Insolvabilité de l’acquéreur et absence de responsabilité du notaire (mardi, 15 mai 2007)

Le notaire n’est pas responsable de l’insolvabilité de l’acquéreur, sous réserves des distinctions évoquées ci-dessous, comme l’explique cette réponse d’un ministre à la question d’un parlementaire :

 

La question :

 

M. Michel Bouvard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur des pratiques limitées mais profondément dommageables concernant les acquisitions de biens immobiliers. Ainsi, il semble qu'un notaire n'ait pas obligation de s'assurer de la solvabilité de l'acquéreur lors de la signature d'un compromis de vente. Il est même possible de signer un compromis et ensuite un acte authentique lorsque l'acquéreur et notamment insolvable et a même pu être condamné par les tribunaux. L'absence totale de garantie à ce niveau peut, dans certains cas, encore une fois limités mais réels, permettre à des personnes sans scrupules de s'approprier, en faisant apparaître des paiements d'autant plus importants qu'ils ne pouvaient les mettre en oeuvre, des biens de personnes fragiles. Il souhaite connaître les dispositions que peuvent être prises à ce sujet.

 

La réponse :

 

Le garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître à l'honorable parlementaire que le notaire est un officier public et ministériel soumis à un certain nombre d'obligations rigoureuses envers ses clients. La Cour de cassation rappelle régulièrement qu'il est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et l'efficacité des actes rédigés par lui. S'il manque à ses obligations légales ou à son devoir de conseil, le notaire engage sa responsabilité civile. Traditionnellement, le degré de connaissances juridiques du client était pris en compte pour apprécier la responsabilité du notaire. La jurisprudence constante reconnaît aujourd'hui le caractère impératif et absolu de ce devoir de conseil. Le notaire est tenu du devoir de conseil même si son client est compétent ou est assisté par un autre professionnel. Cette obligation est donc particulièrement rigoureuse en présence de clients peu instruits, inexpérimentés ou dépourvus de connaissances juridiques. C'est ainsi qu'en matière de vente d'immeuble la Cour de cassation (Cass. Civ 1re 29 novembre 2005) a considéré que conseiller l'insertion dans l'acte de vente d'une clause résolutoire de plein droit destinée à protéger efficacement le vendeur en cas de non-paiement du prix faisait partie des obligations notariales. Toutefois, l'obligation de s'assurer de l'efficacité des actes est contenue dans les limites de la compétence professionnelle de l'officier public. Le notaire qui intervient seulement en qualité d'officier public pour rédiger un acte de vente ne répond donc pas de l'insolvabilité de l'acquéreur. La jurisprudence paraît en revanche considérer qu'il peut être rendu responsable de l'insolvabilité de l'acquéreur lorsque, en plus de sa fonction d'officier public, il négocie lui-même la vente (Cass. Civ. 1re, 9 décembre 1992). Il est en outre impossible d'imposer au notaire, qui au demeurant est tenu de respecter le secret professionnel, une ingérence excessive dans l'économie du contrat. D'une manière générale, les règles statutaires du notariat permettent de garantir la réparation des préjudices éventuellement subis par les clients des notaires. Ces derniers sont en effet obligatoirement assurés pour leur responsabilité civile (cf. article 13 du décret n° 55-604 du 20 mai 1955). L'ensemble de la profession est garante de l'indemnisation de la clientèle grâce à la garantie collective instituée par la loi, qui couvre, d'une part, le remboursement des dépôts effectués auprès des notaires, d'autre part, l'indemnisation des fautes professionnelles commises à l'occasion de l'exercice de la profession notariale.