La notification de l’article l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme peut être faite valablement à l’époux de la bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme (vendredi, 24 octobre 2008)

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C’est ce que juge cet arrêt :

 

« Vu l'ordonnance du 28 décembre 2005, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 janvier 2006, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux transmet, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête dont il a été saisi par la COMMUNE DE LIBOURNE (Gironde) ;

 

Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 2005 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, par laquelle la COMMUNE DE LIBOURNE, agissant par son maire en exercice, demande :

 

1°) l'annulation du jugement du 6 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de Mme Katty A, la décision du maire de Libourne en date du 27 mars 2003 valant autorisation de travaux au bénéfice de Mme pour l'édification d'une clôture et d'un abri de piscine ;

 

2°) la mise à la charge de Mme A de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu le code de l'urbanisme ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,

 

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la COMMUNE DE LIBOURNE et de Me Le Prado, avocat de Mme A,

 

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

 

 

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte du 27 mars 2003, le maire de Libourne a confirmé sa décision de ne pas s'opposer aux travaux d'édification d'une clôture et d'un abri de piscine déclarés par Mme ; que, par un jugement du 6 octobre 2005, contre lequel la COMMUNE DE LIBOURNE se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Bordeaux a, sur la demande de Mme A, annulé cette décision ;

 

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'affichage en mairie de la décision litigieuse a eu lieu du 27 mars au 28 mai 2003 ; que figure dans ce dossier copie du recours gracieux de Mme A comportant un cachet de la mairie daté du 28 mai 2003 ; que, par suite, en estimant que ce recours avait été formé dans le délai, le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de droit ;

 

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans le délai de deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif./La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours./La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier d'une prorogation du délai de recours contentieux, l'auteur d'un recours administratif dirigé contre une décision relative à l'occupation du sol est tenu de le notifier dans les conditions fixées par l'article R. 600-1, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait former ultérieurement ;

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme était la bénéficiaire de la décision de non-opposition à la déclaration de travaux et devait donc être regardée comme le titulaire de l'autorisation, au sens de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que la lettre recommandée portant notification du recours gracieux de Mme A contre cette décision a été adressée non à Mme , mais à M. ; que, toutefois, eu égard à l'objet de la procédure prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et dès lors qu'il n'était pas contesté devant les juges du fond que M. et Mme ne sont pas séparés de corps, la notification à M. au domicile commun du couple d'une lettre qui aurait dû être adressée à sa conjointe satisfaisait aux exigences de cet article ; que le délai du recours contentieux avait dès lors été conservé par le recours gracieux exercé par Mme A ; qu'ainsi le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de droit en admettant la recevabilité de la demande de cette dernière ;

 

Considérant qu'il ressort des énonciations mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient la commune, le tribunal administratif a vérifié que la demande présentée devant lui par Mme A avait bien été notifiée à la commune et à Mme ; que le tribunal administratif n'a dès lors entaché son jugement sur ce point d'aucune erreur de droit ;

 

Sur les autres moyens du pourvoi :

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : « Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier » ;

 

Considérant que, saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle reposant sur plusieurs motifs dont l'un est erroné, le juge de cassation, à qui il n'appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi ; qu'il en va cependant autrement lorsque la décision juridictionnelle attaquée prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, dans la mesure où l'un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire alors à justifier son dispositif d'annulation ; qu'en pareille hypothèse - et sous réserve du cas où la décision qui lui est déférée aurait été rendue dans des conditions irrégulières - il appartient au juge de cassation, si l'un des moyens reconnus comme fondés par cette décision en justifie légalement le dispositif, de rejeter le pourvoi ; que, toutefois, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, le juge de cassation ne saurait, sauf à méconnaître son office, prononcer ce rejet sans avoir, au préalable, censuré celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés ; que, eu égard à l'objet des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, cette règle trouve en particulier à s'appliquer lorsque la pluralité des motifs du juge du fond découle de l'obligation qui lui est faite de se prononcer sur l'ensemble des moyens susceptibles de fonder l'annulation ;

 

Considérant que, pour annuler la décision du maire de Libourne en date du 27 mars 2003, le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur deux moyens tirés, l'un de ce que le local technique mentionné dans la déclaration de travaux litigieuse avait une hauteur de 4 mètres, excédant la hauteur maximale de 3,50 mètres prévue par le règlement du plan d'occupation des sols et l'autre de ce que la clôture mentionnée dans la même déclaration de travaux avait une hauteur de 2 mètres excédant la hauteur maximale de 1,50 mètres prévue par le règlement du lotissement ;

 

Considérant qu'aux termes du deuxième paragraphe de l'article UD7 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE LIBOURNE, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : « Les constructions implantées en recul par rapport à l'alignement seront édifiées en contiguïté avec une au plus des limites séparatives touchant une voie et respecteront une distance au moins égale à leur demi-hauteur avec un minimum de quatre mètres par rapport aux limites non contiguës. Dans tous les cas, au delà de 15 m par rapport à l'alignement, des constructions annexes peuvent être édifiées le long d'une limite séparative, à condition que leur hauteur totale n'excède pas 3 m 50 » ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juge du fond et notamment du plan du local technique annexé à la déclaration de travaux, qui mentionne une hauteur de 3,01 mètres sous le faîtage de la toiture, cohérente avec les autres indications figurant sur ce document, que la hauteur de ce bâtiment est inférieure à la limite de 3,50 m précitée ; que, par suite, en relevant qu'il résultait des pièces du dossier que le local, qui se situait en limite séparative, était d'une hauteur de 4 m, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une dénaturation ; que c'est ainsi à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols relatives à la hauteur maximum des constructions annexes ;

 

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 31-4 du règlement du lotissement : « Les clôtures devront être réalisées de la façon suivante (...) : En limite séparative et fond de lots : par un grillage plastifié vert d'une hauteur maximum d'1m50 pouvant être doublé d'une haie d'une hauteur maximum de 1m80 (...) Cependant, d'autres clôtures pourront être acceptées par la commune sous réserve que celles proposées par l'acquéreur soient en harmonie avec les clôtures de parcelles mitoyennes et qu'elles soient conformes aux directives du plan d'occupation des sols » ; que les adaptations du règlement autorisées par ces dispositions ne portent que sur la nature des matériaux utilisés pour réaliser les clôtures et ne permettent pas de déroger à la règle limitant à 1,50 mètre la hauteur maximum des clôtures ; que, par suite, en jugeant qu'il ressortait des pièces du dossier que la clôture que Mme envisageait de réaliser était d'une hauteur de 2 m alors que le règlement du lotissement prévoyait une hauteur maximum de 1m50, le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de droit ; que le moyen ainsi retenu est à lui seul, compte tenu du caractère indivisible en l'espèce des travaux dont s'agit, de nature à justifier le dispositif du jugement attaqué ; que, par suite, la commune de Libourne n'est pas fondée à demander son annulation ;

 

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE LIBOURNE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE LIBOURNE une somme de 2 400 euros qui sera versée à Mme A au même titre. »