Construction malgré sursis à exécution du permis et construction sans permis (Affaire Pessino) (lundi, 23 février 2009)

Cet arrêt juge que la première ne peut être assimilée à la seconde pour l’application de la loi pénale (voyez aussi la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, ci-dessous) :

 

 

 

« Statuant sur le pourvoi formé par M. Dominique X..., domicilié ...,

 

contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2001 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (7e chambre des appels correctionnels), qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamné à 1 500 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de l'arrêt et sous astreinte, la remise en état des lieux ;

 

Par arrêt du 6 mai 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi ;

 

M. X... a saisi la Cour européenne des droits de l'homme qui, par arrêt du 10 octobre 2006, a dit qu'il y avait eu violation de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

A la suite de cet arrêt, M. X... a présenté une requête devant la commission de réexamen d'une décision pénale, tendant au réexamen du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, cette commission a renvoyé l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière ;

 

Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

 

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Y... le 27 décembre 2001 ;

 

Le rapport écrit de M. André, conseiller, et l'avis écrit de M. Mouton, avocat général, ont été mis à la disposition de Me Y... ;

 

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 30 janvier 2009, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Z..., A..., MM. Gillet, Pelletier, présidents, M. Peyrat, conseiller doyen, remplaçant M. le président Lacabarats empêché, M. Pluyette, conseiller doyen, remplaçant M. le président Bargue empêché, M. André, conseiller rapporteur, MM. B..., C..., D... de Givry, Philippot, Mmes E..., F..., G..., M. H..., Mme I..., M. J..., Mme Radenne, conseillers, M. Mouton, avocat général, Mme K..., Directeur de greffe ;

 

Sur le rapport de M. André, conseiller, assisté de Mme Calvez, auditeur au service de documentation et d'études, les observations de Me Y..., l'avis de M. Mouton, avocat général, auquel Me Y... invité à le faire, a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 10 octobre 2006 ayant dit qu'il y a eu violation de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

Vu les articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale ;

 

Vu la demande de réexamen, présentée par M. X..., de l'arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2002 ayant rejeté son pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 juillet 2001 l'ayant condamné à une amende de 1 500 000 francs (228 673,52 euros), à la démolition des travaux irrégulièrement exécutés et à la remise en état des lieux sous astreinte de 500 francs (76,22 euros) par jour de retard dans un délai de douze mois à compter de la décision, ainsi qu'à l'affichage de l'arrêt par extrait à la mairie de Cannes durant deux mois, et à sa publication par extrait dans le journal « Nice matin ».

 

 

Vu la décision de la Commission de réexamen d'une décision pénale du 17 janvier 2008, saisissant l'assemblée plénière de la Cour de cassation du réexamen du pourvoi ;

 

Vu le mémoire produit ;

 

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 421-9, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3, L. 480-4 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, 111-3 et 111-4 du code pénal, 2, 427, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ainsi que des principes de la légalité des délits et des peines et de l'interprétation stricte de la loi pénale :

 

Vu les articles 111-4 du code pénal et L. 480-4 du code de l'urbanisme ;

 

Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'il s'ensuit que la poursuite de travaux malgré une décision de la juridiction administrative prononçant le sursis à exécution du permis de construire n'est pas constitutive de l'infraction de construction sans permis prévue par le second de ces textes ;

 

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société civile immobilière Brougham, ayant M. X... pour gérant, a obtenu un permis de construire en vue d'édifier un hôtel ; que, saisie d'une action engagée par une association de défense, la juridiction administrative a ordonné le sursis à exécution dudit permis ; qu'ayant poursuivi la construction de l'hôtel postérieurement à la notification du jugement, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article L. 480-3 du code de l'urbanisme pour avoir exécuté des travaux nonobstant le jugement qui avait ordonné le sursis à exécution du permis de construire délivré ;

 

Attendu que, pour requalifier les faits et déclarer le prévenu coupable du délit de construction sans permis prévu par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme après avoir constaté que la décision du tribunal administratif n'avait été suivie d'aucun arrêté prescrivant l'interruption des travaux, les juges du second degré retiennent que M. X..., informé de la décision de sursis à exécution par la notification du jugement, était tenu de les interrompre, le permis de construire étant suspendu ;

 

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2001, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

 

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

 

DIT que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize février deux mille neuf. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Moyen produit par Me Y..., avocat aux Conseils pour M. Dominique X....

 

Moyen annexé au présent arrêt.

 

 

MOYEN DE CASSATION : violation des articles L.421-1, L.421-3, L.421-9, L.480-1, L.480-2, L.480-3, L.480-4, L.480-5 et L.480-7 du Code de l'urbanisme, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 

 

EN CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré Monsieur X... coupable d'avoir à CANNES du 25 octobre 1993 au 16 novembre 1993 exécuté des travaux, en l'espèce des travaux de gros oeuvre du 5ème et du 6ème étages et d'aménagement d'un hôtel, sans permis de construire ;

 

 

