reprendre son exploitation du local donné à bail commercial ;

Qu'il convient d'indiquer que les dispositions de l'article L 145-42 du code du commerce (ancien article 34-7 du décret du 30 septembre 1953) telles que sus-rappelées, dont le défendeur indique se prévaloir pour revendiquer la cessation des clauses de résiliation de plein droit, ne peuvent recevoir application qu'en cas de cessation d'activité lorsque celle-ci résulte du temps nécessaire à la transformation entraînée par la déspécialisation de l'activité commerciale visée au bail ;

Qu'en l'occurrence, le défendeur ne prétend pas avoir cessé son activité pour cause de déspécialisation et les dispositions de l'article L 145-42 du code de commerce ne peuvent en conséquence trouver application ;

Qu'en outre, le défendeur expose également avoir mis en vente son droit au bail et affirme par la suite que « le blocage de la vente du fonds de commerce appartenant à Monsieur Félix X... était parfaitement orchestré » par la demanderesse et l'agence immobilière à laquelle il avait confié un mandat ;

Qu'il convient de constater que Félix X... ne rapporte nullement la preuve de ses affirmations péremptoires ;

Que de surcroît, il ne rapporte pas plus la preuve de son affirmation, selon laquelle son défaut d'exploitation, constaté depuis le 28 décembre 2000, serait imputable à la seule faute ou du seul fait de la bailleresse ;

Que d'ailleurs, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 28 août 2001, que Félix X... avait, à cette date, confié un mandat aux mêmes fins à une autre agence immobilière en lieu et place de la précédente ;

Qu'enfin, il convient de constater que Félix X... ne justifie pas, par des motifs légitimes, sa cessation totale de l'exploitation commerciale depuis plus de quatre ans ;

Qu'en conséquence, il y a lieu d'ordonner la résiliation du bail commercial du 28 juin 1979, renouvelé entre les parties à compter du 1er octobre 1997 pour une durée de neuf années, aux torts exclusifs de Félix X... et l'expulsion de celui-ci, ainsi que de tout occupant de son chef, des lieux loués au ..., et ce, au besoin avec le concours de la force publique ;

1°/ ALORS QUE le bail commercial du 28 juin 1979 renouvelé le 1er octobre 1997 ne stipulait aucune clause de résiliation de plein droit pour défaut d'exploitation du fonds ni pour cessation d'activité du preneur ; qu'en prononçant dès lors la résiliation dudit bail pour défaut d'exploitation du fonds par le preneur, sur le fondement de l'obligation d'exploiter stipulée au bail sous sanction du jeu de la clause résolutoire, la Cour d'appel a dénaturé ledit bail, violant l'article 1134 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE seul un manquement aux obligations nées du bail peut être sanctionné par la résiliation de celui-ci ; qu'en prononçant dès lors la résiliation du bail pour défaut d'exploitation du fonds, en l'absence de clause imposant une telle exploitation au preneur, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1741 et 1184 du Code civil."