La notion d’urgence, le permis de construire et le référé suspension (samedi, 20 septembre 2008)

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Voici un arrêt qui définit la notion d’urgence en cette matière :



 

« Vu 1°), sous le n° 294594, la requête, enregistrée le 23 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE CORRENS (Var), représentée par son maire ; la COMMUNE DE CORRENS demande au Conseil d'Etat :

 

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 juin 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu, à la demande de M. et Mme Didier A, l'exécution de l'arrêté en date du 13 mars 2006 par lequel le maire de CORRENS a refusé de délivrer à M. et Mme A un permis de construire une maison individuelle d'habitation au lieu dit La Condamine enregistré sous le n° PC8304503BC026 ;

 

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 mars 2006 ;

 

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu 2°), sous le numéro 294595, la requête, enregistrée le 23 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE CORRENS (Var), représentée par son maire ; la COMMUNE DE CORRENS demande au Conseil d'Etat :

 

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 juin 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu, à la demande de M. et Mme Didier A, l'exécution de l'arrêté en date du 13 mars 2006 par lequel le maire de CORRENS a refusé de délivrer à M. et Mme A un permis de construire une maison individuelle d'habitation au lieu dit La Condamine enregistré sous le n° PC8304503BC027 ;

 

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 mars 2006 ;

 

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

…………………………………………………………………………

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu le code de l'urbanisme ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de Mme Catherine Delort, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

 

- les observations de Me Ricard, avocat de la COMMUNE DE CORRENS et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. et Mme A,

 

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

 

 

Considérant que, par deux ordonnances en date du 6 juin 2006, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu, à la demande de M. et Mme A, l'exécution des deux arrêtés en date du 13 mars 2006 par lesquels le maire de CORRENS a refusé de leur délivrer le permis de construire deux maisons d'habitation sur la même parcelle ; que la COMMUNE DE CORRENS demande l'annulation de ces ordonnances par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par une seule décision ;

 

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

 

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

 

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; qu'il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à estimer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence ;

 

Considérant qu'en jugeant remplie la condition d'urgence eu égard aux seuls intérêts propres de M. et Mme A, sans examiner si les circonstances invoquées par le maire pour démontrer l'urgence qu'il y avait à ne pas suspendre sa décision, eu égard notamment aux préoccupations d'urbanisme ainsi qu'au souci de préservation des espaces naturels, le juge des référés a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son ordonnance ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler les ordonnances attaquées ;

 

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au titre des procédures de référé engagées par M. et Mme A ;

 

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le retard apporté à la réalisation des deux projets de construction de M. et Mme A ne suffit pas à compenser l'atteinte que porterait cette réalisation aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la commune en vue de la préservation des espaces naturels et la réalisation d'un zonage harmonieux de l'urbanisation ; que, dans ces conditions, l'urgence, qui doit, ainsi qu'il a été dit, s'apprécier globalement, ne justifie pas la suspension desdites décisions ;

 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE CORRENS qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme demandée par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par la commune ;

 

 

D E C I D E :

 

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Article 1er : Les deux ordonnances du 6 juin 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulées.

 

Article 2 : Les requêtes de M. et Mme A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice sont rejetées.

 

Article 3 : M. et Mme A verseront à la COMMUNE DE CORRENS la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CORRENS et à M. et Mme Didier A. »