AUX MOTIFS QUE les juridictions répressives ont le droit et le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes les qualifications dont ils sont susceptibles ; qu'elles peuvent toujours retenir des qualifications différentes de l'acte de poursuite à la condition toutefois que celles-ci s'appliquent aux faits dont elles sont saisies et ne comportent aucun élément nouveau ; qu'en l'espèce, il est reproché au prévenu d'avoir exécuté des travaux nonobstant le jugement qui avait ordonné le sursis à exécution du permis de construire délivré ; que la citation vise l'article L.480-3 réprimant l'exécution de travaux malgré un arrêté interruptif de travaux ; que le fait que les travaux aient été poursuivis après le jugement du tribunal administratif, établi par le procès-verbal de l'agent de la mairie et l'expertise n'est pas contesté ; qu'en droit le juge administratif peut décider du sursis à exécution dans toutes les instances en matière d'urbanisme ; que lorsque, tel est le cas d'espèce, la décision en cause est un permis de construire, l'article R.122 (dans la numérotation en vigueur au moment des faits, du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel), prévoit que le jugement prescrivant le sursis à exécution d'une décision administrative est dans les 24 heures notifié aux parties en cause ainsi qu'à l'auteur de cette décision et énonce expressément : "Les effets de ladite décision sont suspendus à partir du jour où son auteur reçoit cette notification" ; que l'article R.125 précise que le recours devant la cour administrative d'appel n'a pas d'effet suspensif, sauf, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, si la cour en décide autrement ; qu'il s'en déduit qu'à compter de la date de la notification du jugement, soit à compter du 25 octobre 1993, et non à compter du prononcé du jugement, comme l'ont estimé à tort les premiers juges, le prévenu, gérant de la SCI, et à ce titre informé du jugement de sursis à exécution, était tenu d'arrêter les travaux, puisqu'à compter de cette date, le permis de construire était suspendu ; que le fait que ni le maire ni à défaut le représentant de l'État dans le département, n'aient cru devoir prescrire par arrêté l'interruption des travaux comme le prévoit l'article L.480-2 alinéa 10 dans tous les cas de construction sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de juridiction administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution du permis de construire, a seulement pour conséquence que le prévenu ne pouvait être poursuivi et condamné pour construction malgré arrêté interruptif de travaux ; que pour autant l'absence de poursuites à cet égard n'implique nullement que les faits d'exécution de travaux tels que visés à la prévention ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ; qu'en effet les faits commis par le prévenu constituent non le délit prévu par l'article L.480-3 visé dans la prévention, mais celui d'exécution de travaux sans permis de construire préalable, prévu et réprimé par les articles L.421-1, L.480-1, L.480-4, L.480-5 alinéas 1 et 2, L.480-7 du Code de l'urbanisme, commis à compter du 25 octobre 1993 jusqu'au 16 novembre 1993 ; que le conseil du prévenu a été invité par le président au cours des débats et de la plaidoirie à s'expliquer sur cette qualification ; qu'il y a lieu de déclarer le prévenu coupable de cette infraction mieux qualifiée ;

 

 

ALORS QUE la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le fait de continuer les travaux entrepris malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à l'exécution du permis de construire, et dont le bénéficiaire a eu connaissance, ne constitue pas une infraction pénale et ne caractérise en particulier ni l'infraction de l'article L.480-3 du Code de l'urbanisme dès lors que l'exécution desdits travaux n'a pas été précédée d'un arrêté du maire ou du préfet prescrivant leur interruption, ni le délit de construction sans permis prévu à l'article L.480-4 du même Code dès lors que la juridiction administrative n'avait pas, au moment de la continuation des travaux, annulé le permis de construire sur le fondement duquel ceux-ci ont été entrepris ; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance qu'à compter de la notification du jugement ordonnant le sursis à exécution du permis de construire, soit à compter du 25 octobre 1993, le prévenu était tenu d'arrêter les travaux, puisqu'à compter de cette date le permis était suspendu, pour en déduire que faute de l'avoir fait il s'était rendu coupable du délit d'exécution de travaux sans permis de construire préalable, commis en l'espèce du 25 octobre au 16 novembre 1993, la cour d'appel, qui a méconnu le principe de la légalité criminelle et le principe d'interprétation stricte de la loi pénale, a violé les textes susvisés.

 

 

La décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme :

 

En l’affaire Pessino c. France,

 

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

 

MM. A.B. Baka, président,

  J.-P. Costa,

  I. Cabral Barreto,

 Mmes A. Mularoni,

  E. Fura-Sandström,

  D. Jočienė,

 MM. D. Popović, juges,

  R. Türmen,

  M. Ugrekhelidze, juges suppléants,

et de Mme S. Dollé, greffière de section,

 

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 septembre 2006,

 

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

 

PROCÉDURE

 

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 40403/02) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Dominique Pessino (« le requérant »), a saisi la Cour le 31 octobre 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

 

2.  Le requérant est représenté par Me H. Charles, avocat à Nice. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, Directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

 

3.  Le 25 août 2005, le Président de la deuxième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, il a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

 

EN FAIT

 

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

 

4.  Le requérant est né en 1924 et réside à Menton.

 

5.  Le 27 octobre 1992, la société civile immobilière (SCI) dont le requérant était gérant, obtint du maire de Cannes un permis de construire un hôtel.

 

6.  Sur requête d’une association de défense, le tribunal administratif de Nice ordonna le 11 octobre 1993 le sursis à exécution du permis. Une lettre recommandée notifiant le jugement fut présentée à la société le 19 octobre 1993, mais ne fut retirée que le 25 octobre 1993. La SCI interjeta appel le jour même.

 

7.  Le 2 novembre suivant, un agent assermenté de la ville de Cannes constata la poursuite des travaux.

 

8.  Le 6 octobre 1994, un nouveau permis fut délivré à la SCI.

 

9.  Le 6 avril 1995, le tribunal administratif de Nice annula, par deux jugements distincts et pour des motifs différents, les deux permis de construire.

 

10.  Le 26 juin 1995, l’association défense de Cannes déposa plainte. Une information fut ouverte pour infraction à la législation sur l’urbanisme. Un expert constata que les superstructures de l’immeuble étaient montées du quatrième au sixième étage inclus entre le 4 octobre 1993 et le 3 novembre 1993. Il ajouta toutefois qu’après le 28 octobre 1993, date de la prise de possession de la lettre recommandée, les travaux semblaient avoir consisté à terminer le niveau en cours de réalisation pour éviter sa dégradation dans le temps.

