L’avis de l'architecte des bâtiments de France et l’illégalité du permis (mardi, 29 avril 2008)

Si cet avis ne lie pas le maire, son irrégularité n’est pas de nature à entrainer l’illégalité du permis :

« Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice, dûment habilité à cet effet, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville à Paris (75004) ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, statuant sur la demande de Mme Geneviève A et autres, suspendu l'exécution du permis de construire délivré le 2 mai 2007 à M. Philippe G autorisant la surélévation de la maison d'habitation dont il est propriétaire au ... ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par Mme A et autres devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre solidairement à la charge de Mme A et autres le versement de la somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code civil ; Vu le code de l'urbanisme ; Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur, - les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS et de la SCP Thouin-Palat, avocat de Mme I et autres, - les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 5211 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; Considérant qu'il ressort de l'ordonnance attaquée que, pour juger qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du permis de construire délivré à M. G par l'arrêté litigieux du 2 mai 2007 le moyen tiré de ce que l'avis rendu le 1er mars 2007 par l'architecte des bâtiments de France avait vicié, par son irrégularité, la procédure suivie, le juge des référés du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance que cet avis aurait comporté une réserve consistant non pas en une prescription imposée au projet envisagé mais en des exigences imposées pour l‘avenir aux propriétaires voisins et à la VILLE DE PARIS en tant que service instructeur de futures demandes ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, ainsi d'ailleurs que des énonciations de son ordonnance, que l'avis de l'architecte des bâtiments de France, rendu sur le fondement de l'article R. 421-38-5 du code de l'urbanisme, n'était pas, en vertu de ces dispositions, qui se bornaient à prévoir la consultation de l'architecte des bâtiments de France, de nature à lier le maire de Paris ; que, dès lors, la circonstance que cet avis favorable aurait, par ailleurs, comporté des prescriptions étrangères à la mission que l'architecte des bâtiments de France tenait des dispositions de l'article R. 421-38-5 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, était sans incidence sur la régularité de la procédure suivie par le maire de Paris ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, en jugeant que ces prescriptions affectaient la régularité de l'avis et par suite du permis litigieux, a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que la VILLE DE PARIS est fondée, pour ce motif, à en demander l'annulation ; Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée devant le tribunal administratif de Paris ; Considérant que Mme A, Mme D, M. B, M. C, M. et Mme E, Mme F et Mme H soutenaient, en outre, devant le tribunal administratif de Paris que, dès lors que la surélévation litigieuse était indissociable de travaux réalisés antérieurement par M. G sans autorisation, ni déclaration, le permis qu'il a sollicité au titre de cette surélévation aurait dû porter sur l'ensemble de l'immeuble et non sur la seule partie modifiée et que, faute de l'avoir fait, il doit être regardé comme irrégulier ; que le permis a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme dès lors que ne figurait au dossier de la demande ni un document établissant que M. G était le seul propriétaire du mur sur lequel s'appuyait la construction projetée, ni le consentement de l'autre co-propriétaire du mur dont il est établi, par ailleurs, qu'il était mitoyen ; que le permis de construire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il autorise un projet en totale rupture avec le parti architectural dominant du lieu, classé, en raison de sa particulière qualité, en secteur de maisons et villas du plan local d'urbanisme de la VILLE DE PARIS ; que le permis litigieux a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme dès lors que le volet paysager du dossier consultable en mairie ne comprenait pas la notice permettant d'en apprécier l'impact visuel ; qu'aucun de ces moyens n'est, en l'état de l'instruction, de nature à créer de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué ; que Mme A, Mme D, M. B, M. C, M. et Mme E, Mme F et Mme H ne sont, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence qui s'y attacherait, pas fondés à en demander la suspension de l'exécution ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la VILLE DE PARIS le versement des sommes que Mme A, Mme D, M. B, M. C, M. et Mme E, Mme F et Mme H demandent devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Paris au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre solidairement à la charge de Mme A, Mme D, M. B, M. C, M. et Mme E, Mme F et Mme H les sommes demandées, respectivement, par la VILLE DE PARIS devant le Conseil d'Etat et par M. G devant le tribunal administratif de Paris, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 3 octobre 2007 est annulée.

Article 2 : La requête présentée par Mme A et autres devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Mme A, Mme D, M. B, M. C, M. et Mme E, Mme F et Mme H verseront solidairement une somme de 3 000 euros à la VILLE DE PARIS et une somme de 3 000 euros à M. G en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par Mme A, Mme D, M. B, M. C, M. et Mme E, Mme F et Mme H tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS, à Mme Geneviève A, à Mme Linda D, à M. Salomon B, à M. Etienne C, à M. et Mme E, à Mme Colette F, à Mme Annie H, à M. Philippe G et au ministre de l'écologie, de l'aménagement et du développement durables. »

(Conseil d’Etat 12 février 2008)