Le moniteur de ski et l’immixtion du maître de l’ouvrage (samedi, 03 janvier 2009)

Voici un arrêt qui évoque la notion d’immixtion du maître de l’ouvrage

 

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2005), que les époux X... ont fait réaliser à Val-d'Isère deux chalets A et B, dans une zone partiellement soumise au risque d'avalanches, avec le concours de M. A... , architecte, pour la conception et l'obtention des permis de construire et celui de la société Nantet, assurée auprès de la société Lloyd's France (Lloyd's), pour la fourniture et la pose des menuiseries extérieures et des vitrages ; que les époux X... ont pris possession des lieux en novembre 1995 pour le chalet A et en décembre de la même année pour le chalet B ; que la société Nantet n'ayant pas été intégralement payée a assigné les époux X... en paiement ; que ceux-ci ayant invoqué l'existence de désordres et de non-conformités contractuelles, une expertise a été ordonnée ; que la cour d'appel a statué au vu de cette expertise et au contradictoire de la société Lloyd's et de M. A... ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

 

Attendu qu'ayant relevé que l'expert, répondant aux dires des époux X... sur les non-conformités contractuelles alléguées, avait proposé des travaux de mise en conformité sur des points précis et n'avait constaté ni une défectuosité des matériaux ni un non-respect des normes AEV et retenu qu'un procès-verbal d'essais techniques versé aux débats laissait apparaître des résultats conformes à la norme, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, sans dénaturation, souverainement retenu qu'en l'absence d'éléments contraires, la qualité des menuiseries extérieures dans leur ensemble n'était pas mise en cause et que le recours à une mesure d'instruction n'était pas utile ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les époux X... sollicitaient la prise en charge des coûts des travaux au vu de devis qui devraient être établis à la demande d'un expert à désigner et que l'expert judiciaire avait chiffré les sommes nécessaires pour effectuer ces travaux, la cour d'appel a, sans dénaturation ni violation du principe de la réparation intégrale, souverainement déterminé l'importance et les modalités de réparation de l'ensemble des désordres et non-conformités retenus ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

 

Attendu que la société Nantet fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec M. A... et la société Lloyd's France à supporter l'intégralité du coût de mise en conformité aux prescriptions contractuelles de résistance des vitrages, volets et menuiseries extérieures des façades exposées des deux châlets, en ce inclus les travaux de finition des travaux, à payer, aux époux X... 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance qu'ils subissent depuis plus de deux ans, à rembourser aux époux X... la somme de 5 923, 87 euros au titre des travaux de protection pendant l'expertise, de la condamner in solidum avec M. A... à payer aux époux X... la somme de 230 euros par jour pendant la durée des travaux de remise en état au titre du trouble de jouissance, de la condamner avec son assureur à supporter les coûts de surveillance et d'exécution des travaux de mise en conformité, alors, selon le moyen :

 

1° / que l'immixtion du maître de l'ouvrage doit être retenue non seulement lorsque celui-ci s'est réservé expressément la maîtrise d'oeuvre, mais encore lorsqu'il se comporte de fait comme tel ; qu'en l'espèce, en énonçant que les maîtres de l'ouvrage s'étaient immiscés dans la conduite des travaux et les choix de construction, tout en retenant qu'il n'était pas établi qu'ils s'étaient réservé la maîtrise d'oeuvre et que l'architecte ne s'était vu confier qu'une mission limitée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1792 du code civil ;

 

2° / qu'en énonçant qu'il n'était pas établi que les maîtres de l'ouvrage s'étaient réservé la maîtrise d'oeuvre, sans préciser sur quels éléments elle fondait cette affirmation péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de la même disposition ;

 

3° / que doit être réputé notoirement compétent à l'égard des risques d'avalanches dictant certains choix de matériaux, le moniteur de ski, professionnel de la montagne, en mesure d'évaluer les risques que présente la construction de chalets en montagne ; qu'en affirmant que les époux X... , maîtres de l'ouvrage, dont il n'était pourtant pas contesté qu'ils étaient professionnels de la montagne, n'étaient pas notoirement compétents comme ne disposant pas de compétences reconnues en matière de construction, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les maîtres de l'ouvrage n'étaient pas, en raison de leur profession, en mesure d'évaluer les risques que présentait la construction de chalets en montagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expert ne citait aucun exemple concret de direction des travaux et de contrôle par les époux X... qui ne disposaient pas de compétence en matière de bâtiment et avaient fait appel à des entreprises ayant l'expérience de la construction en montagne, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un simple argument inopérant relatif à la qualité de professionnel de la montagne d'un moniteur de ski, et qui a exactement retenu que le seul fait pour les époux X... qui n'étaient pas notoirement compétents, de ne pas faire appel à un maître d'oeuvre pour la direction du chantier et le suivi des travaux n'était pas en lui-même fautif, en a déduit que les seules indications de l'expert étaient insuffisantes à caractériser une immixtion fautive du maître de l'ouvrage ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

 

Attendu que, sous le couvert d'une violation de l'article 1792 du code civil, le moyen invoque une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision, qui pouvant être rectifiée en application des articles 461 et 462 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ; que ce moyen n'est pas recevable ;

 

Sur le troisième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

 

Attendu que la cour d'appel qui a alloué aux époux X... une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices accessoires, liés aux désordres affectant les constructions et engageant la responsabilité des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, après avoir condamné les responsables de ces désordres à payer les sommes nécessaires pour leur réparation, n'a pas indemnisé deux fois un même préjudice ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le quatrième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

 

Attendu que la reconnaissance par le mandataire de l'assureur de l'obligation de celui-ci à régler, sur le fondement de l'action directe du tiers victime, les sommes mises à la charge de l'assuré n'étant pas de nature à entraîner l'obligation de l'assureur sur le fondement d'une action en garantie engagée par l'assuré, la cour d'appel qui a constaté que la société Nantet n'avait appelé en cause son assureur que le 11 décembre 2002, plus de deux ans après avoir, par lettre du 25 juin 1999 demandé son intervention, n'était pas tenue de s'expliquer sur une pièce que ses constatations rendaient inopérante ;

 

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE les pourvois ;

 

Condamne les époux X... aux dépens exposés par M. A... ; dit que la société Nantet et la société Lloyd's France conserveront la charge de leurs dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à M. A... la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes de ce chef ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille huit."