 

11.  Le 9 février 2000, le tribunal de grande instance de Grasse déclara le requérant coupable d’avoir exécuté des travaux de gros œuvre nonobstant le jugement du 11 octobre 1993 ordonnant le sursis à exécution, faits prévus par les articles L 480-4 et L 480-7 du code de l’urbanisme. Il le condamna à 1 500 000 FF d’amende, ordonna la démolition des travaux exécutés irrégulièrement, avec astreinte de 500 FF par jour de retard.

 

12.  Par arrêt du 3 juillet 2001, la cour d’appel d’Aix-en-Provence rappela tout d’abord que les juridictions répressives ont le droit et le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes les qualifications dont ils sont susceptibles de relever et qu’elles peuvent toujours retenir des qualifications différentes de l’acte de poursuite à la condition qu’elles s’appliquent aux faits dont elles sont saisies et ne comportent aucun élément nouveau.

 

Elle constata que l’interruption des travaux n’ayant pas été ordonnée comme le prévoit l’article L 480-2 du code de l’urbanisme, le requérant ne pouvait être poursuivi et condamné pour construction malgré arrêté interruptif de travaux.

 

Elle considéra en revanche que les faits commis par le requérant constituaient le délit d’exécution de travaux sans permis de construire préalable, prévu et réprimé par les articles L 421-1, L 480-1, L 480-4, L 480-5 et L 480-7 du code de l’urbanisme. Elle nota que le conseil du requérant avait été invité à s’expliquer sur cette requalification au cours des débats et de la plaidoirie.

 

Elle estima qu’il y avait lieu de déclarer le requérant coupable de cette infraction mieux qualifiée et « qu’eu égard à la valeur de la construction, à la particulière mauvaise foi du prévenu qui s’est manifestement hâté de faire terminer la construction, en cherchant à placer les autorités devant le fait accompli, l’amende est équitable. »

 

La cour d’appel ordonna également la démolition des travaux exécutés irrégulièrement à compter du 25 octobre 1993 et la remise en l’état des lieux sous astreinte.

 

13.  Le requérant se pourvut en cassation. Il soutenait que la loi pénale est d’interprétation stricte et que le fait de continuer des travaux entrepris malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à exécution du permis de construire, et dont le bénéficiaire a eu connaissance, ne constituait pas une infraction pénale. Il ne caractérisait en particulier pas l’infraction prévue à l’article L 480-3 du code de l’urbanisme dès lors que l’exécution de ces travaux n’avait pas été précédée d’un arrêté prescrivant leur interruption ou celle prévue à l’article L 480-4 dès lors que le permis de construire n’avait pas été annulé au moment de la continuation des travaux.

 

14.  Dans son arrêt du 6 mai 2002, la Cour de cassation se prononça comme suit :

 

« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 421-9, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3, L. 480-4, L. 480-5 et L. 480-7 du Code de l’urbanisme, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

 

" en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Dominique X... coupable d’avoir à Cannes du 25 octobre 1993 au 16 novembre 1993 exécuté des travaux, en l’espèce des travaux de gros oeuvre du 5e et du 6e étages et d’aménagement d’un hôtel, sans permis de construire ;

 

" aux motifs que les juridictions répressives ont le droit et le devoir de caractériser les faits de la prévention sous toutes les qualifications différentes de l’acte de poursuite à la condition toutefois que celles-ci s’appliquent aux faits dont elles sont saisies et ne comportent aucun élément nouveau ; qu’en l’espèce, il est reproché au prévenu d’avoir exécuté des travaux nonobstant le jugement qui avait ordonné le sursis à exécution du permis de construire délivré ; que la citation vise l’article L. 480-3 réprimant l’exécution de travaux malgré un arrêté interruptif de travaux ; que le fait que les travaux aient été poursuivis après le jugement du tribunal administratif, établi par le procès-verbal de l’agent de la mairie et l’expertise, n’est pas contesté ; qu’en droit le juge administratif peut décider du sursis à exécution dans toutes les instances en matière d’urbanisme ; que, lorsque, tel est le cas d’espèce, la décision en cause est un permis de construire, l’article R. 122 (dans la numérotation en vigueur au moment des faits, du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel), prévoit que le jugement prescrivant le sursis à exécution d’une décision administrative est dans les 24 heures notifié aux parties en cause ainsi qu’à l’auteur de cette décision et énonce expressément : "Les effets de ladite décision sont suspendus à partir du jour où son auteur reçoit cette notification" ; que l’article R. 125 précise que le recours devant la cour administrative d’appel n’a pas d’effet suspensif, sauf, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, si la Cour en décide autrement ; qu’il s’en déduit qu’à compter de la date de la notification du jugement, soit à compter du 25 octobre 1993, et non à compter du prononcé du jugement, comme l’ont estimé à tort les premiers juges, le prévenu, gérant de la SCI, et à ce titre informé du jugement de sursis à exécution, était tenu d’arrêter les travaux, puisqu’à compter de cette date, le permis de construire était suspendu ; que le fait que ni le maire ni, à défaut, le représentant de l’Etat dans le département n’aient cru devoir prescrire par arrêté l’interruption des travaux comme le prévoit l’article L. 480-2, alinéa 10, dans tous les cas de construction sans permis de construire ou de constructions poursuivies malgré une décision de juridiction administrative ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution du permis de construire, a seulement pour conséquence que le prévenu ne pouvait être poursuivi et condamné pour construction malgré arrêté interruptif de travaux ; que, pour autant, l’absence de poursuites à cet égard n’implique nullement que les faits d’exécution de travaux tels que visés à la prévention ne sont susceptibles d’aucune qualification pénale ; qu’en effet les faits commis par le prévenu constituent non le délit prévu par l’article L. 480-3 visé dans la prévention, mais celui d’exécution de travaux sans permis de construire préalable, prévu et réprimé par les articles L. 421-1, L. 480-1, L. 480-4, L. 480-5, alinéas 1 et 2, L. 480-7 du Code de l’urbanisme, commis à compter du 25 octobre 1993 jusqu’au 16 novembre 1993 ; que le conseil du prévenu a été invité par le président au cours des débats et de la plaidoirie à s’expliquer sur cette requalification ; qu’il y a lieu de déclarer le prévenu coupable de cette infraction mieux qualifiée ;

