La protection des acquéreurs de logements en état futur d'achèvement (mardi, 17 février 2009)

C’est l’objet de la question d’un député :

 

 

 

M. Armand Jung : Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de la ville, à qui je présente tous mes vœux pour 2009, ainsi qu'à tous nos collègues et à tous les membres du personnel de l'Assemblée nationale.

Je souhaite attirer votre attention sur les graves difficultés financières et humaines que rencontrent des personnes ayant acquis un logement, à la suite de la défaillance de leur promoteur, le groupe Brun Habitat, dans le Bas-Rhin, en raison des lacunes du cadre législatif et réglementaire en la matière. Ces acquéreurs espèrent que leur mésaventure sera l'occasion de réformer le système de la vente en l'état futur d'achèvement, qui présente quatre défauts.

Tout d'abord, l'article R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation consacre l'existence d'une garantie intrinsèque d'achèvement des travaux dès lors que 75 % du " prix de vente prévu " de l'opération immobilière sont couverts. Or cette dernière formule ne confère qu'une protection fort limitée à l'acquéreur car le prix de vente prévu est fixé librement lors de la conception du projet par le promoteur, qui peut être tenté de le baisser fictivement afin d'atteindre le seuil requis pour lancer l'opération, quitte à l'augmenter ultérieurement pour les derniers lots. Dès lors, si le promoteur est placé en redressement ou en liquidation judiciaire, le seul recours financier possible pour les acquéreurs consiste à faire jouer les seuls concours externes, lorsqu'ils existent ; mais leur montant peut être dérisoire par rapport aux travaux restant à effectuer.

Ensuite, les seuils de versement prévus à l'article R. 261-14 soulèvent la question du contrôle externe de l'état d'achèvement de l'immeuble. En effet, ils ne correspondent pas à des définitions légales et sont fondés uniquement sur les attestations du maître d'œuvre. En l'état actuel de notre réglementation, il est possible au promoteur de recourir à n'importe quel maître d'œuvre qui n'aurait pas suivi personnellement les opérations, pour faire attester des travaux qu'il n'a pas dirigés. Inversement, l'architecte qui serait le cocontractant du promoteur peut être enclin, parce qu'il est lui-même rémunéré en fonction de l'avancement des travaux, à établir des attestations de complaisance. Lorsque le promoteur demande un stade de travaux finis, celui-ci devrait être établi par un homme de l'art, et non par le promoteur lui-même.

L'article L. 241-1 du code des assurances n'offre qu'une faible garantie aux acquéreurs qui peuvent se retrouver, comme c'est le cas des acquéreurs du groupe Brun Habitat, dans une situation où aucune assurance ne couvre l'immeuble. En effet, les compagnies d'assurance ont la possibilité d'émettre des notes de couverture provisoire, dans l'attente de renseignements complémentaires. Au vu de celles-ci, les notaires attestent que les opérations peuvent se dérouler. Or, dans l'intervalle et pendant la durée des travaux, les assurances peuvent suspendre, voire résilier, leur garantie, dès lors qu'elles considèrent que les renseignements requis n'ont pas été obtenus ou que les risques ont augmenté.

Enfin, pendant toute la période de construction, le promoteur reste le seul responsable vis-à-vis des tiers et de l'administration du chantier, les acquéreurs n'ayant aucun contrôle sur l'état d'avancement des travaux. Il n'existe ainsi aucune garantie que les fonds versés par les acquéreurs servent à payer les entreprises intervenues sur le chantier.

Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir m'indiquer si vous envisagez de modifier cette réglementation, afin de prévenir des situations dramatiques pour des acquéreurs confrontés à des promoteurs défaillants. De telles situations risquent malheureusement d'être de plus en plus fréquentes dans le contexte de crise économique que nous traversons.

 

 

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville : J'ai ainsi reçu les bons vœux de la majorité comme de l'opposition. Je vous en remercie, monsieur Jung, et vous adresse à mon tour tous les miens.

Je vous remercie aussi pour votre question : elle est complexe, difficile, et mérite que l'on s'y arrête. Lors de la mise en liquidation financière de la Société Brun Habitat, le gouvernement a été très sensible aux graves conséquences financières et morales subies par les clients de cette société, qui avaient réglé en totalité ou en partie le prix de vente d'appartements dans le cadre de ventes en l'état futur d'achèvement.

Cette triste affaire pose le problème de la protection des acquéreurs de logements en état futur d'achèvement face à des promoteurs qui ne leur opposent, au moment de la signature du contrat, qu'une garantie intrinsèque leur permettant d'assurer le bon achèvement de l'immeuble. Je rappelle que ce type de garantie par les promoteurs repose sur leurs seules capacités personnelles.

La garantie intrinsèque utilisée dans le cas d'espèce n'est pas la plus utilisée par les promoteurs constructeurs et elle est, en outre, encadrée par des obligations réglementaires précises.

Afin de connaître avec précision les causes des dysfonctionnements à l'origine des préjudices importants à tous égards, patrimoniaux et moraux, subis par les acquéreurs, qui avaient contracté avec la Société Brun Habitat, les autorités compétentes - en particulier le parquet de Saverne - ont immédiatement diligenté des enquêtes à l'issue desquelles les mesures les plus appropriées pourront être envisagées.

Toutefois, le Gouvernement a d'ores et déjà décidé d'entamer une réflexion afin de renforcer la sécurité financière des acquéreurs d'immeubles en l'état futur d'achèvement.

De telles modifications ne pourraient cependant être mises en œuvre qu'à l'issue d'une large concertation avec l'ensemble des partenaires, qui prendrait en compte le nécessaire souci de sécuriser les accédants, mais aussi le maintien d'un rythme de construction élevé pour répondre aux besoins de la population.

Dès à présent, le recours à la garantie extrinsèque apporte une sécurité suffisante aux accédants. Il convient donc d'y faire appel autant que possible.

Une disposition simple pourrait consister, dans un premier temps, à mobiliser davantage le réseau des agences nationales pour l'information sur le logement afin qu'elles facilitent l'information des acquéreurs sur la nature des garanties qu'ils souhaitent souscrire.

Enfin, dans le cadre du plan de relance et des mesures d'aide au financement de l'économie, les établissements financiers sont d'ores et déjà incités à maintenir et à augmenter leurs interventions pour pallier les difficultés des entreprises, lorsque les défaillances sont dues aux tensions de trésorerie. L'octroi de garanties financières entre pleinement dans ce cadre de mobilisation du Gouvernement, relayé par les préfets au niveau local.

Voilà ce que je peux vous dire ce matin. Je suis consciente que ce n'est pas suffisant ; c'est pourquoi je vous propose une réunion de travail avec mon cabinet, afin que nous nous penchions sur les tenants et aboutissants de cette question majeure.