Offre de concours et participations illégales (mercredi, 21 mai 2008)

Cette décision du 10 octobre 2007 du Conseil d’Etat est relative à une convention d’offre de concours nulle parce qu’elle aboutissait à violer le principe du caractère limitatif des participations qui peuvent être exigées à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme.

 

La commune doit rembourser au promoteur la somme de 228 673,53 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts...

 

« Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin et 1er octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BIOT, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville, 10, rue Valbonne à Biot (06410) ; la COMMUNE DE BIOT demande au Conseil d'Etat :

 

1°) d'annuler l'arrêt du 30 mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juin 2001, l'a condamnée à verser à la société Deviq Rhône-Alpes la somme de 228 673,53 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en remboursement de la contribution versée par cette société au titre des travaux d'extension du réseau public d'assainissement ;

 

 

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société Deviq Rhône-Alpes contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 juin 2001 ;

 

 

3°) de mettre à la charge de la société Deviq Rhône-Alpes la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

 

Vu le code de l'urbanisme ;

 

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

 

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

 

- le rapport de M. Jacky Richard, Conseiller d'Etat,

 

 

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la COMMUNE DE BIOT et de la SCP Laugier, Caston, avocat de la société Deviq Rhône-Alpes,

 

 

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

 

 

 

 

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Deviq Rhône-Alpes a acquis le 20 décembre 1990 un terrain de 63 260 m2 situé en zone NB du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE BIOT sur lequel elle entendait édifier un ensemble immobilier ; que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune prévoyait pour la zone NB une règle de limitation du nombre de lots constructibles ou de maisons individuelles à laquelle il ne pouvait être dérogé qu'en ce qui concerne les constructions desservies par le réseau public d'assainissement ; que la société Deviq Rhône-Alpes et la COMMUNE DE BIOT ont conclu, le 18 septembre 1990, une convention par laquelle la commune s'engageait à réaliser, avant le mois de novembre 1991, les travaux d'extension du réseau public d'assainissement jusqu'à l'entrée de la parcelle acquise par la société et à accorder à celle-ci les autorisations d'urbanisme que nécessitait la réalisation de ses projets ; que la société s'est, en contrepartie, engagée à verser au budget de la commune un fonds de concours pour un montant de 228 673,53 euros (1 500 000 francs) ; que la société s'est acquittée de cette somme par deux versements effectués les 28 janvier et 2 juillet 1991 ; que, par la suite, elle s'est vue délivrer plusieurs autorisations de lotir et permis de construire ; que la COMMUNE DE BIOT se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille l'a condamnée à rembourser à la société Deviq Rhône-Alpes la somme de 228 673,53 euros, qui avait été versée en exécution de la convention du 18 septembre 1990, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 1996 et de leur capitalisation à compter du 7 juillet 1997 ;

 

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. Toutefois ces contributions telles qu'elles sont définies aux 2° et 3° dudit article ne peuvent porter sur les équipements publics donnant lieu à la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 (…) / Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal. » ;

 

 

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme fixent de façon limitative les contributions qui peuvent être mises à la charge des constructeurs à l'occasion de la délivrance d'une autorisation de construire ; qu'il en résulte qu'aucune autre participation ne peut leur être demandée ; qu'eu égard au caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, toute stipulation contractuelle qui y dérogerait serait entachée de nullité ;

 

 

Considérant que si la convention signée le 18 septembre 1990 entre la société Deviq Rhône-Alpes et la COMMUNE DE BIOT prévoyait une contribution en contrepartie du raccordement du terrain à lotir au réseau public d'assainissement, cette contribution ne correspond ni au cas fixé par le 1°) de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme alors applicable relatif à la taxe locale d'équipement, ni à celui fixé au 2°) de ce même article et résultant de la combinaison des dispositions de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme et de celles de l'article L. 34-5 du code de la santé publique, dans leur rédaction alors applicable, en ce qu'il concerne la contribution de propriétaires d'immeubles à une installation d'un équipement individuel d'évacuation ou d'épuration et non celle de propriétaires de terrains devant être lotis et raccordés au réseau public d'assainissement, ni à celui fixé au 3°) de ce même article relatif à la réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332.15 du code de l'urbanisme ; que dès lors la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas inexactement qualifié la contribution prévue par la convention sus-mentionnée en la regardant, eu égard au lien existant entre l'extension du réseau public d'assainissement et l'octroi à la société des autorisations de lotir et de construire demandées par elle dans le cadre de la réalisation de son projet immobilier, comme interdite par les dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ; que la cour a pu légalement en déduire, par application des mêmes dispositions , la nullité de la convention prévoyant cette offre de concours ;

 

 

Considérant que, si la cour administrative d'appel de Marseille a incidemment relevé qu'à la date de la délivrance à la société Deviq Rhône-Alpes des autorisations de lotir et de construire, la taxe locale d'équipement avait été instituée dans la COMMUNE DE BIOT, elle n'a pas entendu faire de cette simple observation le motif de sa décision ; qu'ainsi, la requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle aurait commis une erreur de droit en se fondant sur cette circonstance pour regarder comme illégale la contribution versée par la société Deviq Rhône-Alpes ;

 

 

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BIOT n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

 

 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

 

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce soit mise à la charge de la société Deviq Rhône-Alpes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE BIOT demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la COMMUNE DE BIOT la somme de 4 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la société Deviq Rhône-Alpes ;

 

 

 

 

 

D E C I D E :

 

 

 

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BIOT est rejetée.

 

Article 2 : La COMMUNE DE BIOT versera, en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative, la somme de 4 000 euros à la société Deviq RhôneAlpes.

 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BIOT et à la société Deviq Rhône-Alpes ».