 

" alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que le fait de continuer les travaux entrepris malgré une décision du juge administratif ordonnant le sursis à l’exécution du permis de construire, et dont le bénéficiaire a eu connaissance, ne constitue pas une infraction pénale et ne caractérise en particulier ni l’infraction de l’article L. 480-3 du Code de l’urbanisme dès lors que l’exécution desdits travaux n’a pas été précédée d’un arrêté du maire ou du préfet prescrivant leur interruption, ni le délit de construction sans permis prévu à l’article L. 480-4 du même Code dès lors que la juridiction administrative n’avait pas, au moment de la continuation des travaux, annulé le permis de construire sur le fondement duquel ceux-ci ont été entrepris ; qu’ainsi, en se déterminant par la circonstance qu’à compter de la notification du jugement ordonnant le sursis à exécution du permis de construire, soit à compter du 25 octobre 1993, le prévenu était tenu d’arrêter les travaux, puisqu’à compter de cette date, le permis était suspendu, pour en déduire que, faute de l’avoir fait, il s’était rendu coupable du délit d’exécution de travaux sans permis de construire préalable, commis en l’espèce du 25 octobre au 16 novembre 1993, la cour d’appel, qui a méconnu le principe de la légalité criminelle et le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, a violé les textes susvisés " ;

 

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, le 27 octobre 1992, la société civile immobilière Brougham, dont Dominique X... est le gérant, a obtenu un permis de construire en vue d’édifier un hôtel pour une surface hors oeuvre nette de 2 384 mètres carrés ; Qu’à la suite d’une action de l’association " Information et Défense de Cannes ", le tribunal administratif de Nice a, par jugement en date du 11 octobre 1993, ordonné le sursis à exécution dudit permis ;

 

Que sa décision a été confirmée par la cour administrative d’appel de Lyon le 29 mars 1994 et que le permis a été annulé par jugement du tribunal administratif de Nice le 6 avril 1995 ;

 

Attendu que, pour déclarer Dominique X... coupable de construction sans permis, les juges du second degré relèvent que le prévenu, informé de la décision de sursis à exécution par la notification du jugement, faite le 25 octobre 1993, a poursuivi les travaux jusqu’au 16 novembre 1993, exécutant pendant cette période des travaux de gros oeuvre des 5e et 6e étages de l’hôtel ;

 

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision au regard des articles L. 421-1 et L. 480-4 du Code de l’urbanisme ; qu’en effet, le constructeur ne peut se prévaloir d’aucun permis de construire lorsque l’exécution de celui-ci a été suspendue par une décision du juge administratif ;

 

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

 

REJETTE le pourvoi. »

 

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

 

Code de l’urbanisme

 

Article L421-1

 

« Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire.

 

Un décret en Conseil d’Etat arrête la liste des travaux exécutés sur des constructions existantes ainsi que des changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent également être précédés de la délivrance d’un tel permis. »

 

Article L480-1

 

« Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire. »

 

Article L480-3

 

« En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l’arrêté en ordonnant l’interruption, une amende de 75 000 euros et un emprisonnement de trois mois, ou l’une de ces deux peines seulement, sont prononcés par le tribunal contre les personnes visées à l’article L. 480-4 (2. alinéa). »

 

Article L480-4

 

« Les peines prévues à l’alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux.

 

Ces peines sont également applicables :

 

1.      En cas d’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux accessoires d’aménagement ou de démolition imposés par les autorisations visées au premier alinéa ;

 

2.      En cas d’inobservation, par les bénéficiaires d’autorisations accordées pour une durée limitée ou à titre précaire, des délais impartis pour le rétablissement des lieux dans leur état antérieur ou la réaffectation du sol à son ancien usage. »

 

 

Article L480-5

 

« En cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 160-1 et L. 480-4, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l’absence d’avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.

 

Le tribunal pourra ordonner la publication de tout ou partie du jugement de condamnation, aux frais du délinquant, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département, ainsi que son affichage dans les lieux qu’il indiquera. »

 

Article L480-7

 

« Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard.

 

Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté.

si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus.

Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »

 

Arrêt de la Cour de cassation (chambre criminelle) du 9 novembre 1993

 

« Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 421-9, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-4 du Code de l’urbanisme, des articles 2, 575, 2 et 6 , ainsi que 593 du Code de procédure pénale ;

 

"en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à renvoyer devant le tribunal correctionnel, du chef de l’infraction visée et réprimée par l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme, un propriétaire et son architecte pour avoir poursuivi les travaux entrepris malgré trois décisions du tribunal administratif ayant ordonné le sursis à l’exécution des permis de construire ;

 

"aux motifs qu’Allain et Beaudoux, en leurs qualités respectives de propriétaire et d’architecte, avaient poursuivi ou laissé poursuivre des travaux de construction malgré les jugements du tribunal administratif dont ils avaient eu connaissance ordonnant le sursis à exécution des permis de construire délivrés ; que, cependant, la juridiction administrative n’avait pas, au moment de ces continuations de travaux, annulé l’un ou l’autre des permis attaqués ; que si le maire de Douarnenez avait lui-même annulé le 12 novembre 1990 son précédent permis de construire du 18 avril 1990, il n’en demeurait pas moins que cette dernière décision, même s’il avait été sursis à son exécution, subsistait lors de la première période litigieuse, soit entre le 25 et le 29 septembre 1990 ; qu’il n’y avait donc pas eu, en l’espèce, construction sans permis ou après annulation d’un permis préalablement accordé ; qu’en conséquence, les faits reprochés aux inculpés ne pouvaient être poursuivis sur le fondement des dispositions de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme ; qu’aucune des décisions de la juridiction administrative ordonnant un sursis à exécution n’avait été suivie d’un arrêté du maire ou, à défaut, du préfet prescrivant l’interruption des travaux ; que, faute de cet élément matériel, les faits ne pouvaient davantage tomber sous le coup des dispositions de l’article L. 480-3 du Code de l’urbanisme punissant les personnes qui continuaient des travaux nonobstant un arrêté en ordonnant l’interruption ;

