Un arrêt et deux enseignements (mercredi, 30 juillet 2008)

Le premier enseignement est que le maire n’est pas tenu de retirer un permis illégal si  personne ne le lui demande.

 

Le second enseignement est qu’il ne faut pas confondre le retrait d’un permis illégal tacite avec un refus exprès de permis.

 

 

 

« Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2007 et 13 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

 

 

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 novembre 2007 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 22 mars 2004 par laquelle le maire de Venasque a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

 

 

2°) statuant au titre de la procédure de référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

 

 

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

 

Vu le code de l'urbanisme ;

 

 

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

 

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

 

- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,

 

 

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. Philippe A et de la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Venasque,

 

 

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Commissaire du gouvernement ;

 

 

 

 

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : « Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative ; /1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; /2° Pendant le délai deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre /3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé. » ;

 

 

Considérant que pour rejeter la demande de M. A au motif qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre de la décision litigieuse du maire de Venasque, qu'il a analysée comme le retrait d'un permis de construire tacite acquis le 23 mars 2004, n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondé sur ce que le maire étant tenu de retirer ce permis en raison de sa contrariété avec les dispositions applicables du plan d'occupation des sols de la commune, les moyens relatifs à la légalité externe de cette décision étaient dès lors inopérants ; que toutefois, s'il résulte des dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 qu'à supposer qu'un permis tacite illégal ait été délivré à M. A, le maire de Vénasque était fondé à le retirer dans les délais prévus par ces dispositions, ce retrait constituait une faculté et non une obligation dès lors que le maire n'était pas saisi d'une demande en ce sens ; que par suite, M. A est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit et à en demander l'annulation ;

 

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

 

 

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse, : « Tous les exemplaires de la demande et du dossier de permis de construire sont adressés, par pli recommandé avec demande d'accusé de réception postal, au maire de la commune dans laquelle la construction est envisagée, ou déposés contre décharge à la mairie. » ; qu'aux termes de l'article R. 421-12 du même code : « Si le dossier est complet, l'autorité compétente pour statuer fait connaître au demandeur dans les quinze jours de la réception de la demande en mairie, par une lettre de notification adressée par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal (...) la date avant laquelle, compte tenu des délais réglementaires d'instruction, la décision devra lui être notifiée. Le délai d'instruction part de la date de la décharge ou de l'avis de réception postal prévus à l'article R. 421-9. (...)/ L'autorité compétente pour statuer avise en outre le demandeur que si aucune décision ne lui a été adressée avant la date mentionnée au premier alinéa (...) la lettre de notification des délais d'instruction vaudra permis de construire (...) ; qu'aux termes de l'article R. 421-18 du même code : « (...) le délai d'instruction (...) est fixé à deux mois. » ; qu'en application de ces dispositions le demandeur d'un permis de construire n'est réputé être titulaire d'un permis tacite que lorsqu'aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction de son dossier ; que cette notification doit être regardée comme étant intervenue à la date à laquelle le pli a été présenté pour la première fois à son adresse ;

 

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis présentée par M. A a été enregistrée le 23 janvier 2004 ; que, dès lors, le délai d'instruction de deux mois expirait le 23 mars 2004 à minuit ; que, par suite, la décision du maire de Vénasque en date du 22 mars 2004 refusant le permis demandé, présentée au domicile de l'intéressé le 23 mars, constituait un refus de permis de construire et non le retrait d'un permis tacite, alors même que la lettre notifiant à M. A , en application des dispositions de l'article R. 421-12 du code de l'urbanisme, le délai d'instruction de sa demande de permis indiquait par erreur qu'elle vaudrait autorisation si l'autorité compétente ne s'était pas prononcée « avant le 23 mars 2004 » ;

 

 

Considérant qu'aucun des moyens invoqués par M. A à l'encontre de la décision refusant de lui délivrer un permis de construire et tirés de ce que la construction pouvait être autorisée en application de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Venasque, de ce que le forage prévu pour l'approvisionnement en eau et le réseau d'assainissement étaient conformes à la réglementation en vigueur et respectaient l'article NC4 de ce règlement, de ce que, enfin, la décision est entachée de détournement de procédure et de pouvoir n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; qu'il en résulte qu'il y a lieu de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;

 

 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

 

 

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 5 000 euros que demande la commune de Vénasque devant la cour administrative d'appel de Marseille et le Conseil d'Etat en application de ces dispositions ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. A devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. »

 

 

(Conseil d’État 7 juillet 2008)