 

"alors que, d’une part, quiconque désire entreprendre une construction doit au préalable obtenir un permis de construire ; que ce permis est certes exécutoire de plein droit dès sa notification au requérant et sa transmission au représentant de l’Etat mais cesse de l’être aussitôt que le tribunal administratif, saisi au principal d’une demande en annulation, prend avant qu’il soit statué au fond, une décision de sursis à l’exécution ; que l’obligation d’obtenir avant tous travaux un permis de construire s’entend nécessairement d’un permis exécutoire en sorte que constitue bien l’infraction de construction sans permis, prévue et réprimée par l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme, la poursuite des travaux après décision du tribunal administratif ayant prononcé un sursis à l’exécution, décision qui fait légalement obstacle à la poursuite des travaux, peu important qu’ait été ou non pris, suite à la décision de sursis, un arrêté du maire ou du préfet ordonnant l’interruption ou que soit intervenue une décision judiciaire la prescrivant, la poursuite des travaux constituant alors l’infraction distincte, plus lourdement sanctionnée, visée et réprimée par l’article L. 480-3 du Code de l’urbanisme ; qu’en déclarant que les faits ne supportaient aucune qualification pénale au prétexte que les permis de construire subsistaient jusqu’à leur annulation, la chambre d’accusation a rendu en réalité une décision de refus d’informer ;

 

"alors que, d’autre part, dans leur plainte avec constitution de partie civile, les demandeurs avaient fait valoir que le sursis à exécution d’une autorisation de construire rendait inévitablement irréguliers les travaux que l’on continuait de réaliser après l’intervention d’une telle décision, en tout cas, dès sa notification aux parties en cause ; que la chambre d’accusation ne pouvait délaisser ce chef péremptoire des écritures des demandeurs concernant la portée de la décision de sursis à exécution et de sa notification, l’arrêt attaqué n’a pas satisfait aux conditions essentielles de son existence légale" ;

 

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et les pièces de la procédure permettent à la Cour de Cassation de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu rendue à la suite de l’information à laquelle le juge d’instruction a procédé sur la plainte des parties civiles, la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits, objet de cette information, a, répondant au mémoire des parties civiles, énoncé les motifs pour lesquels elle estimait que les faits poursuivis ne constituaient pas une infraction pénale ;

 

Que le moyen, sous couvert d’un prétendu refus d’informer et d’un prétendu défaut de réponse à conclusions, ne tend qu’à remettre en cause la valeur de ces motifs que la partie civile aux termes de l’article 575 du Code de procédure pénale, n’est pas admise à discuter à l’appui de son seul pourvoi contre un arrêt de la chambre d’accusation ;

 

Attendu qu’il n’est ainsi justifié d’aucun des griefs énumérés par le texte précité comme autorisant la partie civile à se pourvoir contre un tel arrêt en l’absence de recours du ministère public ;

 

DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE . »

 

Arrêt de la Cour de cassation (chambre criminelle) du 4 novembre 1998

 

« Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-13 du Code de l’urbanisme, 112-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

 

" en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d’avoir, à Toulouse, du 2 juillet 1990 au 4 mai 1993, construit un immeuble sans permis de construire, l’a condamné à une amende de 500 000 francs et a ordonné la publication du présent arrêt dans différents journaux ;

 

" aux motifs que la construction litigieuse a été achevée le 4 mai 1993 ; que l’arrêt du Conseil d’Etat du 23 juillet 1993 a expressément annulé l’arrêté du maire de Toulouse du 16 juin 1989 ayant autorisé la SMCI à effectuer les travaux en litige ; que l’affirmation du tribunal correctionnel, selon laquelle les jugements d’annulation prononcés par les juridictions administratives n’auraient pas d’effet rétroactif, est inexacte ; qu’au contraire, de telles décisions ont pour conséquence de faire disparaître la totalité des effets juridiques de l’acte administratif annulé ; qu’ainsi, une construction faite sur la base d’un permis déclaré illégal doit être assimilée à une construction sans permis en vertu de ce principe de rétroactivité ; que, si l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme dispose que "lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique" ; que, si, préalablement, le permis de construire a été annulé pour "excès de pouvoir ou son illégalité constatée par la juridiction administrative", il convient cependant de souligner que cette disposition procédurale concerne la responsabilité civile des constructeurs et n’affecte nullement les poursuites pénales ;

 

" qu’en outre, l’arrêt du Conseil d’Etat, qui a annulé l’arrêté du maire de Toulouse autorisant la construction, a révélé la fraude commise par le prévenu lors de la délivrance du permis en litige ; que cette décision est intervenue postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse ayant prononcé la relaxe du demandeur du chef d’abattage d’arbres sans autorisation ; que la cour d’appel de renvoi de Bordeaux a relevé que la faute ainsi commise par le prévenu se confondait avec le délit prévu par l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme ; que cette juridiction en a tiré les conséquences civiles en le condamnant à verser une somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts à la partie civile ; qu’ainsi, si Jean-Marie Jacquemart a été relaxé du délit d’abattage d’arbres sans autorisation, il n’en a pas moins commis une fraude au sens civil du terme, fraude qui lui a permis d’obtenir une autorisation de construire qui n’aurait pas été accordée en son absence ; que cette fraude constitue l’élément intentionnel du délit de construction sans permis reproché à Jean-Marie Jacquemart ;

 

" alors que, d’une part, l’existence d’une infraction s’apprécie au jour de la commission des faits reprochés ; qu’ainsi, les travaux exécutés et terminés avant le retrait sont réguliers ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que les travaux litigieux ont été achevés le 4 mai 1993 et que l’arrêt du Conseil d’Etat du 23 juillet 1993 a annulé l’arrêté du maire de Toulouse du 16 juin 1989 ayant autorisé la SMCI à effectuer les travaux en litige ; qu’ainsi, la qualification pénale faisait défaut quand la construction a été réalisée ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d’appel a violé les articles 112-1 du Code pénal et L. 480-4 du Code de l’urbanisme ;

 

" alors, d’autre part, et en tout état de cause, que n’ont pas été réalisés sans permis de construire les travaux entrepris avec un permis régulier et que l’irrégularité constatée après l’achèvement des travaux n’est pas frauduleuse ; qu’en l’espèce, si dans son arrêt du 23 juillet 1993, le Conseil d’Etat a constaté que le permis de construire du 16 juin 1989 avait été obtenu par fraude, la SMCI ayant au préalable fait abattre des arbres de haute tige sur le terrain litigieux, le prévenu a été définitivement relaxé par arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 11 février 1993 du chef d’abattage illégal d’arbres ; que l’élément de fraude relevé par le Conseil d’Etat est donc inexistant et que, par suite l’élément matériel, comme l’élément intentionnel font défaut, la faute civile sanctionnée par la cour d’appel de Bordeaux ne pouvant constituer l’élément intentionnel du délit reproché au prévenu ; qu’ainsi, la cour d’appel a violé l’article 121-3 du Code pénal et L. 480-4 du Code de l’urbanisme " ;

 

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la SMCI, dont Jean-Marie Jacquemart est le directeur, a obtenu un permis de construire en vue d’édifier un immeuble sur un terrain lui appartenant ; qu’à la suite de la réclamation de Xavier Bourgon, propriétaire d’un terrain voisin, le maire a rapporté sa décision, au motif que le projet de construction envisagé imposait notamment l’abattage d’une dizaine d’arbres de haute tige ; que la SMCI, après avoir procédé à l’abattage de ces arbres, a obtenu un nouveau permis de construire, lequel a été annulé par arrêt du Conseil d’Etat du 23 juillet 1993 ;

 

Attendu que Xavier Bourgon a fait citer directement Jean-Marie Jacquemart devant le tribunal correctionnel pour construction sans permis ; que les juges du premier degré l’ont relaxé de ce chef ;

 

Attendu que pour infirmer cette décision et déclarer le prévenu coupable, les juges d’appel retiennent que la faute commise par le prévenu a été constatée par la décision de la juridiction administrative, ayant annulé le permis de construire ; qu’elle ajoute que cette fraude, qui a consisté à abattre des arbres afin d’échapper aux exigences du plan d’occupation des sols et obtenir ainsi une autorisation de construire, constitue l’élément intentionnel du délit reproché ;

 

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision au regard des articles L. 421-1 et L. 480-4 du Code de l’urbanisme, dès lors qu’un permis obtenu frauduleusement équivaut à son absence et que son obtention ne saurait soustraire le prévenu à l’application des textes précités ;

 

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté (...) »

 

EN DROIT

 

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 7 DE LA CONVENTION

 

15.  Le requérant allègue que les faits qui lui ont été reprochés ne constituaient pas une infraction au moment où ils ont été commis et que, seul le renversement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation pour rejeter son pourvoi, est venu rétroactivement donner à ces faits une qualification délictuelle. Il en conclut que l’article 7 de la Convention a été violé. Cette disposition se lit notamment :

 

« 1.  Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. (...) »

 

16.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

 

A.  Sur la recevabilité

 

17.  La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

 

B.  Sur le fond

 

18.  Le Gouvernement fait observer d’emblée que le requérant ne conteste pas que la construction d’un immeuble en l’absence de permis de construire constitue une infraction, mais seulement la définition de l’infraction telle que donnée par la jurisprudence.

 

19.  Il souligne que la Cour a estimé dans ses arrêts C.R. c. Royaume-Uni et S.W. c. Royaume-Uni (arrêts du 22 novembre 1995, série A no 335-B et 335-C, §§ 34 et 36 respectivement) qu’

 

« On ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible. »

 

20.  Il considère que le requérant fait une interprétation erronée de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1993. Selon lui, elle n’a pas pris position sur la pertinence de l’arrêt de la chambre d’accusation qui avait jugé que les faits poursuivis, qui étaient de la même nature que ceux pour lesquels le requérant a été condamné, ne constituaient pas une infraction pénale. Celle-ci aurait uniquement constaté que la partie civile n’était pas habilitée à former ce pourvoi au sens de l’article 575 du code de procédure pénale qui dispose que la partie civile ne peut se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre de l’instruction que s’il y a pourvoi du ministère public, sauf dans certains cas énumérés limitativement.

 

21.  Le Gouvernement est dès lors d’avis que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en rejetant son pourvoi en cassation. Il ajoute que la base de données « Légifrance » ne présente pas cet arrêt comme un revirement de jurisprudence mais invite à rapprocher cet arrêt d’un précédent du 4 novembre 1998 (voir ci-dessus).

 

22.  En conclusion, le Gouvernement estime que les faits reprochés au requérant constituaient bien, une infraction au moment où ils ont été commis, conformément aux articles L 421-1, L 480-1, L 480-4, L 480-5 et L 480-7 du code de l’urbanisme et à l’interprétation donnée par la Cour de cassation. Dès lors, le grief du requérant n’est pas fondé.

 

23.  Le requérant conteste l’interprétation que le Gouvernement fait de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1993. Il souligne que celle-ci a indiqué dans son arrêt que :

 

« les énonciations de l’arrêt attaqué et les pièces de la procédure permettent à la Cour de Cassation de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu rendue à la suite de l’information à laquelle le juge d’instruction a procédé sur la plainte des parties civiles, la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits, objet de cette information, a, répondant au mémoire des parties civiles, énoncé les motifs pour lesquels elle estimait que les faits poursuivis ne constituaient pas une infraction pénale ».

 

Il estime qu’elle ne l’aurait pas fait si elle n’avait pas approuvé, au fond, l’analyse de la cour d’appel.

 

24.  Il souligne que le Gouvernement ne peut produire aucune décision, notamment de la Cour de cassation, antérieure à son affaire et concluant que le fait de poursuivre des travaux de construction malgré un sursis à exécution du permis de construire émis par le juge administratif constitue une infraction pénale, car il n’en existe pas.

 

25.  Il estime donc que l’article 7 de la Convention a été violé dans la mesure où, à la date de l’opération litigieuse, le droit pénal français n’incriminait pas la construction sur le fondement d’un permis ayant fait l’objet d’une décision de sursis à exécution.

 

26.  Le requérant se réfère quant à lui à la décision Enkelmann c. Suisse de la Commission du 4 mars 1985 (D.R. 41, p.178) qui se lit notamment :

 

« La Commission a admis d’autre part, que le juge pouvait préciser les éléments constitutifs d’une infraction mais non les modifier, de manière substantielle, au détriment de l’accusé. Elle a reconnu qu’il n’y avait rien à objecter à ce que les éléments constitutifs existants de l’infraction soient précisés et adaptés à des circonstances nouvelles pouvant raisonnablement entrer dans la conception originelle de l’infraction. En revanche, il est exclu qu’un acte qui n’était pas jusqu’alors punissable se voie attribuer par les tribunaux un caractère pénal ou que la définition d’infractions existantes soit élargie de façon à englober des faits qui ne constituaient pas jusqu’alors une infraction pénale. »

 

27.  Il estime que la règle posée par la Chambre criminelle n’était pas raisonnablement prévisible, au point que le commentaire qui en a été fait par un article de doctrine paru dans la « revue de droit pénal » en septembre 2002 indique que « l’arrêt rapporté renverse [la jurisprudence antérieure] par une sèche affirmation que ne soutient aucun raisonnement juridique ».

 

28.  La Cour rappelle que l’article 7 de la Convention consacre, de manière générale, le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) et prohibe, en particulier, l’application rétroactive du droit pénal lorsqu’elle s’opère au détriment de l’accusé (Kokkinakis c. Grèce, arrêt du 25 mai 1993, série A no 260-A, p. 22, § 52). S’il interdit en particulier d’étendre le champ d’application des infractions existantes à des faits qui, antérieurement, ne constituaient pas des infractions, il commande en outre de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé, par exemple par analogie. Il s’ensuit que la loi doit définir clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir, notamment, Cantoni c. France, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, p. 1627, § 29 et Achour c. France [GC], no 67335/01, § 41, 29 mars 2006).

 

29.  La notion de « droit » (« law ») utilisée à l’article 7 correspond à celle de « loi » qui figure dans d’autres articles de la Convention ; elle englobe le droit d’origine tant législative que jurisprudentielle et implique des conditions qualitatives, entre autres celles de l’accessibilité et de la prévisibilité (voir, notamment, Cantoni, précité, § 29 ; Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 145, CEDH 2000-VII ; E.K. c. Turquie, no 28496/95, § 51, 7 février 2002).

 

30.  La tâche qui incombe à la Cour est donc de s’assurer que, au moment où un accusé a commis l’acte qui a donné lieu aux poursuites et à la condamnation, il existait une disposition légale rendant l’acte punissable et que la peine imposée n’a pas excédé les limites fixées par cette disposition (Coëme et autres, précité, § 145 et Achour c. France [GC], précité, § 43).

 

31.  La Cour a déjà constaté qu’en raison même du principe de généralité des lois, le libellé de celles-ci ne peut présenter une précision absolue. L’une des techniques types de réglementation consiste à recourir à des catégories générales plutôt qu’à des listes exhaustives. Aussi de nombreuses lois se servent-elles par la force des choses de formules plus ou moins floues, afin d’éviter une rigidité excessive et de pouvoir s’adapter aux changements de situation. L’interprétation et l’application de pareils textes dépendent de la pratique (voir, parmi d’autres, Kokkinakis, précité § 40 et Cantoni, précité §31).

 

La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l’interprétation des normes, en tenant compte des évolutions de la pratique quotidienne.

 

32.  La Cour doit dès lors rechercher si, en l’espèce, le texte de la disposition légale, lue à la lumière de la jurisprudence interprétative dont elle s’accompagne, remplissait cette condition à l’époque des faits (Cantoni précité, § 32).

 

33.  Elle rappelle que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires (Groppera Radio AG et autres c. Suisse du 28 mars 1990, série A no 173, p. 26, par. 68). La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé (voir, parmi d’autres, Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, 13 juillet 1995, série A no 316-B, p. 71, § 37). Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (Cantoni, précité, §35).

 

34.  La Cour constate qu’en l’espèce, le Gouvernement n’a pas été en mesure de produire des décisions des juridictions internes, que ce soit de la Cour de cassation ou de juridictions du fond, établissant qu’avant l’arrêt rendu dans la présente affaire, il a été jugé explicitement que le fait de poursuivre des travaux de construction, malgré un sursis à exécution émis par le juge administratif à l’encontre du permis de construire, constituait une infraction pénale.

 

35.  En outre, l’analyse des textes du code de l’urbanisme reproduits ci-dessus semble montrer que le prononcé du sursis à l’exécution d’un permis à construire ne saurait être, en ce qui concerne ses conséquences pénales, clairement assimilable à une « décision judiciaire ou arrêté ordonnant l’interruption des travaux », en vertu notamment de l’article L 480-3 de ce code.

 

Si la Cour admet aisément que les juridictions internes sont mieux placées qu’elle-même pour interpréter et appliquer le droit national, elle rappelle également que le principe de la légalité des délits et des peines, contenu dans l’article 7 de la Convention, interdit que le droit pénal soit interprété extensivement au détriment de l’accusé, par exemple par analogie (voir par exemple Coëme et autres c. Belgique, CEDH 2000-VII, § 145).

 

Il en résulte que, faute au minimum d’une interprétation jurisprudentielle accessible et raisonnablement prévisible, les exigences de l’article 7 ne sauraient être regardées comme respectées à l’égard d’un accusé. Or le manque de jurisprudence préalable en ce qui concerne l’assimilation entre sursis à exécution du permis et interdiction de construire résulte en l’espèce de l’absence de précédents topiques fournis par le Gouvernement en ce sens.

 

36.  Il résulte ainsi de tout ce qui précède que, même en tant que professionnel qui pouvait s’entourer de conseils de juristes, il était difficile, voire impossible pour le requérant de prévoir le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation et donc de savoir qu’au moment où il les a commis, ses actes pouvaient entraîner une sanction pénale (a contrario Cantoni c. France, précité, § 35 et Coëme et autres c. Belgique, précité, § 150).

 

A cet égard, la Cour considère que la présente affaire se distingue clairement des arrêts S.W. et C.R. c. Royaume-Uni (paragraphe 19 ci-dessus), dans lesquelles il s’agissait d’ un viol et d’une tentative de viol de deux hommes sur leurs femmes. La Cour avait pris soin de noter dans ces arrêts (§§ 44 et 42, respectivement) le caractère par essence avilissant du viol, si manifeste que la qualification pénale de ces actes, commis par des maris sur leurs épouses, devait être regardée comme prévisible et non contraire à l’article 7 de la Convention, à la lumière des objectifs fondamentaux de celle-ci, "dont l’essence même est le respect de la dignité et de la liberté humaines".

 

37.  Dans ces conditions, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 7 de la Convention.

 

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

 

38.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

 

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

 

A.  Dommage

 

39.  Au titre du préjudice matériel, le requérant demande le remboursement des sommes suivantes : 228 673,53 euros (EUR) au titre de l’amende qu’il a dû payer, 281 856, 43 EUR correspondant à la taxe payée pour le permis de construire, 93 625 EUR au titre de l’astreinte qu’il doit payer pour ne pas avoir détruit l’immeuble et 1 524 500 EUR pour le manque à gagner sur le chiffre d’affaires de l’hôtel qui a ouvert plus tard que prévu et dont il est gérant.

 

Pour ce qui est de son préjudice moral, le requérant l’estime à 152 000 EUR, compte tenu du fait qu’il a été meurtri très profondément par cette procédure et que le problème n’est toujours pas réglé.

 

40.  Le Gouvernement estime que ces demandes sont manifestement excessives et que le requérant ne justifie ni du caractère certain des préjudices invoqués, qui sont pour l’essentiel purement hypothétiques, ni de la réalité du lien de causalité entre la violation alléguée de l’article 7 de la Convention. Il est d’avis que le seul constat de violation constituerait, le cas échéant, une satisfaction équitable suffisante.

 

41.  La Cour considère qu’il existe un lien de causalité entre le paiement de l’amende infligée au requérant et la violation de l’article 7 qu’elle vient de relever, de sorte que l’intéressé doit recouvrer cette somme. Il y a lieu donc d’octroyer le montant de l’amende dont il s’est effectivement acquitté. Le constat de manquement figurant dans le présent arrêt constitue par ailleurs une satisfaction équitable pour tout autre dommage.

 

B.  Frais et dépens

 

42.  Le requérant demande également 18 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes, dont 1 794 EUR pour le pourvoi en cassation.

 

43.  Le Gouvernement rappelle que le requérant ne peut prétendre au remboursement que des frais engagés pour prévenir ou faire corriger par les juridictions internes la violation alléguée et souligne que les documents produits ne permettent pas d’identifier et de chiffrer avec précision les frais engagés à cet effet. Il propose d’allouer au requérant 1 500 EUR à ce titre.

 

44.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’allocation des frais et dépens exposés par le requérant ne peut intervenir que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, parmi beaucoup d’autres, Sardinas Albo c. Italie, no 56271/00, § 110, 17 février 2005 et Kaufmann c. Italie, précité, § 49).

 

Pour ce qui est des coûts de la procédure interne, la Cour relève que les honoraires d’avocat réclamés se rapportent à la défense du requérant dans l’ensemble de la procédure nationale, et ne concernent pas uniquement le pourvoi en cassation. Les sommes sollicitées n’ont donc pas été nécessairement exposées pour faire redresser la violation de la Convention constatée par la Cour dans la présente espèce (voir, mutatis mutandis, Nikolova c. Bulgarie, no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II et Kaufmann c. Italie, précité, § 50). Il n’en demeure pas moins que le requérant a encouru des dépenses pour tenter de faire corriger la violation de la Convention par la Cour de cassation et que celles-ci se montent à 1 794 EUR. Compte tenu des éléments en sa possession et de sa pratique en la matière, la Cour considère raisonnable de lui accorder 1 794 EUR de ce chef.

 

C.  Intérêts moratoires

 

45.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

 

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

 

1.  Déclare la requête recevable ;

 

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 7 de la Convention ;

 

3.  Dit que le constat de violation de l’article 7 de la Convention constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral éventuellement subi par le requérant ;

 

4.  Dit

 

a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme effectivement payée par le requérant au titre de l’amende qui lui a été infligée ; 1 794 EUR (mille sept cent quatre-vingt quatorze euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

 

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.